L’infection par des crises de succession des institutions ne se limite pas qu’aux structures politiques, économiques et sociales. Même les organisations hautement spirituelles sont frappées par des dissensions, si elles ne prennent pas une allure financière de gestion, sont secouées par des élections truquées. C’est le cas de la grande loge Nationale Togolaise, la très respectée GLNT qui est éclaboussé depuis l’année passée par la désignation d’un nouveau grand maître dans une confusion statutaire.
Certains membres, indignés par le forcing d’un groupe de personnes, ont décidé de saisir la justice. Le verdict est tombé. Le successeur de Roggy Kossi Pass, le sieur William Bolouvi est désavoué. La procédure d’intronisation est suspendue, l’assemblée générale prévue pour le 11 mars annulée par la cour d’appel qui a d’ailleurs pris des mesures pour faire exécuter l’ordonnance. C’est l’épilogue d’une grande crise qui a pris des allures ethniques et tribalistes.
Le diable est rentré dans la maison des francs maçons du Togo depuis l’année passée. Courant juillet 2016. On l’avait pourtant vu venir, la crise, lorsque les membres de la loge sentaient les velléités du grand maître Roggy Pass à se faire succéder par un dauphin qu’il préparait. C’est ainsi que le 26 juillet 2016, le Souverain Grand Comité (SGC) instance chargée de la désignation du candidat pour la prochaine mandature est passée à l’acte. Le sieur William Bolouvi a été désigné et selon certains membres, imposé pour être le Grand maître de la GLNT pour le mandat de 2017 à 2020.
Dans un document exclusif dont nous avons copie qui défend l’opportunité de la crise, un influent membre est allé dans l’absolue défense de l’irrégularité de la désignation : « La proposition de désignation du Candidat à la Grande Maîtrise, telle qu’elle s’est déroulée lors du scrutin de désignation du Souverain Grand Comité du 26 juillet 2016, est irrégulière en la forme. Le TRF Ignace Kokouvi Clomegah, Assistant Grand Maître d’Honneur, en sa qualité de Très Puissant Souverain Grand Commandeur du Suprême Conseil du Rite Ecossais Ancien et Accepté pour le Togo, n’avait pas qualité pour présenter un candidat qui, du reste, n’a jamais été secondé, conformément à la tradition maçonnique. »
Par ailleurs, d’après nos investigations, plusieurs autres ratés ont émaillés le choix du Grand Maître contesté, William Bolouvi. Entre autres, la prise en otage de l’instance de désignation du candidat et sa manipulation par le Grand maître sortant en violation des textes réglementaires de la loge : L’article 4.1 du Règlement Général traite de la ‘présidence et de la composition’ de cette instance au sein de laquelle on distingue les membres à vie qui sont : ‘les anciens Grands Maîtres, Députés Grand Maître, Assistants Grand Maître ayant exercé leurs fonctions pendant trois (03) années consécutives’ et les membres de droit que sont les Grands Officiers Actifs; puis suit une liste exhaustive de ceux-ci et de préciser que ‘Dans tous les cas, le nombre des membres de droit du Souverain Grand Comité ne peut excéder 70’. Pour expliquer ce jargon franc-maçonnique, il est important de remonter en 2014 au moment ou le grand maître Roggy Pass était conscient qu’il n’était plus autorisé à briguer un nouveau mandat de trois ans. Il faudrait donc trouver un successeur pour sécuriser ses arrières. C’est ainsi, que d’après nos enquêtes, William Bolouvi était l’homme de main de Paass autour d’une équipe composée également de Ignace Clomégah qui selon les contestataires n’avait pas totale compétence pour désigner le Grand maître de la Loge.
Le conflit est donc né au sein de la GLNT. Les membres ne s’entendaient plus et deux camps étaient diamétralement opposés.
Le courant de Roggy Paass composé naturellement de Bolouvi et de CLomegah s’opposait au courant de l’adversaire, lui aussi candidat, le sieur Bebissiki. Le groupe est par ailleurs traité par les autres de « rebelles » pour leur détermination à faire appliquer la loi présentée selon les termes maçonniques comme les US et Coutumes.
L’affaire est devant les tribunaux du Togo avec assignation en référé en première instance ordonnant à M. Roggy Paass de surseoir à l’assemblée générale semestrielle « jusqu’au règlement de la crise. »
Le camp de Roggy Pass a interjeté appel et réussi à organiser cette assemblée le 5 novembre 2016 pour ratifier la désignation du sieur Bolouvi Ayaovi William comme le nouveau Grand Maître.
C’est la goutte d’eau qui débordé le vase et mis en courroux les « opposants » à la « forfaiture».
Le risque à craindre dans la sérénité de la Loge est à venir. Le projet le 11 mars prochain de l’assemblée générale visant à couronner l’investiture (en terme politique) ou l’installation en langage franc-maçon de M. William Bolouvi comme nouveau Grand maître de la GLNT pour assurer le mandat 2017-2020.
Le risque est assez grand puisque les autres qui ne cautionnent pas la désignation du nouveau Grand maître ne se laisseront pas faire. On évoque même des troubles et des violences pour empêcher l’installation du sieur Bolouvi.
Ce qui amène le collectif de la normalisation à demander et obtenir la suspension de toute activité dans les locaux de la loge : « Qu’il est à craindre, qu’en dépit de l’instance en cours, pendant par devant la cour d’appel de Lomé, le TRF Roggy Kossi Paas ne cherche à imposer le TRF William Ayaovi Bolouvi comme Grand Maître pour servir ses intérêts et au préjudice de l’Association alors que sa désignation est irrégulière, ce qui risque d’entraîner le dysfonctionnement, la paralysie et la dislocation de la GLNT… qu’il y a urgence de prendre des mesures conservatoires pour éviter les troubles et que ne se crée une situation irréversible au préjudice de l’association GLNT….. » selon les termes de la requête introduite à la cour d’appel par le cabinet Martial Akakpo commis par les plaignants.
C’est donc le 16 janvier dernier que la décision du Président de la Cour d’appel de répondre favorablement à la requête en ordonnant l’apposition des scellés sur les ouvertures, portes et fenêtres de l’immeuble abritant le Temple Emmanuel Kotso Nathaniels, domaine des Maçons sis au quartier Aflao Gakli (Djidjolé).
La crise a donc atteint son point culminant. Le groupe de Paass est très muette sur la question. Nos investigations nous permettront de publier leur version des faits et leur réaction face à la décision de la justice.
Dans les coulisses, d’après nos enquêtes aux dernières nouvelles, Paass et son équipe pourront organiser l’installation de Willam Bolouvi comme Grand Maître de la GLNT pour le mandat 2017-2020 ailleurs. « Adama Barrow n’a-t-il pas prêté serment en dehors du territoire gambien, au Sénégal ? Rien ne nous empêche donc d’installer notre nouveau Grand maître dans une ambassade de la GLNT… » nous confié un membre du courant PAASS qui préfère garder l’anonymat.
GLNT, une crise aux allures ethniques et tribalistes.
L’Histoire de la franc-maçonnerie au Togo est émaillée de crises successives avant d’en arriver à celle qui fait le plus parler d’elle actuellement. De Nathaniels à Me BATAKA beaucoup d’eau a coulé sous le pont pour qu’on en arrive à Roggy Paas qui a réussi à faire brûler les étapes de grade à William Bolouvi pour tenter de l’imposer à la tête de la GLNT.
Les conflits et les dissensions vont de la violation des textes à la gestion du patrimoine, de l’autocratie de certains Grand maîtres aux différents réseaux qui s’opposent.
Depuis le début de la crise actuelle, un mémorandum explicatif de la crise circule et a reçu l’adhésion de plusieurs pétitionnaires. Il est piloté par un collectif dénommé : « Collectif pour le Respect des Statuts, Constitution et Règlement général de la Grande Loge Nationale Togolaise-GLNT »
Plusieurs disfonctionnements sont évoqués dans ce mémo entre autres, irrégularité du scrutin du 26 juillet 2016 du Souverain Grand Comité et le non respect des Us et coutumes, et surtout la question du tribalisme à laquelle un paragraphe entier a été consacré.
D’après le mémo, l’un des membres, le sieur Abalo Kelevi a déposé une plainte pour propos haineux et tribalistes contre Luc Kouassi Dofontien : « Le 17 août 2016, le TRF Mathurin Abalo KELEM, Assistant Grand Maître, Grand Maître Provincial de la Grande Loge Provinciale de la Kara, a déposé une plainte contre le TRF Luc Kouassi Dofontien, Assistant Grand Maitre, Président de la Commission des Affaires Intérieures du Souverain Grand Comité, pour propos haineux, racistes et tribalistes. Ce dernier a expressément déclaré ‘qu’au Togo, les Kabyès ont tout pris et que nous ne devons pas accepter qu’ils prennent en plus la maçonnerie’.
L’extrême gravité de ces propos humiliants pour notre Ordre, portant atteinte à la diversité de notre peuple mis ainsi en cause, désignant de façon irresponsable et dangereuse à la vindicte, une ethnie particulière, viole de surcroît le point 6 de notre Règle en 12 points… »
Apparemment cette plainte n’a pas été suffisamment traitée alors que dans la foulée une succession d’un homme du sud par un autre créait la frustration. C’est vrai l’histoire sociopolitique et économique du Togo est minée par le clivage ethnique. Les uns, démunis reprochent à quelques nantis appartenant à l’ethnie du Chef de l’Etat de faire main basse sur les biens du pays. C’est vrai qu’il s’agit d’un jeu de minorité Kabyè qui s’en accapare avec arrogance alors que la majorité, les Kabyè compris vivent dans l’extrême précarité.
Ce débat est aussi transposé dans la franc-maçonnerie au Togo. Mais la nuance est que les pétitionnaires ne sont pas que composés d’une seule ethnie. C’est tout un mouvement d’ensemble composé des personnes de divers horizons qui veulent tout simplement que les textes soient respectés et que la Grande maîtrise de la GLNT se gère dans les règles d’orthodoxie.
Juguler une crise suicidaire pour la GLNT
A ce jour, la représentation togolaise de la GLNF (la loge française) est infectée et est au bord de l’éclatement. Le conflit va s’exacerber si les acteurs auxquels le respect de la loi de l’Univers impose l’humilité, la confiance, l’ordre, la méthode, la discipline, ne réussissent pas à surmonter les égos.
Les uns sont ceux qui sont présentés comme tentant un coup de force pour imposer un Grand Maître qui présidera aux destinées de la GLNT pour une durée de 3 ans. Les autres sont ceux qui pensent que la procédure est viciée. En grands garçons ayant la maîtrise du discernement et de la géométrie inspiré du Grand Maître de l’Univers, ils se doivent de faire preuve du dépassement de soi, en arrondissant les angles pour sauver la GNLT, de peur d’être la risée des autres courants de la franc-maçonnerie au Togo…. Ceci « A la Gloire du Grand Architecte de l’Univers… »
Source : [09/02/2017] Carlos Ketohou, L’Independant Express
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