Les scandales financiers, le Togo en compte par centaines. Tellement les auteurs de ces maux qui fragilisent l’économie nationale bénéficient d’une impunité criarde qu’on va aujourd’hui vers une banalisation de ces scandales. Même ceux qui devraient taper du poing sur la table pour arrêter l’hémorragie semblent donner leur aval au phénomène qui développe ses tentacules dans presque tous les secteurs. Aujourd’hui, c’est le rapport de la Cour des comptes sur la gestion 2020 des fonds Covid-19 qui nourrit les débats. A en croire ce rapport, il y a des irrégularités criardes qui montrent des traces de détournements. Mais le gouvernement n’est pas de cet avis et accuse.
La presse critique et même la Cour de comptes, auteure de ce rapport, se retrouvent dans le collimateur du gouvernement qui les charge à volonté. La presse fait une interprétation erronée du rapport, à l’en croire et il tance la majorité des Togolais qui conclut au détournement de fonds après avoir lu ce rapport pourtant clair comme de l’eau de roche. Selon Christian Trimua, ministre des Droits de l’homme, chargé des Relations avec les Institutions de la République, le rapport de la Cour des comptes est une « chose extrêmement technique », parce que « ce n’est pas une matière qui est à saisir par le premier venu ». Visiblement, les Togolais ne peuvent pas comprendre et n’ont pas compris ce que la Cour des comptes a écrit noir sur blanc avec des dépenses qui n’ont pas de pièces justificatives, des matériels payés, mais non entièrement livrés et d’autres irrégularités qui scandalisent même « le premier venu».
« Le rapport en question n’a jamais parlé de fait de prévarication, de détournement ou de vol. Le danger, c’est d’outrepasser la pensée de la Cour pour faire des attributions d’infractions à des personnes. Je le dis parce que naturellement, en tant que ministre des Droits de l’homme, je suis interpellé. Nous avons vu des grands titres de la presse qui, depuis que le rapport a été publié, ont mis quasiment des administrations et des autorités à l’index », a indiqué Christian Trimua. Et de menacer : « Aujourd’hui, si les gens qui ont flirté avec l’infraction sur la diffamation et l’atteinte à la réputation, sont manifestement condamnés…». Avant Christian Trimua, d’autres membres du gouvernement étaient montés au créneau pour crier sur tous les toits que tout va bien dans le meilleur des mondes et que ce sont les Togolais qui n’ont pas bien lu le rapport. Autrement dit, l’on doit cesser de parler de ce rapport en mal. Tout le monde doit regarder dans la même direction comme le gouvernement qui se « réjouit de ce que ce rapport considère que les dépenses relatives aux mesures barrières, de riposte ou sanitaires sont conformes, régulières et sincères ».
Comme on le voit, le gouvernement, notamment le ministre en charge des Droits de l’Homme, charge la presse comme si c’est elle qui avait inventé le rapport. Elle n’a fait que relayer le travail de cette institution reconnue par la loi fondamentale. A en croire Trimua; le rapport présente des qualités; mais aussi des imperfections (sic). Une façon d’égratigner un peu la Cour. Ce rapport est un document officiel. La Cour des comptes est une institution de la République et d’ailleurs Christian Trimua ne devrait pas réagir de la sorte envers elle. On dédouane donc ceux qui devraient rendre compte et assumer leur responsabilité et qui déchargent sur la presse.. C’est comme si les révélations faites par la Cour des comptes ne sont pas suffisamment graves.
En fait, le Togolais avisé ne devrait pas s’étonner de cette réaction du gouvernement togolais qui a toujours été réfractaire aux rapports d’institutions de la République qui l’accablent. On se rappelle le rapport de Koffi Kounté, président de la Commission nationale des droits de l’Homme (CNDH) qui a révélé les traitements inhumains et dégradants dont ont été victimes les personnes accusées dans l’affaire d’atteinte à la sûreté de l’Etat. Le gouvernement avait nié l’existence de la torture au Togo. Koffi Kounte n’a eu la vie sauve qu’en quittant le pays lorsque l’institution qu’il dirigeait, la CNDH, a conclu qu’il y a eu bel et bien tortures . Dans le rapport rendu public par l’Inspection générale des finances (IFG) dans le scandale « pétrolegate », le même Christian Trimua avait indiqué que les inspecteurs de l’IGF n’ont pas respecté leur cahier de charge. Et donc ce n’est pas ce qu’on leur a demandé de faire qu’ils ont fait. Alors que ce rapport aussi confirme des détournements dans la commande publique du pétrole.
On voit donc que c’est devenu un mode opératoire du gouvernement de charger les institutions qui font normalement leur travail. Le gouvernement passe son temps à fragiliser ces institutions et à les réduire à néant. C’est le cas de la CNDH, de l’IGF et aujourd’hui de la Cour des comptes. Et tout ça n’a malheureusement pour nom que l’impunité qui est devenue la chose la mieux partagée par les gouvernants.
Pour couronner le tout, il a fallu qu’on organise une comédie à l’Assemblée nationale le mardi 21 février dernier pour se donner bonne conscience. Bien évidemment comme l’Assemblée nationale est presque monocolore, la pilule est passée comme une lettre à la poste. Heureusement qu’il y a encore quelques députés lucides qui continuent de dénoncer la supercherie. Pour ces derniers, il y a détournement dans la gestion 2020 des fonds Covid-19. Ce qui veut dire que la presse que d’aucuns chargent, de même que les Togolais avertis, n’inventent rien. Le reste, c’est de l’intimidation qui ne saurait cacher la réalité qu’est ce scandale financier de plus sur la Terre de nos aïeux.
Source: Presse-lalternative.info
Source : 27Avril.com