Faure Gnassingbé, l’actuel Président du Togo, suite à un risque réel d’avoir des troupes djihadistes sur le sol togolais, en profite pour engager, dans le cadre de la loi de programmation militaire 2021-2025, une réforme de l’impunité de son appareil sécuritaire, tant pour la partie officielle que pour la partie officieuse.
Face à l’éventualité d’un attentat au Togo et de l’augmentation du banditisme maritime dans le Golfe de Guinée, le pouvoir togolais profite des lois liberticides en place du fait de la COVID-19, pour engager des réformes dans l’armée et s’assurer un meilleur service de renseignements au sein de la population togolaise, cela passe par une pacification des relations entre l’armée et une population togolaise, bien dubitative.
1- Absence de séparation des pouvoirs pour contrôler la rue
Le pouvoir se conserve dès lors que le pouvoir contrôle la rue, soit en achetant les faux opposants, soit en empêchant le Peuple de s’organiser pour manifester sa désapprobation.
Accédant au pouvoir en 2005 par une flambée de violences avec plus de 500 morts selon l’ONU et de nombreux blessés et handicapés, la question pour Faure Gnassingbé est de se prémunir contre tout retour de la vérité sur sa légitimité au pouvoir. La légalité au pouvoir n’est possible qu’avec une armée clientéliste qui profite, de l’institutionnalisation de l’impunité et des largesses d’un système de corruption et de passe-droits économiques et financiers pour légitimer le pouvoir en place. La Justice togolaise n’est pas de mise, car chacun le sait, il n’y a pas de séparation de pouvoirs entre d’une part, le pouvoir exécutif et le pouvoir militaire, ni entre le pouvoir exécutif et le pouvoir judiciaire, encore moins entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif. Aussi, pour contrôler la rue, il faut infiltrer le Peuple togolais. On trouve même dans les marchés togolais, des hommes en uniforme, devenus des prédicateurs, des hommes de délivrance des envoutements, en plein marché à côté de la vendeuse de crevettes séchées ou de la vendeuse de pagne… Mais apparemment cette approche pour contrôler la rue ne fonctionne pas.
2- Des femmes pour amadouer les militaires
Le ministère de l’Armée au Togo est occupé par une femme, Mme Essozimna Marguerite Gnakadè. Elle est l’ex-Directrice générale de la Banque Togolaise du Commerce et de l’Industrie, poste que le pouvoir lui a fait quitter sur la base d’une très mauvaise gestion dont la responsabilité ne lui incombait pas toujours.
Le ministère des armées est directement rattaché à la Présidence, ce qui limite le rôle de la première femme Premier ministre du Togo, Mme Victoire Tomegah Dobgé. Les liens «familiers » et « familiaux » entre ces femmes et le pouvoir central relève la sphère privée que chacun connaît au Togo.
Donc, Faure Gnassingbé utilise les femmes pour tenter de pacifier les relations entre l’armée et la population, ce depuis les répressions systématiques des manifestations au point que certaines parties du pays sont toujours des zones sous contrôle des militaires.
Pour le moment, les « femmes au pouvoir » n’ont pas changé la donne, au contraire !
3- Peut-on se réconcilier sous une gouvernance de l’impunité au Togo ?
La réalité est qu’au Togo, c’est le règne de l’impunité avec des impossibilités de faire des procès sur des bases de transparence de la justice et des procès. L’assassinat du Lieutenant-Colonel Madjoulba après que Faure Gnassingbé ait prêté serment comme Président en 2020 demeure une énigme. D’ailleurs, le corps de ce militaire, très proche de Faure Gnassingbé, qui n’est toujours pas restitué à la famille pour faire le deuil, témoigne de l’ambiance au sein de l’armée togolaise. Les enquêtes non indépendantes sont lancées par le pouvoir mais ne donnent aucune conclusion probante, si conclusion il y a.
Mais, c’est la passation de pouvoir entre l’ex-Chef d’Etat-major des Forces armées togolaises (FAT), le Général Abalo Kadanga – dont le nom est associé à plusieurs assassinats suspects d’enfants au Togo -, par le Général de Brigade Dadja Maganawè en décembre 2020 qui témoigne de la volonté de préserver l’image des Forces armées togolaises (FAT). De nombreux militaires ont été récemment mis à la retraite « forcée » … Il y a aussi des déserteurs pour refus d’obtempérer aux ordres de s’en prendre arbitrairement, voire de tuer la population…
Tout ceci semble avoir été identifié par les agents troubadour du terrorisme mondial implanté en Afrique comme un terreau propice pour recruter. Faure Gnassingbé commence alors à prendre conscience que sans l’aide des populations, il risque d’être surpris par ce que les terroristes savent faire le mieux…. Un attentat, par définition surprise ! Aussi, il prend les devants sans pour autant s’entourer d’experts indépendants pour lui rappeler que l’origine du terrorisme au Togo pourrait s’apparenter à sa prise de pouvoir dans le sang en 2005, si on oublie les exactions du père, feu Etienne Gnassingbé Eyadema entre 1967 et 2005, et les siennes depuis 2005.
La difficulté est que la réconciliation ne s’achète pas, même quand on est pauvre, analphabète et sans information fiable en zones rurales, car privées de signaux Internet. Les agents alimentaires ou légitimateurs du système prônent le statu quo, mais oublient que le temps pour eux de devenir victime du système inique et dolosif du pouvoir est compté.
4- Et le terrorisme d’Etat au Togo dans tout ceci ?
Le paradoxe est que ce terrorisme d’Etat se fait par le truchement d’une armée clanique qui tire sans pudeur sur les civils et une population sans défense… les mains vides ! A ce jeu, il n’y a un qu’un seul gagnant, c’est Faure Gnassingbé. Mais ce système s’essouffle et il faut le « moderniser », si possible avec la population. C’est cela, l’objet principal de la réforme officieuse des forces armées togolaises, non sans assassinats et morts. Cette réforme ne peut faire l’économie de la réconciliation d’une armée clanique et impunie avec la population togolaise, notamment la partie la plus vulnérable et le moins éduquée.
Il n’y a donc pas de réconciliation possible entre l’armée et la population tant qu’une conférence inclusive élargie et indépendante n’a pas lieu avec la Diaspora sur l’impunité au Togo. On ne peut se réconcilier au Togo sous une gouvernance de l’impunité avec une armée officielle ou officieuse qui continue à empêcher le Peuple de s’exprimer, pacifiquement, sur le modèle de démocratie qu’il souhaite !!!
5- Le Togo risque d’inaugurer le terrorisme hors-taxe
Le problème est que les exactions sur les populations sont souvent le fait de milices armées, de forces de sécurité dont les agents ne parlent par la langue du pays. Il y a aussi quelques zélés de la cravache, du gourdin (matraque), de la machette (coupe-coupe) ou de plus en plus souvent de la gâchette facile.
Le professionnalisme de l’armée togolaise fait l’économie de la partie la plus importante de la formation, à savoir les cours sur le respect des droits humains, le respect des libertés publiques, le respect des journalistes et des médias indépendants. Bref, le respect des populations est une priorité seconde pour Faure Gnassingbé.
Alors, la réconciliation entre l’armée et le peuple est une entourloupette de plus pour se préserver au pouvoir, mais surtout pour s’organiser pour empêcher l’infiltration des djihadistes provenant du désert sahélien, eux-mêmes provenant de la Libye suite à l’échec grossier de la décision politique et personnelle de Nicolas Sarkozy d’accéder au pétrole libyen sans le feu « Guide » Libyen, Mouammar Kadhafi.
Même le Président des Etats-Unis de l’époque, Barack Obama, s’est fait rouler dans la farine de manioc dans cette histoire, même si en refusant de suivre les recommandations pacifiques de l’Union africaine, toute l’opération a été enrobée sous le couvert d’une opération onusienne exclusivement exécutée par l’Organisation du Traité de l’Atlantique nord (OTAN). Si officiellement, c’est la démocratie qui était promise au Peuple libyen, chacun peut mesurer aujourd’hui le degré de succès de cette opération en Libye, mais surtout dans les pays africains du Sahel.
Avec la conjonction fortuite entre les bandits du désert libyen et sahélien et les bandits opérant au plan maritime dans le Golfe de Guinée, et celle-moins fortuite avec Boko-Haram du Nigeria d’une part, et de l’autre, un Togo qui se positionne comme une « centre de transaction financière » où l’opacité des opérations se conjugue avec le degré élevé de blanchiment de l’argent sale, il faut croire que certains sont laissés pour compte. Ces derniers pourraient bien chercher à faire payer l’Etat togolais pour son jeu trouble dans les transferts d’argent pas toujours propre vers l’étranger… surtout qu’il s’agit assez souvent d’achats d’armes, de drogues, et de matières premières non transformées, sans compter les dividendes et profits rapatriés, trop souvent sous forme d’évasion fiscale sous arrangement avec l’Etat ou ses démembrements publics ou de plus en plus, privés.
En cela, Faure Gnassingbé, à la tête du Togo sur une base anticonstitutionnelle du fait des forces armées togolaises et d’une Cour constitutionnelle illégale, risque d’inaugurer une innovation dangereuse pour le Peuple togolais. Il s’agit du terrorisme hors-taxes.
6- L’indépendance de la justice est incontournable en France comme au Togo
Tous dans cette armée togolaise officielle ou officieuse bénéficient de l’omerta institutionnalisée, sauf si l’on cherche des boucs-émissaires pour calmer la colère du Peuple togolais, cette fameuse « rue ». Ce silence coupable ne peut cacher la volonté réelle de l’Etat togolais de construction d’une armée moderne et d’un service de renseignement efficace, surtout face à la montée du terrorisme. Mais l’urgence qu’il y a à continuer, forcée ou pas, à suppléer les troupes françaises dans ses diverses opérations dans le Sahel, fait que les liens entre le Togo et la France sont incestueuses.
D’ailleurs, c’est une des conditions non dites pour que le Président français, Emmanuel Macron continue à faire semblant de ne pas soutenir l’autocratie au Togo ! Reste à savoir si la rencontre programmée unilatéralement par Faure Gnassingbé pour avril 2021 entre Faure Gnassingbé et son homologue Emmanuel Macron aura bien lieu. La question est d’ailleurs de savoir s’il s’agira, une fois de plus en toutes confusions des genres entre des agents férus d’ésotérisme, de légitimer un système togolais où la corruption 2 semble devenir un mode de fonctionnement que M. Vincent Bolloré, Président d’une multinationale opérant au Togo, vient de reconnaître devant un tribunal français 3, tant pour son entreprise que pour son propre cas.
Merci à Maître Éric Dupont-Moretti, Garde des Sceaux et ministre de la Justice du Gouvernement français depuis le 6 juillet 2020, dont l’orientation affichée pour l’indépendance des juges commence par avoir des effets tangibles, et peut-être par ricochet servira de levier pour des ministres et des juges togolais et africains et indépendants. Pour le moment, le système de Faure Gnassingbé contourne sans détours la justice togolaise, communautaire de la CEDEAO et africaine.
7- Populisme militaire en guise de réconciliation entre l’armée et le peuple
Le risque des attentats provenant tant des terroristes de l’Islam mais aussi du grand banditisme opérant au plan maritime dans le Golfe de Guinée ne sont pas étrangers à la volonté de FG de réconcilier l’armée avec les populations. En effet, c’est en s’infiltrant au sein d’une population laissée pour compte par l’Etat togolais, ou réduite à la mendicité notamment dans le Nord, que les djihadistes pourraient s’infiltrer, comme ce fut le cas au Mali. A ce titre, ce n’est pas en distribuant de l’argent aux populations pauvres par le biais des agents, zélés ou pas, corrompus ou pas, de l’armée togolaise que le problème sera résolu. Les Djihadistes savent aussi le faire, et souvent mieux car l’argent provient souvent directement du terrorisme mondial, qui n’est pas toujours composé que d’Islamistes radicaux…
La loi de programmation militaire togolaise qui permet d’avoir un budget de plus de 1 milliard d’Euros sur 5 ans semble privilégier des équipements venant de l’étranger et fonctionne comme une subvention aux fournisseurs d’armes. Le Togo ne produisant pas d’armes, le Peuple togolais ne profite en rien de tout ceci. Il est donc difficile de convaincre le Peuple togolais uniquement sur la base d’un populisme militaire dans les zones reculées. A force de jouer à ce jeu, les militaires togolais pourraient prendre exemple sur le Mali ou le Soudan ou s’arroger le pouvoir au Togo. Encore faut-il dans toute leur grande hypocrisie, oser s’afficher comme militaire, ou alors trouver un civil aussi docile qu’obéissant.
8- L’Urgence des conférences inclusives préparatoires à une transition politique
La réconciliation ne s’achète pas, surtout dans un climat d’usurpation de la victoire de l’opposition aux dernières élections présidentielle et législatives.
Faure Gnassingbé doit reconnaître qu’il fonctionne sur la base d’un mandat présidentiel anticonstitutionnel et organiser une conférence inclusive élargie qui ne peut se limiter à l’armée. Sans le soutien des populations, l’initiative de réconciliation se soldera par l’achat des consciences dans les zones peu conscientes des enjeux. Mais cela ne repoussera qu’à plus tard le moment de vérité car la vérité des urnes n’a pas été respectée au Togo. Il y a urgence d’organiser, en toute sécurité et transparence, des conférences inclusives préparatoires à une transition politique.
Le chemin le plus sûr choisi par Faure Gnassingbé pour ne pas le faire, est justement, l’organisation d’un populisme militaire, malheureusement attirant le terrorisme hors taxes. La réconciliation ne s’achète pas, surtout pas avec une partie de l’argent de la corruption ! YEA.
28 février 2021
Dr. Yves Ekoué AMAÏZO
Directeur Afrocentricity Think Tank
Source : 27Avril.com