Après les manifestations de mercredi et jeudi dans les rues du Togo, dernier épisode du bras de fer opposant le pouvoir et l’opposition, des voix commencent à se faire entendre pour appeler les deux camps au dialogue afin de trouver une solution consensuelle à la crise politique.
Il y avait du monde dans les rues de Lomé et de certaines villes de l’intérieur du pays les 21 et 22 septembre. Mais vraisemblablement moins que lors des manifestations des 29 août (côté pouvoir), 5 et 6 septembre (côté opposition). Alors que l’opposition appelle à de nouvelles manifestations pour les 26, 27 et 28 septembre, certains observateurs – et même des militants – commencent à se demander si la méthode de la rue est la bonne pour obtenir satisfaction.
Car, faut-il le rappeler, l’Assemblée nationale a voté le 19 septembre une proposition du gouvernement tendant à limiter désormais le mandat du président de la République à deux et instaurant un scrutin uninominal à deux tours pour l’élection présidentielle. Même si ces dispositions ont toujours été réclamées depuis une dizaine d’années par l’opposition, les leaders de la contestation estiment désormais qu’il faudrait revenir au texte originel de la Constitution de 1992, avec surtout l’alinéa 2 de l’article 5. Motif de la manœuvre : mettre Faure Gnassingbé hors jeu pour les prochaines élections présidentielles.
Boycott périlleux
Au Parlement, donc, l’opposition a adopté une stratégie de boycott laissant les députés de la majorité donner leur aval à un texte qui, bien que n’ayant pas été adopté (faute des 4/5e requis), pourra désormais être soumis à référendum. Au perchoir de l’Assemblée nationale lors de la révision constitutionnelle de 2002 (qui a notamment fait sauter le verrou de la limitation du mandat présidentiel), Fambaré Ouattara Natchaba est sorti cette semaine de son silence pour critiquer la stratégie de l’opposition.
L’ancien dauphin constitutionnel du président Eyadema rappelle que c’est précisément cette attitude de boycott qui a permis aux députés du parti au pouvoir (RPT à l’époque) de « toiletter » la texte fondamental de 1992. « C’était à la dernière réunion du Comité paritaire de suivi qui avait eu lieu le 1er mai 2002 au siège de l’Unesco à Paris. J’avais déclaré devant toutes les délégations de l’opposition et tous nos médiateurs que l’Assemblée serait dissoute conformément aux vœux de l’opposition, qu’on irait à des élections législatives anticipées. Je leur ai ensuite dit : ‘Mais si vous ne participez pas, je vous avertis que le RPT sera majoritaire et si nous nous sommes majoritaires, nous allons changer la Constitution de 1992 pour sortir de ces ambiguïtés’ ». La suite, on la connait.
Pour Mohamed Madi Djabakate, du Centre pour la gouvernance démocratique et la prévention des crises (CGDPC), « le boycott du parlement ne sera pas productif. Mais tout porte à croire que l’opposition se retrouve piégée par sa propre stratégie. Les deux partis politiques dépositaires des manifestations comme solution à la crise politique togolaise (PNP-ANC) ne peuvent plus prendre le risque d’aller à un dialogue avec le pouvoir, car ils ont commis la maladresse de faire croire à leurs militants que le dialogue ne fait pas partie des moyens de leur combat ».
Piège du référendum
Si tout semble désormais en place pour un référendum, comme le dispose l’article 144 de la Constitution, les observateurs conseillent à l’opposition de ne pas s’engager sur une voie qui risque de lui être défavorable. En tête des manifestations de ces deux derniers jours du côté de l’opposition, Gerry Taama estime qu’il faut « devenir raisonnable et négocier car Unir (au pouvoir, ndlr), aujourd’hui, a besoin aussi des réformes ». « Si le référendum passe, l’opposition perd presque tout », reconnaît-il. Et tant qu’une nouvelle Constitution n’est pas adoptée, l’actuelle reste en vigueur…
Seule alternative désormais, un dialogue direct entre les différentes parties pour aboutir à une solution consensuelle. Faure Gnassingbé, dont « la neutralité peut être présumée », selon Mohamed Madi Djabakate, car n’ayant pas jusqu’ici pris la parole officiellement, pourrait « au nom de l’exécutif renvoyer un projet de réforme enrichi avec les amendements de l’opposition parlementaire au niveau de l’Assemblée nationale pour une nouvelle étude ». Le chef de l’État s’exprimera-t-il avant les prochaines manifestations de l’opposition ? Bien malin qui pourra répondre.
Jeune Afrique