Togo / Prisonniers Politiques: Les Grands «Oubliés» de la grâce présidentielle

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«Il vaut mieux dix criminels en liberté qu’un seul innocent en prison. » (Alexis Aubenque)

L’information inattendue tombe jeudi dernier dans la soirée sur les réseaux sociaux: une grâce présidentielle serait accordée à des prisonniers qui pourraient immédiatement quitter les différentes maisons d’arrêt sur toute l’étendue du territoire togolais où ils purgeaient leurs peines. Qui au Togo aujourd’hui ne sursauterait pas en entendant le mot „prisonnier“? Tant le drame des prisonniers, surtout politiques, est presque chaque jour thématisé par les medias privés togolais. C’est pourquoi, en parcourant un tel décret présidentiel signé depuis le 31 octobre 2022, l’on ne pouvait pas ne pas penser à ces détenus politiques, dont beaucoup croupissent depuis plusieurs années, dont certains sont malades, et qui pourraient enfin retrouver la liberté et leurs familles. Effectivement une liste de 364 supposés prisonniers ayant bénéficié du bon vouloir de Faure Gnassingbé pour recouvrer la liberté saute aux yeux dès qu’on ouvre le PDF contenant le décret présidentiel.

En tant qu’observateur de la scène politique de notre pays et surtout du drame politico-humain qui s’y joue depuis un démi-siècle, nous avons naturellement quelques observations à faire. Tout d’abord, d’après notre petite enquête effectuée auprès des prisonniers encore en détention ou libérés, et auprès de certains de leurs parents, la liste des prisonniers qui auraient retrouvé la liberté grâce à la grâce présidentielle, aurait été exagérée; en d’autres termes, cette liste serait beaucoup plus importante que nos compatriotes qui recouvrent effectivement la liberté. Il nous est revenu que beaucoup sur la fameuse liste auraient été déjà libérés après avoir purgé leurs peines; et nous ne comprenons pas cette manipulation des vrais chiffres des prisonniers grâciés. Est-ce une malédiction que nos autorités politiques soient condamnés à ne faire que du faux? Pauvre Togo!

«…On court derrière les sommets ou conférences internationales, on s’invite dans les crises et conflits pour s’autoproclamer médiateur, on proclame qu’on est un pays de paix, des artifices savamment orchestrés pour s’attirer le regard compatissant de la communauté internationale. Le Togo a organisé du 27 au 29 octobre 2022 à Lomé la troisième édition du Forum de la CEDEAO sur l’éducation à la culture de la paix à travers le dialogue intra et interreligieux. A la suite de ce folklore dont on aurait pu se passer, Lomé a été consacrée, « Capitale de la paix, de la médiation, du dialogue et de la tolérance ». Voilà ce qu’écrivait le directeur de publication du quotidien « Liberté » N° 3729 de lundi 31 octobre 2022 dans son éditorial. Quelques jours après cet évènement de Lomé où notre pays fut «loué et auréolé» pour son supposé sens du dialogue, de la médiation et de la tolérance par d’autres pays membres de la CEDEAO, dont le sens de la responsabilité laisse également à désirer, on sort un décret pour soi-disant accorder la grâce présidentielle à des prisonniers composés de petits délinquants, coupables de délits de moindre importance, alors que plusieurs dizaines de détenus politiques sont laissés sur le carreau. «Une capitale de la paix, de la médiation, du dialogue et de la tolérance…» peut-elle se permettre le luxe de ressembler à une capitale de la peur, de la terreur, où il ne fait pas bon vivre quand on est opposant au régime en place, quand on est un critique de ce régime ou non, et revient de la diaspora, et où surtout plusieurs citoyens restent détenus dans des conditions inhumaines pour leurs opinions politiques?

Faure Gnassingbé et son entourage le savent bien; cette grâce présidentielle décidée du bout des lèvres pour une fois encore tromper l’opinion, surtout internationale, car les Togolais avisés ne se laissent plus berner, n’apporte rien à la décrispation du climat politique qu’il faut nécessairement pour notre pays. C’est pourquoi beaucoup de démocrates togolais se demandent, après cette énième mauvaise blague du président de fait du Togo, quel sort le pouvoir de dictature de Lomé entend-il vraiment réserver aux Togolais? Continuer à dépenser des milliards de nos francs pour envoyer une image reluisante du Togo à l’étranger, tout en continuant à jouer aux „tonton-macoute“ à l’intérieur en terrorisant et en maintenant sa population en esclavage, est-ce vraiment le programme de gouvernement qui vaille pour le régime Gnassingbé?

Nous ne le dirons jamais assez; si le régime togolais, malgré son impopularité, malgré les multiples dénonciations de violations des droits de l’homme faits d’assassinats, d’arrestations arbitraires, de torture, malgré les nombreux scandales liés à la corruption et aux nombreux détournements de fonds publics, impliquant de hautes personnalités au sommet de l’état, continue à s’entêter en faisant comme si tout allait bien au Togo, alors que notre pays est le plus malade sur tous les plans de la sous-région, c’est en partie dû à la démission totale de nos opposants. Où sont-ils, tous ces responsables des partis politiques membres de l’ex-C14? Si nous connaissons la situation des uns et des autres dont le sort est lié à leur dégré de persécution par le régime, nous ne pouvons pas comprendre cette léthargie, voire cette indifférence de ceux qui avaient pris sur eux de parler au nom des populations togolaises, et dont la plupart sont libres de leurs mouvements. Et c’était pourquoi, sans être méchant envers qui que ce soit, nous nous étions demandé dans une sortie précédente, si la décentralisation à la Togolaise, avec l’acquisition des mairies par certains leaders de l’opposition, était pour eux une fin en soi. Ce que nous ne croyons pas. Comme d’ailleurs nous ne croyons pas que d’éventuelles élections à l’avenir, quelles qu’elles soient, soient une solution à la libération du Togo.

Samari Tchadjobo
Allemagne

Source : 27Avril.com