Togo, Réformes : Le désormais caduc rapport d’Awa Nana et sa Commission

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La nouvelle est tombée dans la soirée de mardi, mais noyée par l’actualité, occupée par les travaux de la session extraordinaire à l’Assemblée nationale.

Togo, Réformes : Le désormais caduc rapport d’Awa Nana et sa Commission

La Commission de réflexion sur les réformes politiques, institutionnelles et constitutionnelles a remis depuis vendredi son rapport à Faure Gnassingbé. Trop tard, diront certains, compte tenu de l’avancée du processus de mise en œuvre des réformes. L’essentiel à retenir, c’est que les membres de la Commission suggèrent une nouvelle Constitution, pendant que les populations exigent le retour à celle adoubée à plus de 97 % par le peuple en 1992. Mais que contient exactement ce texte proposé par Awa Nana-Daboya et les siens ? Au-delà des questions fondamentales dont la durée du mandat et le mode de scrutin, on parle d’« innovations » introduites.

La Commission rend son rapport

Les membres de la Commission de réflexion sur les réformes ont rendu le rapport de leur tournée, mieux, de leur mission à leur mandant. L’information a été révélée mardi en début d’après-midi, à travers un communiqué officiel, mais noyée par l’actualité du jour, notamment l’ouverture de la session extraordinaire des députés à l’Assemblée nationale et la comédie du pouvoir RPT/UNIR qui avait fixé comme urgence (sic) l’étude du budget de l’Assemblée nationale.

« La Commission de Réflexion sur les Réformes Politiques, Institutionnelles et Constitutionnelles (CRRPIC) porte à la connaissance de l’opinion nationale et internationale qu’elle a rendu le rapport de ses travaux au Chef de l’État le vendredi 08 septembre 2017, qui en avisera », relève-t-elle. Le rapport général est en fait un kit composé d’un rapport sur les auditions et consultations effectuées, d’un document portant propositions de réformes par voie parlementaire accompagné d’une note explicative et d’un autre portant projet d’une nouvelle constitution assorti aussi d’une note explicative.

Pour ceux qui en doutaient, la Commission estime « avoir pris en compte les aspirations profondes des populations et adresse ses remerciements à toute la classe politique et aux citoyens pour leur disponibilité et leur participation aux différentes rencontres d’audition et de consultation », puis invite les acteurs politiques à « en faire bon usage dans l’intérêt exclusif de la Nation Togolaise tout entière ».

Les populations du Golfe, des Lacs et d’Agoènyivé oubliées

C’est sans doute le premier hic de ce rapport. « Rencontrer les populations à travers toutes les préfectures pour recueillir leurs avis et suggestions pour nourrir la réflexion et proposer des réformes qui tiennent compte de notre histoire, reflètent nos réalités et répondent aux aspirations du peuple togolais », tel était l’objectif que la Commission s’était fixé, si l’on en croit le communiqué officiel rendu public le 27 juillet 2017 annonçant sa tournée. Mais, visiblement, Awa Nana-Daboya et les membres de la Commission ont violé leur serment.

Alors que la tournée débutée officiellement le 1er août était censée finir le 31, la Commission a annoncé le lundi 28 août, contre toute attente, le report (sic) de ses travaux dans les trois dernières préfectures. Estimant avoir « recueilli l’essentiel des préoccupations profondes des Togolais sur les réformes à opérer au Togo », la Commission décidait de « reporter les rencontres prévues pour ce lundi 28 août et mardi 29 août 2017 respectivement dans les préfectures des Lacs, du Golfe et d’Agoè-Nyivé ».

Dans un article consacré au sujet, nous avions relevé qu’il s’agissait d’une clôture tacite et que les membres ne reviendraient plus rencontrer les populations de ces trois préfectures, surtout que le communiqué parlait du souci « d’accélérer son travail pour répondre au besoin de plus en plus pressant du peuple de voir ces réformes intervenir ». On faisait aussi observer que l’intention aussi était de rendre le plus tôt possible le rapport et la proposition de texte permettant ainsi au pouvoir de court-circuiter l’opposition qui faisait monter la pression. C’est confirmé aujourd’hui, avec la remise du rapport, que les populations des trois préfectures, qui font au moins le tiers de la population totale du Togo, ne seront plus consultées. L’essentiel serait que leurs aspirations soient prises en compte, dira-t-on.

Une nouvelle Constitution et non celle de 92

L’essentiel à retenir du rapport remis par Awa Nana-Daboya et les siens à Faure Gnassingbé, c’est que la Commission suggère une nouvelle Constitution pour le Togo, allant ainsi à l’encontre des désirs exprimés par le peuple togolais. Parlant justement d’aspirations, c’est un secret de Polichinelle que les populations, dans leur ensemble, préfèrent le retour à la Constitution de 1992 alors adoubée par le peuple à 97,4 %. Elles l’ont abondamment exprimé au cours des audiences, et parfois avec véhémence, comme à l’étape de Sokodé et bien d’autres, mais aussi dans les rues à l’occasion des marches des 19 août, 6 et 7 septembre passés. Mais le peuple est visiblement « trahi » par le rendu de la Commission.

« Etait-ce encore la peine de rendre ce rapport ? », se demanderaient certains, par rapport au timing de sa remise et à l’avancée du débat sur la problématique de la mise en œuvre des réformes. L’autre inquiétude est aussi de se demander si l’avant-projet de loi de réformes adopté dans la précipitation par le Conseil des ministres du mardi 5 septembre dernier, pour désamorcer la mobilisation populaire autour des marches des 6 et 7 septembre derniers, a pris en compte les conclusions du rapport de la Commission remis trois (03) jours plus tard à Faure Gnassingbé. Tout porte à croire qu’il n’avait vraiment plus besoin des conclusions de la Commission et aurait bien voulu s’en passer. Selon des sources, c’est au pas de course que les membres de la Commission ont bouclé leur rapport pour le remettre à leur mandant et « s’en laver les mains ».

Les grands traits du projet de nouvelle Constitution

Au-delà de tout le charabia juridique ou politique du rapport, ce qui intéresserait le commun des Togolais, en apprenant que la Commission suggère une nouvelle Constitution, c’est de savoir ce que contient réellement le texte  en termes de durée du mandat présidentiel, de mode de scrutin …. Il nous revient qu’elle est restée fidèle aux conclusions de l’atelier de juillet 2016 sur les réformes organisé par le Haut-commissariat à la réconciliation et au renforcement de l’unité nationale (HCRRUN).

S’agissant justement de la durée du mandat présidentiel, on l’a rapporté dans plusieurs articles, le Prince était dans une logique d’imposer une nouvelle Constitution qui ouvrirait les portes d’une nouvelle République, la 5e, avec un septennat au lieu d’un quinquennat, et se faire remettre les compteurs à zéro. Mais il nous revient des sources bien informées que dans le projet de nouvelle Constitution transmis, la Commission aurait opté pour un mandat présidentiel de cinq (05) ans renouvelable une seule fois et un scrutin à deux tours. C’est ici peut-être qu’Awa Nana-Daboya et les siens peuvent s’enorgueillir d’avoir traduit les aspirations (sic) du peuple, comme le promettait la Présidente. Mais, ce n’est pas tout.

Les indiscrétions font par ailleurs état d’« innovations » introduites qui n’étaient pas dans la Constitution de 1992. On parle par exemple de dispositions qui rendraient impossible toute modification de la Constitution pour convenances personnelles à un certain délai avant les scrutins, comme le prescrit la CEDEAO dans protocole sur la démocratie et la bonne gouvernance. « Il est suggéré des dispositions qui empêcheraient quelqu’un (un chef de l’Etat, Ndlr) qui a fait modifier la Constitution, de se la faire appliquer, même après le mandat durant lequel la modification aura été faite », nous confie-t-on. Il nous revient que des mesures sont suggérées au sujet de l’impunité, de la corruption, du chômage et bien d’autres maux relevés par les populations au cours des audiences.

En tout cas, les jours à venir permettront, peut-être, d’en savoir officiellement sur la réelle quintessence du projet de nouvelle Constitution suggéré par Awa Nana et les siens, puisqu’il est annoncé une conférence de presse afin de livrer le contenu à l’opinion…

Tino Kossi

Source : Liberté No.2516 du 14 septembre 2017

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