Le Togo est plus que jamais dans une zone électorale. Le bon sens voudrait que tous les protagonistes tirent leçon de la crise politique et s’impliquent de bonne foi pour la réussite des élections en vue. Mais le processus se déroule au pas de charge, ce qui n’annonce déjà rien de bon. Bien plus, pendant que la Coalition de l’opposition réclame la transparence et l’équité, le pouvoir Faure Gnassingbé promeut l’obscurantisme total. Tout le processus est rythmé par le vice du pouvoir en place.
Préparatifs préélectoraux.
Ils ont débuté bien longtemps avant même que le sommet des chefs d’Etat et de gouvernement ne se tienne à Lomé et adoube l’organisation des élections législatives au 20 décembre 2018. Ces préparatifs ont commencé avec le recrutement, sans appel d’offres, de l’éternel partenaire en fraudes électorales du pouvoir, la fameuse société ZETES et ses experts. Cette société a toujours été contestée par l’opposition pour ses prestations et le bon sens aurait voulu que si la transparence était vraiment la chose la mieux partagée, l’on recoure à un autre prestataire plus digne de confiance. Mais le pouvoir Faure Gnassingbé, au vu des desseins obscurs, n’a pas hésité à enrôler à nouveau ZETES. Et le travail effectué est loin de convaincre. Le conditionnement des kits électoraux a été fait en toute discrétion, en l’absence de l’autre partie prenante à la crise. Et c’est logiquement que la Coalition de l’opposition ne s’y fie pas.
Démarche unilatérale
Pour des élections censées sceller une sortie de crise, le bon sens aurait voulu que sa préparation soit faite de manière consensuelle, collégiale, inclusive entre le pouvoir RPT/UNIR et la C14. Mais le régime n’a cure de ces moments mouvementés connus et procède de façon unilatérale, accentuant les frustrations. Comme si de rien n’était, il a lancé le processus depuis bien longtemps. Les règles du jeu, c’est lui seul qui les fixe et les applique. Tout est fait pour tenir la Coalition de l’opposition à l’écart. Les intentions, c’est de régenter le processus électoral et l’orienter à sa guise. La preuve ultime, malgré les décisions de la 2e réunion du Comité de suivi de la mise en oeuvre de la feuille de route de la CEDEAO, recommandant la composition équitable de la Commission électorale nationale indépendante (CENI), la définition collégiale d’un nouveau chronogramme, le pouvoir se rebiffe et continue dans sa logique obscurantiste.
Composition de la CENI
Le régime n’avait pas attendu pour tailler une répartition à sa manière. Sur les dix-sept (17) postes prévus, l’opposition véritable regroupée au sein de la C14 ne devrait avoir droit qu’à quatre (04). Les prétendus partis extraparlementaires et sociétés civiles cooptés et qui y siégeaient jusqu’à la seconde réunion du Comité de suivi qui a scellé leur sort, sont tous acquis à la cause du pouvoir Faure Gnassingbé, et c’est un secret de Polichinelle. Avec une telle composition, les votes pour les prises de décisions ne seront que simples formalités. On n’avait nullement besoin que ce soit la CEDEAO qui prescrive une composition équitable de cette institution en charge de l’organisation et de la supervision des élections. Mais là aussi, le pouvoir ne croit pas devoir mettre en oeuvre cette prescription. Alors qu’il est fait état d’une composition paritaire entre les parties (sic), le RPT/UNIR fait tout pour inclure son alliée de l’Union des forces de changement (UFC) dans les rangs des délégués de la C14. La conséquence aujourd’hui, c’est que la prise de service des représentants de la Coalition à la CENI est retardée. Pendant ce temps, le pouvoir peut continuer de foncer dans les préparatifs de façon unilatérale.
Découpage électoral
Un homme, une voix ; voilà le principe en démocratie et qui fonde cette répartition des sièges sur un territoire. Les voix entre les citoyens doivent s’équivaloir. C’est cette logique qui sous-tend cette répartition dans les pays normaux. Mais ici, on a préféré privilégier d’autres critères et la résultante, c’est l’iniquité créée. Le découpage est taillé de façon à avantager le pouvoir RPT/UNIR. Dans le nord pris pour son fief, du moins où il est plus assis, un tout petit nombre de voix suffisent pour élire un député alors qu’au Sud où l’opposition est plus populaire, il en faut parfois jusqu’à 10 fois pour ce faire. Alors qu’il est souvent dépassé en nombre de voix par l’opposition, le découpage inique fait que cette dernière se retrouve avec la moitié des sièges du pouvoir. La chose s’est illustrée lors des législatives de 2007 puis de 2013. L’opposition a beau crier à un découpage équitable, elle était encore en conférence de presse le lundi dernier et a soulevé une fois de plus la question, mais le pouvoir n’en a cure. C’est ce découpage scélérat qu’il a remis au goût du jour pour les élections législatives prévues le 20 décembre prochain et les locales quatre jours avant.
Vote de la diaspora
Cela fait partie des exigences du peuple togolais, avec le retour à la Constitution de 1992, qui justifient sa levée de boucliers en août 2017. Si le Prince a fait la sourde oreille à ces réclamations légitimes, il a fallu la CEDEAO pour y donner suite. Dans la feuille de route rendue publique lors du sommet des chefs d’Etat et de gouvernement le 31 juillet dernier, il a été bien prescrit. Lors de la 2e réunion du Comité de suivi de la mise en oeuvre des recommandations le 23 septembre passé, Jean-Claude Brou et les autres représentants des Facilitateurs ont insisté là-dessus. Mais le pouvoir Faure Gnassingbé n’en a cure. Aucune disposition n’est prise pour enrôler ces millions de compatriotes disséminés aux quatre coins du globe. Et Dieu seul sait si le pouvoir compte bien leur donner l’opportunité de participer au choix des dirigeants de leur mètre patrie lors des élections à venir.
Il est manifeste qu’à toutes les étapes du processus électoral et sur tous les sujets, le pouvoir fait parler tout son obscurantisme. Le recensement qui vient de se terminer dans la première zone, a été organisé au pas de charge. L’intention est d’entraver l’enrôlement efficient des populations acquises à la cause de l’alternance. Tout est fait pour chasser la transparence, l’équité et la crédibilité requises de ces scrutins à venir. Ce qui n’annonce rien de bon. C’est ce risque qui justifie la convocation de Faure Gnassingbé la dernière fois au Nigeria…
Tino Kossi
Source : Liberté No.2775 du Vendredi 12 Octobre 2018
27Avril.com