Togo, Révision des listes électorales : Un seul kit par centre, lenteur criarde des machines et des OPS…

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Togo, Révision des listes électorales : Un seul kit par centre, lenteur criarde des machines et des OPS…

Forte affluence dans les centres de recensement, lenteur des opérations d’enregistrement des électeurs, panne et insuffisance des matériels d’enregistrement… La première journée de la révision des listes électorales a révélé l’intention du régime RPT/UNIR de bâcler le processus afin d’écarter le maximum d’électeurs acquis à l’opposition. Dans de nombreux centres de recensement et de vote (CRV), les problèmes identifiés sont les mêmes. Les CLC les plus performants atteindraient une trentaine d’inscrits.

Forte mobilisation des électeurs

Comme en décembre 2018, les populations ont respecté le mot d’ordre des partis politiques de l’opposition. L’appel à la mobilisation pour les élections locales lancé a été entendu. Les premiers électeurs étaient dans les centres de recensement et de vote (CRV) dès les premières lueurs, avant même l’arrivée des membres des Comités de listes et cartes (CLC). « Moi je suis arrivée ici à 4heures du matin. Je ne voulais pas manquer l’occasion de me faire enregistrer et participer aux élections locales. Je veux vite faire et partir », confie un électeur dans un centre de recensement au sud de Lomé.

Comme cet électeur, les personnes en âge de voter entendent jouir de leur droit. La mobilisation pour l’inscription sur les listes pour les élections locales est celle des grands jours. De longues files d’attente sont observées dans les différents centres. Une mobilisation qui contraste avec les faibles moyens déployés pour enregistrer les électeurs.

Faible déploiement des matériels

Un kit d’enregistrement par centre. C’est ce qui a été observé dans tous les centres où nous sommes passés. A l’EPC Immaculée Conception de Nyékonakpoè par exemple, une seule salle a été disposée pour l’enregistrement des électeurs. Et pourtant, lors du précédent recensement en octobre 2018, le matériel avait été mobilisé en grand nombre. Il faut aussi souligner que dans ce centre, la Commission électorale nationale indépendante (CENI) installe une dizaine de bureaux de vote lors des élections.

Un kit, c’est finalement la règle partout. Le gouvernement et sa CENI ont supprimé de nombreux CRV, dans leur tentative désespérée d’empêcher les militants et sympathisants de l’opposition de participer aux élections locales. C’est d’ailleurs une décision qui a été prise par la CENI et confirmée par un membre de la Commission électorale locale indépendante (Céli) de Golfe 4 qui a effectué une tournée dans les différents CRV de sa compétence. « En décembre dernier, il y a eu un recensement. Nous avons enregistré une participation massive des électeurs. C’est la raison pour laquelle la CENI a décidé de déployer seulement un seul kit par centre. Vu la mobilisation, nous allons rendre compte à la CENI qui va aviser. Soit on va augmenter le nombre de kit, soit on va prolonger les opérations », a-t-il déclaré après avoir constaté la grande affluence à l’EPC Immaculée Conception de Nyékonakpoè.

C’est donc acquis que dans tous les CRV, la CENI n’a envoyé qu’une seule machine. Mais ce qui est encore grave, c’est que ceux qui ont fait le déplacement des centres ont l’impression qu’il n’y a même pas de matériels de recensement. Et pour cause. Au CRV Saint Antoine de Padoue de Hanoukopé par exemple, le nombre de personnes enrôlées n’atteint pas la trentaine. Alors qu’il sonnait 14 heures, seule une dizaine d’électeurs a pu obtenir sa carte d’électeur. L’unique machine déployée s’est montrée récalcitrante dès l’ouverture du centre. « Je suis là depuis 8 heures, mais je ne suis pas encore sûr que je vais me faire enregistrer. Vous constatez que devant moi il y a une vingtaine de personnes. La machine met un peu plus de 15 minutes pour enregistrer chaque électeur. Certains ont passé jusqu’à 22 minutes devant l’OPS. En moyenne, j’ai vu qu’il y a seulement 3 personnes qui réussissent à obtenir leurs cartes d’électeurs en une heure. Pour cette première journée, il y aura 25 inscrits seulement », s’évertue à démontrer un jeune homme.

Comme lui, ils sont des milliers dans les CRV à prendre leur mal en patience face aux difficultés créées par le régime pour les décourager de se faire enregistrer. En premier lieu, et nous l’avons déjà évoqué, le nombre insuffisant de matériels déployés. Deuxièmement, il a été constaté dans tous les centres que les performances des ordinateurs ont été réduites, sans doute à dessein. Sinon, comment comprendre que pour rechercher d’éventuels doublons, les gens soient obligés de patienter pendant plusieurs minutes ? « Quand on a pris mes empreintes et enregistré mon nom, il a fallu attendre une dizaine de minutes pour que l’OPS puisse continuer l’opération. Pour tuer le temps, il était obligé de compter : 10%, 35%, 40%, 60%, 80%, 95%, 100%. Le fait même de s’asseoir et attendre aussi longtemps que les données se chargent peut décourager, mais la détermination était plus forte », relate un électeur qui s’est fait enregistrer dans la nouvelle préfecture d’Agoè-Nyivé.

Aux mauvaises performances des machines s’ajoutent celles des OPS. Comme s’ils découvraient l’ordinateur pour la première fois de leur existence, ils prenaient un temps fou pour y entrer les coordonnées des électeurs. Une lenteur notoire qui a retardé l’enregistrement d’un maximum d’électeurs.

Le coup de la panne a été également signalé dans de nombreux centres. Après plusieurs heures d’attente et d’interminables minutes pour l’enregistrement des données, les OPS sortent le coup de la panne de l’imprimante. Il nous a été rapporté que plusieurs OPS ont annoncé aux électeurs que les lasers des imprimantes étaient hors d’usage et que la réparation pouvait s’étendre sur un minimum de 2 jours.

Les responsables des CLC ont également fait preuve, dans certains bureaux de vote, d’une cruauté sans précédent. Beaucoup de personnes ont été refoulées pour des peccadilles, comme par exemple la carte d’identité expirée. « Nous avons reçu des consignes », avoue le président d’un CLC.

Les consignes du pouvoir respectées

Nous avions révélé dans nos précédentes parutions que le pouvoir avait l’intention d’écarter le maximum d’électeurs favorables à l’opposition. Point n’est besoin d’être un génie pour conclure que nous n’avions pas menti. Toutes nos révélations se vérifient sur le terrain, dès le premier jour des opérations de révision. La suppression des CLC, le déploiement d’un seul kit par centre, la lenteur des OPS dans l’enregistrement des électeurs… tout prouve que le gouvernement est agacé par la décision de l’opposition de prendre part aux locales.

L’incident Mgr Kpodzro

Cette première journée de révision des listes a démontré à suffisance la volonté du régime RPT/UNIR d’évoluer en vase clos. En dehors de la TVT, les responsables des CLC auraient reçu des consignes selon lesquelles tous les médias sont interdits d’accès aux salles. C’est ainsi que Mgr Philippe Fanoko Kpodzro a fait les frais du zèle du président du CLC de l’EPC Immaculée Conception de Nyékonakpoè. Une équipe de télévision qui suivait le prélat dans sa tournée a été interdite de prendre les images des opérations dans la salle. « Nous avons reçu des consignes. Ils ne peuvent pas filmer », s’égosillait-il. Il s’est finalement résigné sous la pression des électeurs dans le bureau et d’autres dehors.

De la nécessité de prolonger les opérations

Il est clair que des milliers de Togolais risquent de ne pas pouvoir voter à cause des difficultés créées pour les empêcher de se faire délivrer le précieux sésame. Trois jours pour près de 90% des électeurs qui se sont abstenus de se faire recenser lors des législatives du 20 décembre 2018, cela est insuffisant. Il revient au président de la CENI, Tchambakou Ayassor de prendre ses responsabilités.

Géraud Afangnowou

Source : Liberté No.2923 du 17 mai 2019

27Avril.com