Vendredi 6 janvier, un policier garde du corps d’un responsable de la Poste se tire une balle dessus en plein service. Il est rapidement évacué dans une clinique de la place pour des soins intensifs. On ignore les causes de ce qui apparaît comme une tentative de suicide. Mais ces collègues voient en cet acte un ras-le-bol de leurs conditions de travail. Des policiers qui tentent de se suicider pour dénoncer leurs conditions de travail, cela est plus courant en Occident que sous les tropiques.
Ce fait rarissime traduit néanmoins un grand malaise qui couve au sein de ce corps dont la mission est de protéger les personnes et les biens ; prévenir les atteintes à l’ordre public ; maintenir l’ordre public et le rétablir lorsqu’il est troublé ; rechercher les renseignements nécessaires à la protection des institutions de la République ; combattre la délinquance et la criminalité sous toutes leurs formes ; constater les infractions, rechercher, arrêter les présumés auteurs et les mettre à la disposition de la justice ; surveiller les frontières et contrôler la circulation des personnes et des biens ; assister les autorités judiciaires, administratives et locales.
Dans l’exercice de leur mission, les policiers sont confrontés à d’énormes difficultés. Ils sont même les parents pauvres de l’appareil sécuritaire au Togo. Les commissariats ressemblent à des taudis où s’agglutinent plusieurs agents. Manque de véhicules, de carburant, de matériels à deux roues, les ordinateurs sont un luxe. A Lomé, hormis le commissariat du 3e arrondissement construit au lendemain des indépendances, les autres commissariats, y compris le commissariat central, sont en location et dans des bâtiments insalubres. A l’intérieur du pays, c’est presque le même scénario, voire pire. C’est dans ces conditions insalubres, sans moyens, que les policiers sont appelés à travailler, dans un environnement sécuritaire de plus en plus agité. Ceux qui sont détachés à la protection de certaines personnalités publiques, comme le cas de celui qui a tenté de se suicider, ne sont pas mieux lotis. Ils sont généralement exploités par leurs patrons qui les traitent comme des esclaves à leur service.
La situation précaire que traversent les policiers dans l’exercice de leur fonction a conduit le gouvernement à élaborer le statut spécial de la Police nationale. Le 10 juillet 2015, l’Assemblée nationale a adopté en plénière la Loi portant statut spécial de la Police nationale. Au cours de l’étude au fond, la commission spéciale composée des commissions de la défense et de la sécurité, des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale, des finances, du développement économique et des droits de l’homme, a fait deux recommandations majeures :
La première se décline en ces termes : « La commission spéciale recommande au gouvernement que, dans le décret qui sera pris en application de la loi portant statut de la police nationale, les indices de la police soient alignés, à titre indicatif, sur ceux de la gendarmerie nationale. Exemple : les grades hors hiérarchie doivent correspondre au corps des généraux des armées ; le commissaire divisionnaire au colonel des armées ; le capitaine de police au capitaine des armées dans le corps des officiers de police ; l’adjudant de police à l’adjudant des armées dans le corps des sous-officiers et agents de police ». La seconde recommandation invite le gouvernement à passer aux actes : « La commission spéciale recommande que les aspects liés à l’amélioration des conditions de vie et de travail de la police nationale tels que prévus par le nouveau statut et les textes réglementaires d’application soient pris en compte dans le budget général de l’Etat, exercice 2016 ».
L’adoption du statut spécial de la Police nationale par les députés le 10 juillet 2015 a été accueillie avec un grand soulagement par l’ensemble des fonctionnaires de ce corps. Mais depuis, l’espoir s’amenuise pour plusieurs raisons. D’abord depuis 2015, le décret d’application de cette loi spéciale n’a toujours pas été pris par le gouvernement; ensuite le budget exercice 2016 n’a pas pris en compte la recommandation formulée par la commission spéciale. Enfin, et c’est le plus inquiétant, lorsqu’on décrypte le budget de l’Etat exercice 2017 adopté il y a quelques semaines à l’Assemblée nationale, on ne retrouve aucune trace de mesures consacrées à l’amélioration des conditions de travail et de vie des policiers. Pour une loi votée en 2015, faut-il attendre plus de deux ans pour prendre le décret d’application ?
Au sein du corps de la Police, l’espoir semble faire place à l’inquiétude. Une situation qui doit interpeller le ministère de la Sécurité et de la Protection civile qui doit s’investir pour une matérialisation rapide de ce fameux décret d’application.
Source : Ferdi-Nando, L’Alternative No. 582 du 17 janvier 2017
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