Qui se rappelle encore de ce projet lancé le 30 août dernier – la date n’est pas choisie au hasard – et qui devrait voir les parents d’élèves soulager des frais découlant d’une maladie ou d’un accident en cours d’année ? Trop peu de Togolais certainement.
Mais savez-vous que Faure Gnassingbé, pour se donner des chances de non pas se représenter, mais de gagner les prochaines élections de 2020, a accepté de sortir non pas 3,5 milliards FCFA pour la rentrée 2017-2018 comme les autorités l’ont fait croire, mais plutôt 10,5 milliards répartis entre les deux représentants de NSIA et OGAR, nous avons nommés respectivement Madiou Soumare et Allogoh Akoué Renaud ?
Si le premier directeur général, Madiou Soumare, Sénégalais est toujours en poste à NSIA Assurances, le second a été récemment rappelé par son pays le Gabon pour prendre la tête de la CNSS et l’INAM fusionnées, version gabonnaise. Comment peut-il en être autrement, puisqu’il a atteint ses objectifs étalés sur trois années en un seul exercice ? Mais si seulement la manière y était, on comprendrait.
Sans aucun appel d’offres, le projet d’assurance aux élèves togolais a été « remis » aux plus griots des assureurs au Togo. Et pourtant, le pays compte des compagnies d’assurances créées par des Togolais et qui auraient pu bénéficier de ce projet ou du moins se mettre en concurrence avec les deux « gagnants » si les conditions qui sous-tendent les marchés publics avaient été appliquées. « A l’initiative du Chef de l’Etat SEM Faure Essozimna Gnassingbé, un programme de protection sociale portant sur une assurance maladie sera amorcé dès la rentrée prochaine. Dénommé « School Assur », il devrait toucher 2 millions d’élèves. Ce mardi 12 septembre, les Directeurs Généraux pour le Togo des sociétés d’assurances OGAR et NSIA, MM. Allogoh Akoue Renaud et Madiou Soumare, ont été reçus par le Premier Ministre Komi Selom Klassou. Partenaires du gouvernement, ils ont, avec le Chef de l’exécutif, échangé sur les avancées dans la mise en œuvre de « Shool Assur ». Le calendrier exact en vue d’une bonne conduite du projet et de son effectivité, dès la rentrée prochaine, au profit des jeunes élèves des établissements publics, a été décliné. Pour lancer ce projet, un contrat de 3,5 milliards entre le Gouvernement et les compagnies d’assurance a été signé le 30 août dernier. Cela implique une protection sociale minimale contre les conséquences financières découlant d’une maladie ou d’un accident pour les 2 millions de bénéficiaires. « School Assur » balise la voie à une couverture universelle, voulue par les autorités togolaises », avait écrit le site du gouvernement, republiquetogolaise.com le 13 septembre 2017.
Si, comme il fut annoncé, le projet était l’initiative du « chef de l’Etat » et non le fruit de l’imagination ô combien fertile de deux étrangers, pour ceux qui connaissent les deux directeurs qui sont depuis devenus « amis comme cochons », la présidence aurait pu lancer un appel à candidatures pour mettre les différents assureurs en concurrence et agir en même temps sur le coût de prestation et le montant de couverture du sinistre.
Ensuite, il y a la date qui est loin de relever du hasard. La rentrée scolaire en cours était encore loin devant et la semaine dernière, pour nous être rendus dans deux établissements scolaires, celle-ci a été bien entamée avant que les « délégués » ne pensent à visiter les écoles pour information. Mais si c’est précisément le 30 août que le lancement a été fait, cherchez seulement à savoir ce que représente cette date dans l’histoire du Togo.
Il y a aussi le chiffre de 2 millions, comme un air de déjà entendu. Quand la ministre du Développement à la Base lançait son Fonds national de la finance inclusive (FNFI), elle ambitionnait de toucher à terme 2 millions de bénéficiaires. Il n’y a pas longtemps, les autorités annonçaient que dans le projet Cizo qui devrait alimenter des villages en kits solaires, le même chiffre de 2 millions de populations à atteindre a été également avancé. Et pour l’assurance aux élèves, le revoilà.
Mais c’est surtout le montant avancé pour le projet qui démontre que les parents d’élèves seront « agréablement surpris », car si le gouvernement a pris de n’avancer que 3,5 milliards FCFA, il a volontairement omis d’ajouter : « par an, et sur trois ans » ! Parce que Faure Gnassingbé aura décidé, sans aucune statistique pour déterminer approximativement l’effectif des élèves qui tombent malades en cours d’année, sans penser à tous les élèves des écoles privées, sans un regard pour l’assurance obligatoire à laquelle les parents d’élèves évoluant dans la fonction publique ont souscrite, le décaissement de 10,5 milliards au moins sur trois années. Et quand on fait une petite projection dans le temps, School Assur sera dans sa dernière année pendant que le pays sera en peine élection présidentielle ! Qui a dit que Faure Gnassingbé, fils d’Etienne Gnassingbé aura envie de partir en 2020 ???
Sur les dépliants faisant la promotion du projet School Assur, il est écrit que « l’objet principal du contrat est, d’une part de permettre aux parents des écoliers ou élèves togolais de se prémunir efficacement contre les conséquences financières pouvant découler d’un évènement accidentel et de faire face avec plus de sérénité aux dépenses de santé de leurs enfants, et d’autre part de garantir tous les dommages qu’un écolier ou un élève pourrait subir ou occasionner à un camarade ou un tiers. Mais grand est le désenchantement lorsqu’on se penche sur les prestations. Si pour la responsabilité civile scolaire (obligatoire) un montant de 100 millions est prévu –l’assureur étant conscient que la survenue de ce cas est rarissime-, c’est la prestation pour maladie qui étale l’autre côté de l’arnaque. Figurez-vous que les frais d’hospitalisation, de chirurgie, d’analyses médicales, de pharmacie sont plafonnés à…30.000 FCFA ! Comment les deux directeurs ne pouvaient-ils pas alors avoir le vent en poupe après avoir réalisé une telle affaire ? Soit dit en passant, la Nivaquine, quinine et autres antipaludéens préventifs, aspirine, paracétamol et dérivés, antiseptiques, les objets à usage médical comme le thermomètre, les seringues, la vessie, la poire à lavement, bassin inhalateur, sonde ventouse, gant de crin, bandages, etc, sont exclus des remboursements.
Nous avons ouï dire que les autres assureurs auraient émis le vœu, étant donné que le projet n’a pas fait l’objet d’appel à concurrence, qu’il soit réparti, même de façon inégale entre tous les prestataires pour une meilleure couverture géographique, mais une fin de non recevoir leur aurait été opposée. C’est à croire que ces deux assureurs dont l’un a longtemps été placé sous administration provisoire et l’autre a vu d’énormes sommes disparaître de sa caisse, seraient des parangons de vertu. Loin de là. D’ailleurs, ils étaient toujours là, mais c’est une autre compagnie d’assurance togolaise, GTA-C2A VIE qui a été doublement récompensée cette année comme meilleure entreprise régionale (Best Regional Enterprise) et meilleur manager de l’année (Best Manager of the Year).
Nous avons contacté le Fondé de pouvoir, Ngoko Patrice, aujourd’hui redevenu Directeur général et lui avons adressé une série de questionnaires dont :
1- Les écoles concernées sont-elles averties ?
2- La répartition des établissements par assureur
3- Les écoles par préfecture ainsi que les effectifs
4- Le montant à percevoir par assureur
5- Les statistiques médicales qui font penser à 2 millions d’élèves
6- Les assurances des élèves déjà payées deviennent quoi?
7- Est ce vrai que ce projet est signé pour 3 ans ? Ce qui revient à 11,5 milliards FCFA ?
8- Le plafond à ne pas dépasser pour chaque élève
9- Les affections qui seront prises en compte
10- Qui financera le coût du projet ?
En guise de réponse, le fondé de pouvoir nous a répondu: c’est un produit de l’Etat et seul l’Etat peut communiquer là-dessus !!! Nous avons trouvé cette réponse assez bizarre pour une compagnie d’assurance qui, selon nos informations, a eu droit à 1,6 milliard FCFA et son partenaire NSIA, 1,9 milliard FCFA, renouvelables sur trois ans.
School Assur, c’est rien d’autre que de la pré-campagne orchestrée par les deux compagnies d’assurance pour donner un coup de pouce à Faure Gnassingbé et en même temps renflouer leurs caisses respectives.
Alex Koffikan
Source : La Nouvelle N°0027 du 15 Décembre 2017 au 15 Janvier 2018
27Avril.com