Togo / Révélations de l’audit de la Cour des comptes : les regards tournés vers la DNCMP et l’OTR

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Beaucoup de Togolais ne se sont pas encore remis de la révélation au grand jour des malversations et détournements déguisés dans la gestion 2020 du Fond de riposte et de solidariste contre la Covid-19. Parmi les anomalies rapportées par la Cour des comptes dans son audit et non des moindres, la curieuse accessibilité de certaines sociétés à des marchés de plusieurs centaines de millions de FCFA sans numéro ni quitus fiscal. Un pan de ce scandale qui suscite la curiosité quant à une éventuelle réaction de l’Office togolais des recettes (OTR) au regard de son acharnement habituel sur les entreprises du Togolais lambda….

C’est un scandale de plus dont le régime aurait bien pu se passer, d’autant plus qu’il s’agit d’une situation de crise, la Covid-19 ayant coûté des vies mais dont certains ont profité pour se remplir les poches. En plus, il est question des ressources offertes, pour la plus grande part, par des partenaires occidentaux et même des nationaux qui, au nom de la solidarité, ont contribué, espérant sauver des vies. Mais ils auront, malgré eux, fait de nouveaux riches. Certains passages du rapport passent encore en revue dans des têtes et l’émotion n’est pas près de retomber, même plusieurs jours après sa publication et son relais par la presse. Sous d’autres cieux, les auteurs, commanditaires et bénéficiaires de ces malversations seraient déjà passés à la potence. Tout le rapport de l’audit de la Cour des comptes, notamment la Chambre chargée du contrôle des comptes de l’Etat est un tissu de scandales ayant vu des gens se faire fortune sur la vie des Togolais.Mais un pan interpelle et fait l’objet du présent article : l’accessibilité de certaines sociétés à des marchés de plusieurs centaines de millions dans cette affaire, sans identité fiscale, ni quitus.

Sans numéro ni quitus fiscal

Page 20 du rapport, Tableau 4 consacré aux marchés gérés par le ministère de la Sécurité et de la Protection civile. « Absence d’une lettre de commande ou document de marché ; PV de réception signé par un seul représentant du ministère ; absence de carte d’opérateur économique et de quitus fiscal », voilà les « observations » ou anomalies relevées par la Cour des comptes sur un marché d’achat de cartons de gants concédé à un certain Aholou Kodjo, d’un montant de…deux cent vingt-cinq millions (225 000 000) FCFA, environ un quart de milliard donc. Autre cas, un marché d’achat de 120 000 masques d’une somme de soixante millions (60 000 000) FCFA attribué à un certain Sumaila Mohamed (PJ 5 et 6 du Doc 3) et sur lequel le rapport relève : « absence de lettre de commande, absence de PV de réception, facture non certifiée, carte d’opérateur économique et quitus fiscal non produits ». Tout le reste du lot des dépenses, une bonne quarantaine, est sans pièces justificatives. Cocasse.

Page 21, Tableau 5 consacré au ministère de la Justice et de la Législation. Les marchés dits d’ « achat du haricot et huiles végétales » (factures N°NFK et N°111 NFK de NFK Groupe) des montants respectifs de 17 909 500 FCFA et 18 609 500 FCFA et d’ «achat de vivres » (factures N°51/2020 de Négociatrice, N°35/2020 de Négocoactrice et Assobo Sabio de 19 245 000 FCFA, 18 335 000 FCFA et 10 818 000 FCFA ont été exécutés sans que les attributaires ne présentent de carte d’opérateur économique ni quitus fiscal. « Absence du quitus fiscal ni de la carte d’opérateur économique », a en tout cas aligné la Cour des comptes comme observations sur ces marchés. Un autre d’achat de scanner et d’imprimante (Tableau 6) d’un montant de 1 895 000 FCFA, cette fois-ci concernant l’Université de Lomé, a été exécuté sans quitus fiscal.

La DNCM et l’OTR interpellés

Petite pédagogie. « La carte d’opérateur économique est la carte d’identification de l’entreprise par l’intermédiaire de l’operateur ou du gérant », nous apprend le site de l’Office togolais des recettes, otr.tg. En termes clairs, c’est la carte d’identité de l’entreprise. Quant au quitus fiscal, c’est « un acte ponctuel par lequel l’Administration fiscale décharge à titre provisoire un contribuable des obligations déclaratives et de paiement des impôts et taxes pour lui permettre de répondre à une exigence dans le cadre de ses activités ».

L’absence de carte d’opérateur économique implique donc que ces sociétés auxquelles ont été attribués des marchés, aux dépens d’autres éventuellement en règle avec le fisc, et certainement gré à gré, n’a pas d’existence légale. La non-présentation de quitus veut dire que ces sociétés ne se sont pas acquittées de leurs obligations fiscales sur les activités déjà réalisées. Comme si cela ne suffisait pas, elles sont passées par des voies détournées pour accéder à de nouveaux marchés et ne vont pas payer d’impôts là-dessus. Ce sont donc des pertes pour l’administration fiscale et donc l’Etat. Si ce ne sont pas des fraudes, cela y ressemble beaucoup. Il y a népotisme aussi dans cette affaire car ces entreprises ont sans doute usé de leurs relations dans ces différents départements ministériels pour gagner ces marchés. La Direction Nationale de Contrôle des Marchés pulics ( La DNCMP) est également interpellée, c’est elle qui contrôle la conformité de l’attribution des marchés publics. A voir les énormes irrégularités dans le covidgate, les togolais sont en droit d’interpeller cette institution.

Lorsqu’on sait la hargne avec laquelle l’OTR poursuit les opérateurs économiques, les micro entreprises ou sociétés du commun des Togolais qui n’ont personne, au nom du recouvrement, allant jusqu’à en fermer beaucoup pour non-paiement d’impôt, on ne peut qu’être révolté par cette nième affaire qui révèle au grand jour une pratique qui date de longtemps. « Donc les jeunes entrepreneurs peuvent toujours être en rixe avec l’administration fiscale et la CNSS quand ils se formalisent. On peut payer une commande de 225 millions, même sans carte d’opérateur économique ni quitus fiscal », enrage un compatriote sur le réseau Twitter. « Tu fais un tour dans leur village, localité d’origine, pas d’eau potable, les bâtiments sont délabrés, pistes rurales, n’en parlons pas, même pas de case de santé », déplore un autre.

L’audit, faut-il le rappeler, ne concerne que la gestion 2020 du FRSC. Dieu sait que les nombreuses anomalies relevées par la Cour des comptes devraient marquer aussi les gestions 2021 et 2022, et ces cas d’attributions et d’exécutions de marchés publics sans carte d’opérateur économique, donc sans identité ni quitus fiscal pourraient être plus nombreux. Dieu seul sait si l’OTR et les autorités compétentes réserveront une suite à ce cas précis. Ici au 228, l’impunité est la règle, surtout quand il s’agit de la minorité pilleuse…Bon, il parait que le « Jeune Doyen » serait très fâché de cette prouesse de plus de ses amis…Mais connaissant sa lenteur à la réaction, ce serait naïf d’en espérer de lui face à ce « Covid-gate ».

Source: L’Alternative / presse-alternative.info

Source : 27Avril.com