Le monde évolue, les offres se rétrécissent malgré les besoins de plus en plus criards. Les nouveaux défis n’appartiennent plus à ceux qui ont juste réussi, mais aux excellents. L’excellence, la jeunesse togolaise en regorge, les modèles s’affichent de plus en plus. C’est ainsi que par rapport à l’actualité récente, le monde de la médecine a retenu notre attention.
Nos projecteurs sont tournés vers le jeune Professeur Atchi Walla. Médecin chercheur depuis 2008, sa curiosité scientifique et sa quête permanente de l’excellence viennent de faire de lui un professeur agrégé dans ce cercle restreint. D’une vie de médecin ordinaire à celle de chercheur, à cheval entre les bistouris et les TD (Travaux Dirigés) de ses supérieurs, nous avons pu arracher au désormais professeur une heure de son agenda pour qu’il réponde à nos questions.
Les défis de la vie syndicale, les ambitions médicales, comment éviter que certains diagnostics continuent par être un fatalisme en médecine, le fastidieux parcours vers le professorat, l’hommage à ses aînés comme le Professeur Dosseh David entre autres, ses maîtres comme le Professeur Dossim Michel et ses collègues du Togo et de France, l’homme avait tout pour répondre à la curiosité de notre rédaction. Écoutez plutôt parler un syndicaliste chercheur.
Professeur, vous n’êtes plus à présenter mais on connaît peu de votre vie de médecin. A quoi cela ressemble ?
Merci de l’opportunité que le journal ‘‘Le Rendez-vous’’ me donne en début d’année et que je saisis pour saluer très respectueusement tous vos lecteurs et lectrices puis présenter mes vœux les meilleurs pour 2017 à nous tous. Pour répondre à votre question, je dirai que ma vie de médecin n’est rien d’autre que celle d’un médecin ordinaire. Une vie partagée entre les visites aux lits des malades en hospitalisation, les consultations et les soins. En somme, c’est la vie de tout médecin.
Tout récemment vous rentriez dans le cercle fermé des professeurs agrégés du Togo. Nous sommes curieux de savoir comment on y parvient.
Le passage à Maître de conférences agrégé n’est que l’aboutissement d’un processus normal dont le point de départ est la réussite au concours d’assistant chef de clinique après l’obtention du diplôme de spécialisation. Dès lors, le chef duquel vous êtes assistant vous associe aux travaux dirigés et aux diverses activités de recherche, de soins et d’encadrement des étudiants en médecine dans le service de votre spécialité. Cet apprentissage continu, auprès des maîtres, a pour objectif de vous préparer pour la suite du parcours universitaire. L’étape suivante est l’inscription sur la Liste d’Aptitude aux Fonctions de Maître Assistant (LAFMA). Aptitude à laquelle on ne peut postuler qu’après une ancienneté d’au moins trois ans dans le grade d’assistant-chef de clinique. Pour franchir cette étape d’étude de dossier faite par des instructeurs de votre spécialité nommés par le CAMES (Conseil Africain et Malgache pour l’Enseignement Supérieur), il faut remplir des conditions bien précises mais variables selon la discipline dans laquelle l’on est candidat. Pour faire court, le cahier de charge comporte vos diplômes, titres et fonctions hospitaliers d’une part, le nombre et la qualité de vos travaux de recherches publiés puis vos charges pédagogiques.
Deux ans, au moins, d’ancienneté passés dans ce grade de maître-assistant est requis pour passer le concours d’agrégation dont la 18e édition de la section médecine et pharmacie édition 20 vient de se tenir à Dakar en novembre dernier. Pour ce concours, ce n’est plus une étude de dossier, mais les candidats se présentent pour subir les trois épreuves retenues pour la circonstance par le CAMES : titres et travaux scientifiques, la leçon magistrale et l’épreuve pratique (qui est l’équivalent de l’épreuve de malade dans les spécialités cliniques comme la mienne. Vous tirez au sort un malade que vous examinez devant les membres du jury et pour lequel vous solutionnez les problèmes qu’il pose selon vous).
Il faut avouer que l’exercice n’est guère simple mais à la fois il n’est pas difficile. C’est la raison pour laquelle, les candidats doivent minutieusement se préparer en se procurant une documentation conséquente (données classiques, données africaines et données récentes). Les voyages auprès des autres maîtres afin qu’ils vous aident à faire, vous écoutent, vous conseillent et vous donnent des secrets, tout ceci selon moi, est d’une importance déterminante et nécessite des moyens.
À quoi ressemble-le parcours vis-à-vis de la contribution de l’Etat ? Avez-vous eu une subvention ou bien tout est à votre charge en tant que candidat pour des études pointues?
Chaque université a assisté ses candidats à sa façon. Nous qui avons été présentés par l’Université de Lomé et nos collègues de Kara avons bénéficié chacun du billet d’avion et d’un forfait pour le séjour lors du concours. Il faut reconnaître que cet appui de nos universités était très largement insignifiant par rapport aux dépenses que chaque candidat a dues engager dans cette entreprise. D’après nos estimations, dans la seule année de préparation du concours lui-même, cette assistance financière qui nous a été octroyée représentait à peu près le 1/6 des dépenses moyennes.
Vous teniez, il y a quelques semaines, une importante rencontre scientifique internationale au campus. Pouvez-vous nous en parler ?
Nous avons organisé les 12 et 13 janvier passés, à Lomé, une réunion scientifique des sociétés savantes de chirurgie du Togo. Il s’agissait d’un congrès conjoint de la société bénino-togolaise de chirurgie digestive, de la société togolaise de chirurgie et de celle de société togolaise de chirurgie orthopédique et traumatologique. C’était une rencontre au cours de laquelle nous avons eu l’opportunité d’échanger avec nos confères venus du Bénin, du Burkina Faso, du Gabon et de France, sur le cancer et la chirurgie. Le cancer est pratiquement devenu aujourd’hui la première cause de décès chez l’adulte laissant derrière les maladies infectieuses. Le diagnostic du cancer est presque une condamnation à mort dans nos pays à ressources limitées. Et pourtant, de nouveaux travaux sont publiés, des avancées sont enregistrées pour en améliorer la survie. Cette occasion a été un espace pour nous d’en discuter et de prendre des résolutions pour essayer de penser aux stratégies dont la mise en œuvre pourrait redonner plus d’espoir à nos nombreux malades qui en souffrent.
Ces rencontres périodiques étaient mises en veilleuses entre-temps, à quoi cela est-il imputable ?
Depuis 2011, ce genre de rencontre n’a plus eu lieu pour la simple raison que les moyens faisaient cruellement défaut et nous osons croire que le nouveau départ de janvier 2017 donné par le Ministre de l’Enseignement Supérieur lui-même est désormais inscrit dans un agenda régulier.
Vous appartenez désormais au monde de la recherche scientifique. Quels sont les domaines qui aiguisent déjà votre curiosité de chercheur ?
J’étais, depuis 2008, après le succès au concours de recrutement des assistants-chefs de cliniques, du monde de la recherche. J’ai travaillé sur le traitement des traumatismes, des infections du système musculo-squelettiques et des tumeurs de ce même systèmes. Tout ce que je rencontrerai dans ma spécialité qui nécessite de partager cela avec le monde des sciences, j’en écrirai. Je poursuivrai mes travaux sur la chirurgie des cancers du système musculo-squelettique. J’ai aussi fait le constat du fait que nous devrions élargir nos offres de soins et, à coût réduit, en matière de maladies dégénératives dans notre pays ; je m’y emploierai davantage.
Est-ce qu’il est vraiment possible de coupler cette nouvelle vie au syndicalisme pour lequel vous avez encore de l’énergie à vendre ?
Comme je l’ai dit plus haut, je suis enseignant-chercheur depuis 2008 et jusqu’en 2015, cela ne m’a, en aucun moment, empêché d’être le syndicaliste que je suis. J’ai demandé 2016 comme une année de « congé syndical » à mes camarades du SYNPHOT et de la STT pour me préparer au mieux à mon concours. Je ne me sens aussi mieux qu’au milieu d’eux. La réussite à ce concours est d’ailleurs pour moi une source de motivation supplémentaire ; elle me donne plus de force et de détermination à continuer la lutte syndicale avec le même engagement et les mêmes vertus. Je profite de cet instant pour leur témoigner toute ma gratitude. Je sais qu’ils étaient nombreux, très nombre mêmes, à avoir prié dans le silence mais sous le regard bienveillant de notre Dieu pour que je réussisse à ce concours. Dieu lui-même saura le leur rendre. Je suis là avec vous camarades, pour toujours pourvu que le Très-Haut m’accorde la santé !
Quel est l’état de santé de votre mouvement syndical ?
Notre mouvement syndical se porte bien ; cela ne signifie pas qu’il n’y a plus de problèmes ; d’ailleurs les problèmes se sont accumulés : la grille, la valeur indiciaire, les décrets d’application du nouveau statut, les statuts particuliers, l’épineuse question des budgets autonomes, la retraite, l’insuffisance des ressources humaines, la vétusté des infrastructures, la quasi inexistence des équipements dans les hôpitaux, bref que du travail ! Nous avons fait le bilan des mouvements passés et tirés les leçons qui en découlaient. Nous avons également programmé des formations sur la structuration avec la CGT France et d’autres formations avec des organisations syndicales et ONG comme ‘‘Front Line Defenders…….’’
Actuellement, nous avons donné la primauté aux discussions avec les autorités au sein du groupe des centrales et le patronat. Nous verrons la suite et nous aviserons. Dans tous les cas, les responsables jouent et joueront pleinement leur rôle. Il appartiendra à nos camarades de jouer aussi la part qui leur revient.
Existe-t-il une figure de la médecine qui est votre modèle ?
C’est une question difficile à répondre car l’ensemble de mes maîtres qu’ils soient du Togo ou de France, sont des modèles pour moi. J’ai choisi de faire l’orthopédie traumatologie parce que je voulais ressembler à mon Maître immédiat le Professeur Dossim Michel à qui je rends hommage pour avoir su m’attirer, ensuite pour m’avoir fait confiance en me confiant des responsabilités dans son service et en me préparant comme cela se doit pour le concours d’agrégation. Le Professeur Dosseh David est le maître et le modèle duquel je suis plus proche par la force des spécialités qui sont très voisines. Il fait partie de ceux qui m’ont remis le bistouri pour mes débuts en chirurgie. Gratitudes chers maîtres !
Si vous devez vous adressez aux médecins qui emboîtent vos pas à quoi ressemblerait le message ?
La médecine est une belle science lorsqu’on a pris le temps de l’apprendre auprès de ses aînés et avec sa propre constante curiosité de découvrir le pourquoi et le comment des choses. La médecine à la vitesse de la lumière d’où il faut la mise à niveau constante. Il faut d’abord chercher à rendre service aux patients. Le premier bienfait est la satisfaction personnelle du devoir accompli et la rétribution suivra toujours. En somme, pour reprendre les célèbres écrits dans Climbié de Bernard DADIE « le travail et après le travail l’indépendance mon enfant, n’être à la charge de personne telle doit être la devise de votre génération. Et il faut toujours fuir l’homme qui n’aime pas le travail » !
Réalisée par Abi-Alfa
Source : Le Rendez-Vous du 09 février 2017
27Avril.com