Dans cette interview, Prof. Robert Dussey, ministre des Affaires étrangères, de l’Intégration régionale et des Togolais de l’extérieur, a dressé le bilan des activités de son ministère courant cette année 2021 qui s’écoule. Il n’a pas manqué de parler de la diaspora togolaise, des crises dans la sous-région ouest-africaine. Lecture !
Prof Robert DUSSEY, bonjour. La fin d’année est généralement le moment des bilans. 2021 égrène ses derniers jours. Quel bilan dressez-vous de l’action diplomatique du Togo en 2021 ?
Je vous remercie pour l’occasion que vous me donnez de revenir sur quelques faits marquants de l’action diplomatique du Togo en 2021.
Pour revenir à votre question, quand bien même il y a des choses qu’on aurait pu faire mieux ou autrement, je peux me permettre de dire, sans être prétentieux, que le bilan de la diplomatie togolaise en cette année 2021 est positif. Que ce soit sur le plan bilatéral ou multilatéral, nous avons fait des progrès, malgré un contexte un peu plus compliqué dû à la crise sanitaire de la Covid-19.
Le grand mérite des prouesses diplomatiques du Togo revient au Chef de l’Etat, Son Excellence Monsieur Faure Essozimna GNASSINGBE, dont la noble vision pour le rayonnement international de notre pays et l’épanouissement de toutes ses populations, transcrite dans la feuille de route gouvernementale Togo 2020-2025, sert de boussole à l’action de mon département. Vous savez, la diplomatie est un outil au service de l’action gouvernementale. Notre mission est donc de mobiliser les ressources, les expertises et les réseaux relationnels à l’extérieur pour appuyer la réalisation des projets prioritaires de cette feuille de route. Nous faisons tout ce qui est en notre pouvoir pour réussir cette mission.
Qu’est-ce qui explique, Monsieur le Ministre, que vous ayez ouvert des axes nouveaux de coopération avec des partenaires ?
Le Togo met un point d’honneur à soigner ses amitiés avec ses partenaires traditionnels qui ont toujours été à ses côtés : la France, l’Allemagne, les Etats-Unis d’Amérique, la Chine, le Japon, la Russie, Israël, la Turquie, etc.
C’est dans ce cadre que s’inscrit par exemple la visite officielle en France du Président de la République, Son Excellence Monsieur Faure Essozimna GNASSINGBE, du 7 au 9 avril 2021, au cours de laquelle il a eu un tête-à-tête fructueux avec son homologue, le Président français Emmanuel Macron. Une vingtaine de rendez-vous avaient été organisés lors de cette visite aussi bien avec les pouvoirs publics que les responsables des grands groupes du secteur privé français, autour des projets phares du Togo tels que la décentralisation, l’énergie, l’extension du réseau électrique, la digitalisation et l’agriculture.
Avec l’Allemagne, les relations sont également au beau fixe, comme en témoigne la visite que j’y ai effectuée en mars 2021 au cours de laquelle j’ai rencontré, entre autres, mon collègue allemand, Monsieur Heiko MAAS et d’autres membres du gouvernement ainsi que le bureau des petites et moyennes entreprises allemandes. Monsieur Gerd Muller, Ministre allemand de la coopération économique et du développement a effectué à son tour une visite au Togo du 13 au 15 juin 2021. D’importants accords relatifs à la coopération germano-togolaise ont été signés à ces occasions.
Cependant, en fonction de nos ambitions, nous travaillons également à diversifier nos partenariats en explorant de nouveaux horizons. C’est dans cette dynamique que j’ai effectué des visites officielles en Turquie, en Arabie Saoudite, au Qatar, et reçu à Lomé, la visite du ministre délégué aux affaires étrangères du Royaume d’Arabie Saoudite, les ministres des affaires étrangères de l’Algérie, du Mali, etc.
Il faut noter qu’avec la Turquie, nos relations se sont particulièrement renforcées avec un fort volet de coopération économique et commerciale comme en témoigne la visite à Lomé du Président Recep Tayyip ERDOGAN, le 19 octobre dernier qui marque la reconnaissance de l’attractivité de notre pays. Lomé va accueillir l’année prochaine le 1er forum d’affaires Turquie-Togo qui sera l’occasion de faire découvrir aux hommes d’affaires turcs les opportunités d’investissements dont regorge notre pays. Les grands groupes d’industriels et de patrons d’entreprises tels que le MUSIAD et le DEIK souhaitent investir dans notre pays.
Comme annoncé, l’ouverture de notre ambassade à Ankara sera effective en 2022, celle de la Turquie à Lomé étant opérationnelle depuis avril 2021. Je voudrais préciser qu’il n’y a pas que la Turquie qui s’intéresse au Togo. L’Inde, qui est aujourd’hui une puissance émergente, a ouvert son ambassade à Lomé en début d’année et le Royaume du Maroc a annoncé son intention de faire de même incessamment.
On voit bien que vous êtes un fervent promoteur des projets de la Feuille de Route Gouvernementale Togo 2025 et des opportunités économiques du pays auprès des partenaires étrangers. Qu’en est-il de la coopération multilatérale ?
Dans le multilatéral, tous les Etats sont égaux, par principe. Mais ils n’y exercent pas la même influence. Notre ambition est de rendre davantage audible la voix du Togo dans les organisations internationales en étant plus actifs au sein des organes délibérants.
Que ce soit au niveau des institutions du système des nations unies ou des organisations continentales ou régionales d’intégration, les prises de position du Togo, souvent alignées sur celles de ses groupes d’appartenance (CEDEAO, UA, OEACP), sont guidées par le principe de justice et d’équité internationales, et par la volonté constante de notre pays d’apporter sa modeste contribution à la préservation de la paix et de la sécurité dans le monde. Notre pays garde une foi inébranlable dans le multilatéralisme à travers la coopération et reste mobilisé à tirer partie des facilités qu’offrent les institutions spécialisées des Nations Unies aux pays en développement.
Nos relations avec l’Europe se déroulent dans le cadre de l’Accord de partenariat UE-OEACP dont j’ai eu l’honneur de présider les négociations. Nous avons paraphé le projet de cet accord à Bruxelles en avril dernier.
Au plan régional et sous-régional, le Togo participe activement aux chantiers de l’intégration qui est un vecteur de développement.
Vous êtes très impliqué dans la réussite des processus de transition politique en cours dans la sous-région de même que dans la lutte contre le terrorisme. Dites-nous, Monsieur le Ministre, pourquoi le Togo s’implique tant dans ces crises si loin de nous ?
Là, vous faites erreur ! Ces crises ne sont pas si loin que ça de nous. Le terrorisme est un phénomène insidieux et rampant qu’il faut prendre au sérieux et combattre par tous les moyens. La récente incursion terroriste dans notre pays à Kpendjal en est une preuve.
En intervenant dans les pays du Sahel les plus en proie à l’instabilité et les plus confrontés au terrorisme, le Togo travaille en réalité, par anticipation, pour sa propre sécurité et pour celle du Golfe de Guinée. Comme le disait si bien feu Président GNASSINGBE Eyadema, « si la case de ton voisin brûle, il faut s’empresser de l’aider à éteindre le feu, sinon, l’incendie s’étendra à ta propre maison ».
Le 28 septembre 2021, à l’occasion de la rentrée diplomatique 2021-2022, j’ai présenté la stratégie du Togo pour le Sahel qui précise la vision et les valeurs qui sous-tendent notre implication dans cette région. Ces valeurs sont le patriotisme régional, le panafricanisme, la solidarité, notre sens élevé de responsabilité et la conscience de notre communauté de destins. Il est temps que sur le plan sécuritaire, les pays africains sortent de la dépendance systématique de l’extérieur pour travailler résolument à la consolidation des mécanismes endogènes de défense et de sécurité collective.
Notre stratégie repose sur quatre (04) axes : la coopération régionale et interrégionale au service de la paix et de la stabilité, l’exportation de la vision togolaise de « la paix positive », le soutien au processus de normalisation politique, l’appui à une gouvernance responsable pour plus d’inclusion sociale et politique dans les Etats de la région du Sahel.
C’est en application de cette stratégie que le Togo apporte son soutien actif aux transitions en cours au Mali, au Tchad et, dans une moindre mesure, à la République de Guinée. La tenue à Lomé le 8 mars 2021 de la deuxième réunion du Groupe de Soutien à la Transition au Mali (GST-Mali) et sa troisième réunion que Lomé s’apprête à accueillir le 8 janvier prochain, rendent compte de notre engagement au plus haut niveau dans les processus de retour à la normalité politique et institutionnelle dans ce pays frère.
Sur un autre registre, la diaspora a occupé un pan entier de votre agenda en 2021. Qu’est-ce qui explique ce regain d’intérêt ?
L’attention que nous accordons à la diaspora togolaise ne date pas d’aujourd’hui. Je conviens cependant avec vous qu’elle a connu un véritable coup d’accélérateur ces dernières années. Presque tous les pays en développement cherchent aujourd’hui à capitaliser les potentiels de leurs diasporas. Celle togolaise est un véritable réservoir de compétences, de talents et de ressources qui, mieux orientés, peuvent avoir un impact réel sur l’élan de développement de notre pays.
Conformément à la vision du Chef de l’Etat, le Président Faure Essozimna GNASSINGBE, d’impliquer tous les Togolais à l’œuvre de construction nationale, mon département a pris un certain nombre d’initiatives visant à optimiser les contributions des compatriotes de l’extérieur à l’essor économique de notre pays, dont les plus récentes sont la création du Haut Conseil des Togolais de l’Extérieur (HCTE), le lancement du Guichet diaspora en mai 2021 et l’inauguration, le 25 novembre 2021, de la Maison de la diaspora, siège de ces deux institutions.
Le HCTE constitue aujourd’hui un interlocuteur qui est à la fois représentatif et fédérateur de la diaspora togolaise dans sa diversité. Mettant en œuvre son rôle dans la mobilisation des investissements productifs vers le Togo, le HCTE a organisé avec succès, le 10 avril 2021, un webinaire sur le thème : « investir au Togo ».
Quant au Guichet Diaspora, il est un outil technique à la disposition de nos compatriotes de la diaspora ainsi qu’une plateforme ouverte et souple qui répond aux attentes et exigences de la diaspora et permet d’accompagner techniquement les porteurs de projets afin de faciliter leur réalisation. Il est l’interface entre le gouvernement et les investisseurs et porteurs de projets au sein de la diaspora.
Mon département a par ailleurs initié un projet de recensement des Togolais de l’extérieur afin de connaitre leur nombre, leur répartition géographique et leur profil de compétences. Ce recensement sera officiellement lancé courant 2022.
L’engagement du Togo pour la diaspora ne s’est pas limité au plan national mais a été porté au niveau continental où, sur l’initiative de notre pays, la 34ème Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement de l’Union africaine de février 2021 a décrété 2021-2031 : décennie des racines et des diasporas africaines. En portant cette initiative, le Togo avait la conviction que la diaspora africaine est un acteur indispensable dans la marche du continent vers la réalisation de l’Agenda 2063 de l’UA. Le Haut comité en charge de l’agenda de la décennie que je préside a été mis en place et a tenu plusieurs réunions. Un plan d’action couvrant les premières années de la décennie vient d’être adopté.
Monsieur le Ministre, nous arrivons au terme de cet entretien, votre mot de fin.
Mon mot de fin sera une prière, celle de demander la grâce, la protection et la bénédiction de Dieu sur le Chef de l’Etat, le Président Faure Essozimna GNASSINGBE à qui je présente mes vœux de bonne santé et de paix intérieure.
Je formule le vœu que la grâce du Seigneur accompagne également le Premier Ministre, Madame Victoire TOMEGAH-DOGBE, ainsi que l’ensemble du Gouvernement. A tous nos partenaires, y compris vous, hommes et femmes de médias, je souhaite une joyeuse année 2022.
Source : icilome.com