Des gendarmes togolais ont passé à tabac un journaliste hier 7 février, allongeant ainsi la liste des répression de la liberté de presse au Togo.
Que s’est-il passé ?
Les faits se sont déroulés dans la journée du 7 février à Akato-Viepe, préfecture du Golfe, une dizaine de kilomètres de Lomé. Robert Avotor, journaliste du bi-hebdomadaire « L’Alternative », a été rudoyé par des gendarmes dépêchés dans ce village dans le cadre de l’exécution d’une décision de la Cour Suprême portant expulsion des propriétaires et démolition de biens immobiliers.
Le journaliste a subi des traitements humiliants et dégradants par les forces de l’ordre. Ces derniers le menottent, puis resserré les liens à plusieurs reprises et l’ont « laissé dans un coin », d’après les déclarations du journaliste Robert Avotor. Les éléments de la gendarmerie le laissent ensuite « uriner dans son pantalon » tandis qu’ils l’accablent de railleries.
Ces démolitions de constructions à Lomé et ses environs constituent souvent le lot de souffrances de nombreux habitants en cas de règlement des litiges fonciers par la Cour suprême. Dans de nombreux cas, la juridiction suprême ordonne l’expulsion des propriétaires et la destruction des constructions par voie d’huissier accompagnée de la force publique. Les scènes sont généralement insoutenables.
Volonté délibérée du pouvoir de « casser » du journaliste
Le reporter d’Alternative était habillé d’un gilet avec la mention «Presse» et muni de sa carte de presse s’était présenté aux gendarmes, histoire de lui faciliter l’exercice de son métier. Mais les gendarmes ne « mangent » pas la carte de presse mais cassent du journaliste. Voici le recit du confrère :
« Il y a un litige foncier à Akato-Viépé. Sur décision de la Cour suprême, certaines constructions doivent être démolies. Les gendarmes étaient venus pour faire sortir les gens de chez eux. Les hommes en treillis étaient une centaine. Naturellement, je suis allé pour faire un reportage. J’avais mon gilet et ma carte de presse. Quand je suis descendu de la moto, je me suis approché des gendarmes en me présentant.
Ensuite, je leur ai demandé si je peux parler à leur chef. L’un d’entre eux me demande : ‘’Il y a quoi ?’’. Je lui ai répété que je suis journaliste. Ils m’ont répondu tous qu’il n’y a aucun chef parmi eux, et qu’eux tous sont des chefs. Et puis, ils m’ont demandé de leur montrer ma carte. Ce que j’ai fait. Ils m’ont dit ensuite : ’’On ne mange pas la carte ici’’. L’un d’eux m’a intimé l’ordre de quitter les lieux. A peine avait-il dit ça qu’il a commencé par me tabasser.
J’ai couru. Mais d’autres gendarmes m’ont rattrapé et ont commencé aussi par me matraquer. Ils m’ont ensuite menotté et déposé dans un coin et se sont éloignés. Ils sont revenus quelques minutes plus tard pour me demander l’organe de presse pour lequel je travaille. Je leur ai répondu que je viens du journal « L’Alternative ». Ils m’ont demandé qui est le directeur. J’ai dit que c’est Ferdinand Ayité. Et voici leur réponse : « C’est vous non ? Cette fois-ci on vous a eu. On apprend toujours ce nom. On va te faire sentir de quoi on est capable. Quand vous êtes dans la masse, vous faites du bruit. Aujourd’hui, c’est toi seul ».
Ils m’ont laissé dans le coin. Ils m’ont menotté les mains derrière. De temps en temps, ils reviennent pour serrer les menottes. Cela me faisait très mal aux poignets. A un moment donné, j’ai senti le besoin de me soulager. Je leur ai demandé de me permettre au moins d’uriner. Ils ont refusé catégoriquement. J’étais obligé d’uriner dans mon pantalon. Cela les amusait. Ils ont amené aussi quelqu’un qu’ils ont surpris aussi en train de filmer. J’étais là, menotté pendant plus de deux heures. Ils sont revenus me dire que je vais répondre de mes actes à la Gendarmerie. Ils nous ont ensuite menottés ensemble (avec l’autre personne arrêtée) et nous sommes montés dans leur voiture. Arrivés à la Gendarmerie de Sagbado, ils ont effacé toutes les images dans nos portables et appareils. Ils nous ont remis les portables et demandé de partir. Ils ont pris nos identités et nous sommes partis vers 14h30 ».
Le reporter est actuellement à l’hôpital. Joint au téléphone, le directeur de l’Alternative compte porter plainte avec constitution de partie civile contre la gendarmerie de Sagbado pour coups et blessures volontaires en réunion par personnes dépositaires de l’autorité publique.
Rentrez les dedans !
Les bavures des forces de l’ordre contre la presse sont fréquentes au Togo. Les éléments des forces de l’ordre ont tendance à considérer les journalistes comme les supplétifs de l’opposition et pensent à leur régler des comptes quand l’occasion se présente.
Le journaliste-reporter d’images, Noel Kokou Tadegnon, de l’Agence Reuters, a été passé à tabac le 27 avril 2012 par des policiers anti-émeute lors de la couverture d’une manifestation d’un parti de l’opposition.
Quand il était directeur de la Gendarmerie nationale, l’actuel ministre de la Sécurité et de la Protection civile, Yark Damehane, commandait lui-même un détachement de gendarmes à qui il a ordonné de réprimer une manifestation de journalistes. « Rentrez les dedans (sic) s’ils bougent. Vous pensez que le pays appartient à vous seuls? », a-t-il déclaré sous forme de menaces aux journalistes.
A la suite de cet exploit gendarmesque suivie d’une énorme faute de français, il fut nommé ministre de la Sécurité et de la Protection civile
Source : Le Temps + Autres sources
Titre : 27avril.com
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