L’armée togolaise est-elle formée pour se mettre du côté d’une étrangère qui viole les termes d’un contrat? Est-ce le Procureur de la République près le Tribunal de première instance de Lomé qui aurait donné l’ordre de forcer les portes d’entrée d’une des boutiques situées au rez-de-chaussée du cabinet d’une notaire situé à l’angle du carrefour Fréau Jardin? Vendredi dernier, une escouade de gendarmes a prêté mains fortes à des jeunes réquisitionnés par dame Djenabou Mariama Nzapayeke pour agresser une collaboratrice de la notaire, défoncer les portes et ramasser ensuite les effets de celle-ci. Alors que les termes du contrat de bail signé pour trois ans ont été violés par cette dame. La justice passera-t-elle désormais par les casernes au Togo ?
Elle dispose d’un passeport diplomatique délivré par la Centrafrique. Mais cela suffit-il pour qu’elle ait à ses ordres des éléments de l’armée togolaise pour violenter des citoyens du pays et agir comme en terre conquise ? Quel sort aurait-il été réservé à la notaire si elle avait été présente dans ses bureaux à l’arrivée des hommes en uniforme, sous les ordres de dame Nzapayeke et « sur instruction »?
Vendredi 24 août 2018 autour de 10 heures, une scène inhabituelle s’est produite au carrefour Fréau Jardin, plus précisément devant le cabinet de la notaire Kouessan Olga. Nous y étions. Les faits nous ont été détaillés avec précision.
« D’habitude, dans tous les contrats aux locataires, nous prenons 6 mois de caution et 6 mois de loyers. Quand elle est venue elle s’est plainte de n’avoir pas assez pour payer. Donc nous lui avons fait une faveur pour qu’elle verse 4 mois de caution et 3 mois de loyer. Parce qu’elle ne pouvait pas tout payer, elle a donc payé les 4 mois de caution et 3 mois de loyer qui ont expiré depuis le 19 juin. Elle a promis à notre employeur de repasser signer le contrat dans les 5 jours et nous ne l’avons jamais revue. Même si elle n’a pas signé par écrit, il y a le bail verbal dans les contrats commerciaux. Ainsi, depuis le 19 juin, elle devrait verser 3 autres mois de loyer. Mais nous n’avons plus eu aucune nouvelle d’elle jusqu’à ce qu’il y a 3 jours, nous la surprenions avec un camion de déménagement et 5 déménageurs devant le local. D’après le contrat que nous avons préparé, elle a loué pour 3 ans pour installer son salon de coiffure. Ce qui veut dire qu’elle ne peut mettre unilatéralement un terme au contrat. C’est la loi. C’est pourquoi sur instruction de notre responsable, nous l’avions empêchée de déménager pour la contraindre de passer au cabinet le lendemain pour nous permettre de comprendre ses intentions. Elle avait répondue à notre procédure par des cris et des menaces. Après que Me Tchassona Traoré a contacté notre patronne et demandé de discuter avec elle, nous avons tous –notre patronne et nous mêmes- tenté, en vain, de la joindre, informé Me Tchassona, et alors décidé de changer les cadenas de la boutique. Selon ce que la patronne nous a dit, Me Tchassona l’aurait rappelée comme quoi dame NZAPAYEKE était revenue ramasser ses affaires et s’est rendue compte que les cadenas ont été changés. Dans les minutes qui ont suivi, la dame est montée frapper une collègue qui porte les marques de griffures et un mal de dos avec 2 gardes. Et le lendemain [Ndlr, vendredi], elle est revenue avec l’armée. Dans tous les cas, cette affaire est de la compétence du tribunal, et non de l’armée. A moins qu’au Togo, les affaires de baux ne soient désormais l’apanage de l’armée togolaise et non de la justice ».
Nous avons fureté pour découvrir –sauf erreur de notre part- que dame Djenabou Mariama Nzapayeke aurait été mariée dans le passé à un ministre gabonnais, ce qui lui aurait conféré l’obtention du passeport diplomatique dont elle se targue pour mettre des éléments de l’armée togolaise aux ordres. Mais même dans ce cas de figure, il est de notoriété que la réquisition des forces de l’ordre est subordonnée à une décision du Procureur de la République. Soit dit en passant, les collaborateurs de la notaire ont changé les cadenas en présence d’huissier, preuve que la procédure a été exécutée de façon régulière, en adéquation avec la loi. Avant l’arrivée de la dame le lendemain. Une autorisation d’ouverture a même été délivrée par un juge.
Après avoir appelé hier, en vain, le Procureur Essolissam Poyodi à 16 h 20, nous lui avons envoyé le message suivant : « Bonjour Procureur de la République, c’est le quotidien Liberté. Nous voulons savoir si c’est votre autorité qui a réquisitionné les gendarmes pour prêter mains fortes à dame Nzapayeke dans une des boutiques de la notaire Kouessan en dessous de son cabinet vendredi dernier. Merci ». Le Procureur nous a répondu 6 minutes plus tard. « Je ne saurais répondre à votre question sans avoir lu les documents. Si vous voulez, je vous reçois demain à 9 h 30 au bureau pour en parler. Merci et bon après-midi ».
Il nous souvient que dans une affaire dans laquelle cette notaire avait été arnaquée par une certaine Olga Mensah, le même Procureur avait d’abord délivré un soit-transmis contre l’arnaqueuse avant d’effectuer un virage de 180° et prendre fait et cause pour la présumée coupable d’arnaque. Ce dossier a depuis classé sans suite été passé par pertes et profits.
La justice togolaise serait-elle devenue le prolongement de l’armée et où toute étrangère, pour des raisons autres que professionnelles, pourrait faire appel à la grande muette sans passer par l’institution judiciaire ? Le ministre de la Justice Pius Agbetomey est le responsable du parquet au Togo. Les citoyens seraient curieux de l’entendre affirmer que désormais, tout litige lié à un bail peut se régler par l’armée, sans passer par ceux qui sont censés réguler la paix dans la cité. Dans cette affaire, une employée a été violentée avec des traces de griffures visibles sur sa poitrine.
Abbé Faria
Source : Liberté N°2741 du Lundi 27 Août 2018
27Avril.com