C’est dans un ciel sans nuage que lundi dernier, on a appris la nouvelle. La Haute autorité de prévention et de lutte contre la corruption et les infractions assimilées (HAPLUCIA) a transmis au parquet les dossiers de la Coupe d’Afrique des Nations (CAN 2013) et du scandale ayant fait suite à la construction de la voie Lomé-Vogan-Anfoin. Apparemment, l’institution semble sortir d’une hibernation qui n’a que trop duré. Mais non seulement, ces dossiers devront connaître des épilogues qui rassurent, mais aussi la HAPLUCIA devra se pencher sur d’autres dossiers relatifs à des cas de corruption rapportés abondamment dans les médias et mettant en cause le sommet de la justice. Reste à savoir si « ce parquet-là » sera assez courageux pour ce faire.
« Haplucia : la Haute autorité de prévention et de lutte contre la corruption et les infractions assimilées a transmis ses premiers rapports au Procureur de la République. Ce Lundi 04 Novembre 2019, la Haute Autorité de prévention et de lutte contre la corruption et les infractions assimilées (HAPLUCIA) a transmis les dossiers des affaires de la CAN 2013 et de la route Lomé-Vogan-Anfoin au procureur de la République, près le tribunal de première instance de première classe de Lomé ». Ainsi est libellé le communiqué de l’institution. Un communiqué qui coïncide curieusement avec la tenue de la 4ème Assemblée générale du Réseau des institutions nationales de lutte contre la corruption en Afrique de l’Ouest (RINLCAO). Mieux vaut tard que jamais.
Définie par la HAPLUCIA comme un « véritable obstacle à la bonne gouvernance et au développement harmonieux des pays, la corruption est un fléau redoutable qu’il faut prévenir et réprimer. Conscient de ses conséquences sur les économies en général et sur celles des pays en développement en particulier, le Togo a ratifié les instruments internationaux sur la lutte contre la corruption. Il s’agit de la Convention des Nations Unies contre la corruption, la convention de l’Union Africaine sur la prévention et la lutte contre la corruption et le Protocole de la CEDEAO sur la lutte contre la corruption ». Des ratifications qui donnent pleins pouvoirs au juge Wiyao Essohana et ses collaborateurs pour traquer tous les actes de corruption ou d’infractions assimilées.
Les scandales occasionnés par la route Lomé-Vogan-Anfoin et la CAN 2013 sont loin de s’estomper dans la mémoire collective. Pour le premier, le crime économique est évalué à une dizaine de milliards FCFA. Le second concerne un trou financier estimé à 600 millions FCFA. Le point commun des deux affaires tient au fait qu’elles mettent toutes deux en cause des…ministres. Et si la procédure devra aller à son terme, alors la HAPLUCIA doit être considérée comme l’organe dont les pouvoirs lui permettent de connaître des délits des membres du gouvernement. Mais pendant qu’on y est, l’institution devra revenir sur les dossiers des bassins de rétention dont certains sont achevés et d’autres, abandonnés alors que des décaissements conséquents ont été déjà faits. Même le Boulevard des Armées comporte des dessous peu reluisants qu’il urge de fouiller. Sans oublier le chantier actuellement abandonné au quartier Djidjolé, dans la rue qui va vers la pharmacie du Point E. Et quand les membres de la HAPLUCIA auront bouclé ces investigations, ils devront se pencher sur le foncier et les juges qui n’ont que trop terni l’image de ce corps par des retro-commissions en nature.
Sur la table du juge Wiyao, il y a un dossier dans lequel des juges haut placés ont été nommément cités pour avoir « léché » les doigts. D’autres ont produit des documents qui, justement, démontrent qu’ils se sont acoquinés avec des géomètres véreux que la cour d’appel a déjà reconnus comme tels. Mais parce qu’ils portent la toge, ils se sont longtemps cru intouchables. Mais avec le réveil de la HAPLUCIA, on veut croire –à moins que ses membres nous démontrent le contraire- que de la même manière que des juges font courir les citoyens du fait de la parcelle de pouvoir dont ils disposent, ceux parmi le corps qui ont brimé des citoyens ayant acquis de bonne foi des lots au quartier Agoè Klévé en particulier, et un peu partout en général, vont courir à leur tour pour répondre aux convocations de la HAPLUCIA et aux interrogations de celle-ci.
Quand la Banque Mondiale a produit le rapport Doing Business, on a fêté à l’Hôtel 2 Février. Mais lorsque Transparency International a sorti son rapport sur la perception de la corruption au sein de l’administration publique par les populations, chacun a vu l’image reflétée. Ni le Premier ministre, ni le Chef de l’Etat n’ont « ouvert la bouche » pour s’interroger sur ce fléau qui, à y voir de près, fait plus fuir les investisseurs honnêtes que le classement de Doing Business. Mais le parquet est-il lui-même si exempt pour connaître de ces dossiers ?
Nous avons révélé qu’au sein de l’appareil judiciaire, il existe des « septenaires », des juges qui font carrière au même poste depuis bientôt 8 ans. Une anomalie. Car tout juge qui va au-delà de 4 ans, commence à s’émousser et devra être affecté ailleurs à d’autres fonctions. Le chef de l’Etat et le ministre vont-ils procéder aux affectations avant qu’un juge « neuf » ne se saisisse de ces affaires ? Ou bien prendront-ils les mêmes pour recommencer ?
La lutte contre la corruption est une forme de transparence dans la gouvernance. Et une chose est que la HAPLUCIA transmette des dossiers au parquet, une autre est que ce parquet soit au-dessus de tout soupçon et requière l’assentiment de la majorité. Car des jugements biaisés risquent de remettre tout à plat et de voir le Togo « reculer de 100 ans en arrière » !
Abbé Faria
Source : Liberté
27Avril.com