Togo : Rencontre avec le premier ministre ou la politique de la fuite en avant et de l’exclusion.

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«La meilleure forteresse des tyrans, c’est l’inertie des peuples.» Nicolas Machiavel

«…Ce fléau qu’est le terrorisme n’est pas le problème auquel notre pays fait face depuis un demi-siècle. Le grand problème togolais est surtout politique et a pris ses racines dans la malgouvernance, avec son corollaire de violations des droits de l’homme, de corruption endémique, de refus d’alternance. L’agitation politique qui consiste à jouer à la politique de l’autruche et à feindre d’ignorer les vrais problèmes du pays n’est pas ici la meilleure manière si on veut vraiment s’investir pour que les Togolais sortent définitivement de l’ornière sur tous les plans.»

Voilà comment nous concluions notre article la semaine passée sur ce que pourrait être la lutte contre le terrorisme dans une dictature. Notre appréhension liée à la mauvaise volonté du régime Gnassingbé quant à la résolution sincère du problème togolais, vient d’être malheureusement confirmée par ce non-évènement de jeudi dernier qu’on tente de nous présenter comme une rencontre entre majorité présidentielle et partis de l’opposition. En fait d’opposition, en dehors de quelques petites formations de moindre importance et des plaisantins habituels, constitués par des sigles, qui se disent de l’opposition, mais en continuant par leurs actes à accompagner le régime de dictature dans sa folie meurtrière, il y avait quatre représentants de la DMK (Dynanique Monseigneur Kpodzro), une mouvance politique créée dans la foulée des présidentielles de février 2020, braquées pour la ènième fois par l’armée pour Faure Gnassingbé, et l’Alliance Nationale pour le Changement (ANC) de Jean-Pierre Fabre.

Évoquant donc la comédie organisée jeudi autour du premier ministre Madame Victoire Tomégah Dogbé, un autre faire-valoir ne jouant aucun rôle, nous constatons que le régime incarné par Faure Gnassingbé continue à se moquer éperdument des Togolais. Les choses deviennent de plus en plus claires que le régime togolais se sert du terrorisme comme une aubaine qui lui permettrait d’atteindre son but qui ne pourrait pas être atteint par seulement des lois liberticides et la terreur. Et comme nous avertissions dans nos sorties précédentes, le problème du Togo n’est pas que le terrorisme, il est surtout politique et est lié à la gouvernance du pays depuis un demi-siècle. Faure Gnassingbé le sait et sait aussi que plusieurs dizaines de prisonniers politiques, dont son frère Kpatcha, croupissent encore, que beaucoup de Togolais, pas des moindres, sont obligés de vivre en exil pour des raisons politiques.

De tels problèmes aussi graves, ayant trait à la vie et à la gestion d’un pays comme le nôtre, ne se règlent pas avec la légèreté du régime togolais actuel. Surtout pas avec ce comportement irresponsable de Faure Gnassingbé qui croit ainsi flouer les Togolais et gagner du temps pour atteindre son but: celui de s’éterniser au pouvoir. Et au cours de la rencontre de jeudi, seuls les réprésentants de la DMK, comme nous l’apprenons lors de leur conférence de presse après la réunion,ont véritablement abordé les vrais problèmes qui intèressent les Togolais, en reprochant au premier ministre, à son gouvernement et surtout à Faure Gnassingbé de pratiquer la fuite en avant, de vouloir instrumentaliser la grave question sécuritaire pour rester au pouvoir. La coalition de partis mise sur pied par les soins du prélat n’a pas mâché ses mots pour dénoncer la violation des droits de l’homme, la répression de l’armée sur les populations qui manifestent contre la mauvaise gouvernance, pour demander la libération des prisonniers politiques et la levée des poursuites contre les leaders de l’opposition. La DMK n’avait pas manqué de rappeler la contestation des élections présidentielles de février 2020, et d’insister sur l’importance pour le pouvoir autour de Faure Gnassingbé d’engager de véritables discussions avec la vraie opposition pour régler les vrais grands problèmes du pays.

Quant à l’ANC, à travers Francis Pedro Amuzun sur RFI, les critiques contre le gouvernement de Faure Gnassingbé ne furent pas aussi dures et directes, et n’ont pas vraiment touché les grands problèmes auquels les Togolais dans leur ensemble sont confrontés, à savoir: la cherté de la vie, les massives violations des droits de l’homme, avec surtout le calvaire des dizaines de prisonniers politiques. Le représentant du parti orange n’avait fait que dénoncer les entraves faites aux partis politiques dans l’exercice de leurs activités et la répression des élèves grévistes dans les savanes.

Le PNP (Parti National Panafricain), lui, est royalement et soigneusement ignoré par le gouvernement. Et c’est pourquoi cette déclaration du porte-parole du régime togolais de dictature, Christian Trimua, qui semble vivre sur une autre planète, nous surprend: «…Tous les partis politiques togolais sont d’accord aujourd’hui pour agir d’un commun accord pour repousser l’agresseur hors de nos frontieres, de faire en sorte qu’il ne rentre pas sur notre territoire national, et que nos populations soient véritablement protégées. Et les acteurs ont fait de nombreuses propositions, de nombreuses contributions très intéressantes et le gouvernement va les mettre ensemble avec celles qui ont été faites par les populations de la région des savanes et cela va donner lieu à une série de mesures qui vont être annoncées au fur et à mesure.» Que devrions-nous comprendre par « tous les partis politiques togolais »,alors que d’autres formations politiques n’étaient pas les bienvenues? Avons-nous désormais affaire à deux Togo: un pour les Togolais fréquentables aux yeux de la dictature, et l’autre Togo pour les Togolais condamnés à la prison et à l’errance à travers le monde, parce qu’ayant refusé le gain facile, la collaboration avec le mal, et ayant pris sur eux de dire haut et fort ce qui ne va pas, et ce qu’il faudrait faire pour que tous les Togolais puissent vivre entre eux en toute fraternité et en toute humanité.?

«Les participants ont intégré le message du gouvernement et se sont déclarés prêts à aider les autorités en évitant soigneusement de faire de la récupération politicienne.» Peut-on lire sur le site de propagande du régime togolais, « Republic of Togo ». Qu’est-ce qu’une récupération politique ou politicienne? Est-ce à dire qu’avec le terrorisme, tous les problèmes politiques que connaît le Togo depuis plusieurs décennies sont subitement résolus, ou n’existent plus, et que pour cette raison, on ne doit plus en parler? Ce serait irresponsable de la part de ceux qui prétendent nous diriger de faire croire que la lutte contre le terrorisme puissse mettre fin aux principales revendications du peuple togolais qui consistent à l’humanisation et à la démocratisation du pouvoir politique. C’est pourquoi la rencontre de jeudi 4 août 2022 avec le premier ministre pourrait constituer un piège pour les moins avertis. « Tous les partis politiques togolais », comme ils le disent, seraient d’accord avec le gouvernement pour prendre des mesures pour faire face au terrorisme. Et si demain certaines de ces fameuses mesures devenaient un goulot d’étranglement pour les activités des partis de la vraie opposition, dont le régime a peur des manifestations? Que ferions-nous alors? Heureusement que des participants, comme ceux de la DMK, de l’ANC et beaucoup de ceux qui ne furent pas invités, comme les responsables du PNP, l’ont compris et le comprennent.

Samari Tchadjobo
Allemagne

Source : 27Avril.com