Togocom, la Holding issue de la fusion entre Togotelecom et Togocel est passée sous pavillon malgache depuis quelques jours. L’Assemblée Nationale qui devrait être au cœur du processus de mutation, a été tout simplement tournée en bourrique, comme nous l’évoquions déjà dans notre parution n°336 du mercredi 13 novembre 2019. Face au tollé suscité par la privatisation du Groupe, les députés auraient décidé d’interpeller le Ministre des Postes, de l’Économie numérique et des Innovations technologiques, Cina Lawson. Ce rétropédalage de l’Assemblée Nationale sur un sujet aussi délicat lève le voile sur le rôle quasi-vide joué par la 6ème législature dans le contrôle de l’action gouvernementale.
Depuis le mercredi 6 novembre 2019, Agou Holding consortium malgache, détenu par Axian Group « Axian » et Emerging Capital Partners «ECP», a pris possession à 51% du Groupe Togocom-Holding détenant Togo Télécom et Togocel, pour 7 ans, «pour ne pas conférer un droit illimité à un acteur privé», a précisé une source proche du dossier. L’opération a rapporté à l’Etat environ 210 milliards de FCFA.
Sur la période de la concession, l’actionnaire majoritaire envisage un investissement de 245 millions d’euros (environ 160 milliards FCFA). « Cet investissement conséquent va catalyser la transformation digitale du pays et soutenir la croissance de notre économie », a souligné, Sani Yaya, Ministre de l’Economie et des Finances lors de la signature de l’accord. « Cette opération majeure marque une étape importante dans la feuille de route numérique du gouvernement. Elle va nous permettre de devenir le marché de référence des télécoms dans la région et de consolider notre leadership en matière de transformation digitale. Grâce au soutien de ces nouveaux actionnaires, Togocom va accélérer son développement au bénéfice de l’ensemble des Togolais, des entreprises et du rayonnement national », a déclaré, pour sa part, Cina Lawson, Ministre des Postes, de l’Économie numérique et des Innovations technologiques.
Malgré les belles déclarations des membres du gouvernement, de manière générale, l’opinion nationale a crié sa colère contre cette privatisation. Les Togolais ont le sentiment « d’une grande braderie des biens de la nation ». « C’est une aberration économique et une erreur stratégique. En outre, cette société à laquelle les Togolais s’identifient. C’est un patrimoine », a confié Martial, employé dans un cabinet d’expertise comptable.
L’Assemblée Nationale veut faire marche arrière…
« Cina Lawson pourrait retourner incessamment à l’hémicycle pour répondre aux questions des députés. La 6è législature a préparé une note d’interpellation qui devrait être envoyée à la ministre des Poste et de l’Économie numérique. Mme Lawson s’expliquera essentiellement sur le processus qui a conduit à la privatisation du Groupe Togocom », a écrit le confrère togobreakingnews.
Le site d’information, s’appuie sur une déclaration faite par Gerry Taama, président du groupe parlementaire NET-PDP. « Aujourd’hui tout ce qu’on peut faire, c’est d’interpeller le ministre des Postes et de l’économie numérique pour nous expliquer comment et pourquoi, Togocom a été vendu. Et nous avons préparé cela », a indiqué le député de l’Est-Mono. Cette interpellation de « la reine du gouvernement », se situe dans le cadre des questions au gouvernement, un exercice auquel Dame Cina rechigne à se plier depuis des années.
Il faut préciser qu’en novembre 2018, l’Assemblée nationale togolaise a voté une loi autorisant cette privatisation. Après l’adoption de la loi portant autorisation de la privatisation du groupe TOGOCOM, le gouvernement devrait prendre des textes réglementaires pour l’application de la mesure. Pour avoir l’aval du parlement, le gouvernement a dû donner des garantis pour la préservation de l’emploi et l’intérêt du pays dans les négociations avec les potentiels repreneurs. « Cette loi a été votée quand nous n’étions pas encore députés. Nous sommes venus la trouver ; maintenant nous allons jouer notre rôle parlementaire en cherchant à comprendre pourquoi cette privatisation », a ajouté le président national du Nouvel Engagement Togolais (NET). Cette démarche ressemble fortement à une marche arrière de l’Assemblée Nationale pour se soustraire de la polémique suscitée par cette privatisation.
Alors la question se pose de savoir, si cette loi a été adoptée dans les règles de l’art, pourquoi le député de l’Est-Mono ne consulterait pas les textes pour mieux s’informer du processus ayant abouti à la privatisation de Togocom. Ceci vient renforcer la thèse de ces togolais qui ont pointé du doigt un vote expéditif auquel les députés eux-mêmes n’ont rien compris.
L’Assemblée, une Chambre d’enregistrement ?
Pour nombre de Togolais, l’hémicycle s’est transformé en chambre d’enregistrement. En effet, l’Assemblée Nationale baptisée au tout début de la 6ème législature comme une assemblée « multicolore » en est devenue au gré du temps, une simple chambre d’enregistrements de lois votées nuitamment à l’insu de certains parlementaires. Une chambre d’enregistrement des désirs et caprices d’un pouvoir dont la légitimité est mise à rude épreuve. Le parlement est vidé de ses prérogatives, dont celle d’être à l’initiative des lois. Il se contente alors de valider, d’enregistrer les lois décidées par l’Exécutif.
A titre d’exemple, depuis le début de la première session ordinaire de l’année 2019, les députés n’ont jamais remis en cause une décision du gouvernement. Mais ces élus, que l’opposition qualifie de « députés nommés » ne voient pas les choses sous cet angle. « Je ne partage pas ce sentiment, même si, je peux comprendre l’expression de toute opinion contraire sur l’action du parlement. S’il est normal en démocratie de formuler des critiques et d’être en désaccord politique, il me parait cependant excessif que certains de nos compatriotes puissent qualifier l’Assemblée de chambre d’enregistrement », s’est défendue Abira Bonfoh, élue Unir.
Aujourd’hui, les modalités concrètes de la privatisation de Togocom ne sont pas connues. Et les députés qui devraient éclaircir la lanterne des Togolais, sont au même niveau d’informations que les citoyens lambda. Des faits qui montrent que le pouvoir législatif est réduit à un simple rôle d’enregistreur.
Source : Fraternité No.338 du 27 novembre 2019
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