Togo, Présidentielle 2020 : Le Dernier round pour les politiciens pré-historiques?

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Togo, Présidentielle 2020 : Le Dernier round pour les politiciens pré-historiques?

L’élection présidentielle de 2020 s’approche à grand pas. Les dates sont avancées pour certaines institutions. Et plusieurs sont ceux qui se sont déjà déclarés candidats en lice pour cette élection ô combien importante. Au nombre de ceux-ci, on peut compter des gens qui sont sur la scène politique depuis l’avènement de la démocratie, donc, des vétérans de la politique togolaise, ceux qui sont rentrés en politique ces dernières années et aussi des candidats surgis de nulle part. Mais ici, l’on s’intéresse à la première catégorie. Ceux en qui le peuple assoiffé de démocratie et d’alternance au sommet de l’Etat, a placé sa confiance depuis 1990. Trente ans après, en 2020, le peuple atteindra sa limite, la fin de sa patience qui marque également l’épuisement de sa confiance en cette classe politique. Le cap est donc mis sur la présidentielle de 2020. L’opposition a intérêt à sortir ses dernières cartouches pour enfin répondre aux attentes du peuple.

2020 ; 2020, il est sur toutes les lèvres. Le citoyen lambda en parle, les hommes politiques aussi. Bien sûr, les Togolais attendent l’année prochaine une élection présidentielle pour choisir celui qui présidera aux destinées du pays. C’est donc l’occasion pour certains de conserver le pouvoir et pour d’autres, d’accéder à la magistrature suprême. C’est également le moment par excellence où une lueur d’espoir naît parmi le peuple dont la grande majorité n’espère que le changement, l’alternance au sommet de l’Etat mais aussi l’enracinement de la démocratie.

Pour favoriser la réalisation de ses vœux, ce peuple a placé sa confiance en une classe politique de la première élection présidentielle en 1993 et la dernière celle de 2015.

Pourtant ces leaders politiques, par manque de stratégie, de politiquement correct, et aussi des conflits de leadership ont déçu le peuple trois décennies durant.

Trente ans de vie politique entachés de déception, de trahison mais aussi de dissidence et de nomadisme politique qui ont mis en péril la lutte du peuple contre un régime de terreur. A chaque nouvelle élection, le peuple renouvelle en eux sa confiance pensant que le changement viendra à travers eux mais hélas. L’année électorale s’approche indubitablement, certains de ces leaders se sont déjà déclarés candidats. D’autres s’y préparent dans les états-majors de leurs partis. Et bientôt les opérations de charme à l’endroit du peuple vont commencer.

Et le peuple renouvellera sa confiance en eux pour qu’ils lui redonnent sa dignité piétinée par ce régime depuis 52 ans. Cependant, comme tout, le peuple aussi a ses limites. Trente ans de vie politique sans résultats concrets. Il va de soi que le peuple soit déçu de ses leaders politiques.

Ce peuple ne compte plus aller au-delà de trente années avec les mêmes leaders politiques avec les mêmes méthodes aboutissant aux mêmes résultats. La présidentielle de 2020, c’est le Rubicon à ne pas franchir pour ce peuple épris d’alternance et de démocratie. Selon l’opinion, le peuple veut voir enfin l’alternance devenir une réalité dans ce pays. Et donc il ne recevra plus d’excuses de la part de ces leaders politiques après 2020.

C’est un message que le peuple lance à ces hommes politiques qui pensent que sans eux le peuple ne peut pas se libérer ou trouver d’autres hommes politiques qui puissent prendre le devant de la lutte.

Mais déjà le comportement de ces leaders à l’approche de cette élection plus qu’importante ne rassure pas.

Minée par les conflits d’intérêt et de leadership, cette opposition est divisée. Une division qui laisse perplexe les citoyens. De toute façon ces leaders n’ont d’autres choix que de mettre des paquets doubles pour gagner en 2020 car ils jouent leur dernière carte. Le Togo va connaitre sa septième élection présidentielle en 2020 sous l’ère de la démocratie. Au vu de tout ceci, il est nécessaire de faire une rétrospection sur les comportements électoraux de ces hommes politiques depuis la première en 1993.

La toute première élection présidentielle organisée après l’avènement de la démocratie en 1993 a été boycottée par la vraie opposition en solidarité avec le candidat de l’UFC Gilchrist Olympio dont la candidature a été invalidée d’une part et pour des raisons de transparence de la commission électorale et d’impartialité de la cour suprême d’autre part. Le Collectif de l’Opposition Démocratique (COD-2), une coalition de dix partis politiques, avait alors laissé le champ libre à Eyadema. Il avait trouvé deux accompagnateurs et s’est fait réélire à 97% avec un taux de participation d’à peine 36%.

Le taux de participation prouve à suffisance que la participation de l’opposition à cette élection pouvait changer les choses.

L’élection présidentielle de 1998 n’était pas mieux que la précédente. Mais l’on ne pouvait en parler en passant sous silence les élections législatives de 1994 où les leaders d’opposition avaient montré leur vrai visage.

Celui de l’intérêt personnel, du désamour pour le peuple qu’ils prétendaient défendre, l’avidité du luxe, du lucre et d’honneur. En effet, les élections législatives de 1994 ont donné l’opposition vainqueur. Le Comité d’Action pour le Renouveau de Me Agboyibor remportait 34 sièges et l’Union Togolaise pour la Démocratie de Edem Kodjo avait remporté 6 sièges.

C’est alors que les deux leaders sont rentrés dans un conflit pour le poste de premier ministre. Pour certains analystes, ce fut l’occasion en or pour l’opposition de barrer la voix à une présidence à vie du président Eyadema.

L’espoir de tout un peuple était réduit à néant pour le poste de premier ministre. En terme clair, l’opposition s’est déchirée entre elle, divisée à cause de celui qui devrait occuper ce poste. Ces deux leaders, loin de favoriser l’alternance et la démocratie ont plutôt contribué à renforcer le RPT pour l’élection présidentielle de 1998. L’élection de 1998 a enfin vu la participation de Gilchrist Olympio.

Néanmoins, l’opposition n’avait pas trouvé la meilleure formule pour contrer les fraudes massives du régime qui ont abouti à la réélection de Eyadema.

La disparition de la présidente de la commission électorale, Awa Nana Daboya, aujourd’hui assise sur le trône d’une institution fantoche en dit long sur la massivité des fraudes.

Gilchrist, bien qu’étant en exil au Ghana, avait participé à ce scrutin. D’aucuns se demandaient pourquoi n’allait-il pas soutenir la candidature de ceux qui étaient sur le terrain ne serait-ce que pour infliger un échec au régime Eyadema.

L’élection présidentielle de 2003 avait également montré l’amateurisme des leaders politiques de l’opposition. Mais bien avant la présidentielle, elle avait, d’après les analystes, commis l’erreur en refusant la participation aux précédentes élections législatives. Laissant donc le champ libre aux députés du RPT de tripatouiller la constitution en 2002 pour permettre une présidence à vie à Eyadema.

Les résultats du scrutin du 1er juin ont semé le cafouillage dans le rang de l’opposition. Emmanuel Bob Akitani, candidat de l’UFC, appuyé par celui du CAR, s’est déclaré vainqueur suivant leurs propres chiffres.

Dans la foulée, Dahuku Péré, se réclamant aussi de l’opposition, s’est également autoproclamé candidat élu. Le lendemain, le gagnant du poste de premier ministre en 1994, Edem Kodjo, candidat du CCP à cette élection, lui ravit la vedette. Edem Kodjo s’est autoproclamé président élu avec 35% des suffrages. L’opposition n’a pas pu parler d’une seule voix pour trouver la meilleure formule contre l’élection frauduleuse de Eyadema en 2003.

Le peuple était totalement égaré dans les chiffres annoncés çà et là par les leaders politiques de l’opposition.

Contre toute attente, la nature même a opéré un changement à la tête du pays en 2005 en mettant fin au règne du vieux dictateur décédé le 05 février. Une nouvelle élection présidentielle doit s’organiser. Cependant, les lacunes des leaders politiques de l’opposition persistent, elles transcendent l’ère Eyadema. Ces lacunes qui consistent en l’incapacité à revendiquer et arracher sa victoire. En 2005 le peuple était encore là pour eux.

Il a voté l’opposition mais sa voix n’était pas prise en compte et de surcroît il a été brimé par le régime en place. Et le statut quo perdure. Les leaders d’opposition n’ont pas pu arracher la victoire du peuple. Les chars et les kalachnikovs avaient neutralisé toute revendication.

Edem Kodjo, sans scrupule a encore occupé le poste de premier ministre collaborant ainsi avec le régime qui venait de brimer son peuple. Il sera suivi plus tard par Me Agboyibor au nom de l’Accord Politique Global de 2006 avec le régime.

En 2010, le peuple restera encore sur sa faim, car l’alternance tant attendue ne sera pas effective dans le pays.

Jean Pierre Fabre candidat de l’UFC sous la bannière du Front Républicain pour l’Alternance et le Changement (FRAC) s’est vu devancer par le candidat du régime en place.

Malgré les contestations, rien n’a bougé. Les grandes manifestations qui s’en étaient suivies n’auront servi à rien. L’on attend encore 5 ans pour demander les voix à la population. Et les mêmes acteurs sont sur la scène politique avec les mêmes méthodes et stratégies.

L’on ne pourrait parler de l’élection présidentielle de 2015 sans rappeler l’accord historique conclu entre Gilchrist Olympio et le RPT.

En effet, quelques mois après la réélection contestée de Faure Gnassingbé, le président fondateur de l’Union des Forces de Changement a décidé de conclure un accord sur le dos du peuple. Il s’était agit d’aider le pouvoir à faire son mandat de plus et à lui céder ensuite le fauteuil lors des prochaines présidentielles par un jeu de chaise musicale. Le peuple cria donc à la trahison, et la déception s’est emparée des populations qui faisaient âprement confiance à cet homme. Cependant, la réaction du peuple ne s’était pas fait attendre. L’UFC s’est vue vider de sa substance.

Il ne reste plus qu’une coquille vide. Aujourd’hui ceux qui s’accrochent toujours à ce parti n’ont que du regret dans leurs cœurs. Il y a encore quelques années l’on ne pouvait pas imaginer ne serait-ce qu’un instant cette trahison.

En 2015, les coalitions de partis politiques d’opposition ont changé de nom. Cependant les mêmes acteurs sont toujours là, mêmes méthodes, mêmes résultats.

Nous sommes à l’élection présidentielle de 2015. Le fils du père, contre vents et marrées, briguait son troisième mandat. Et il avait en face de lui les mêmes opposants. Le CAP 2015 est alors la principale force de l’opposition à cette élection. Coalition incluant l’ANC et bien d’autres formations, et comme l’on pouvait bien s’y attendre, c’est encore le chef de l’Alliance Nationale pour le Changement qui a été choisi pour affronter le candidat du régime. Tout comme lors des précédentes élections présidentielles, la commission électorale lui a conféré la deuxième position. Jusqu’alors le peuple ne gouttera pas à l’alternance. Les manifestations publiques organisées après les résultats du scrutin n’ont rien apporté. Aussi faut-il rappeler qu’une partie de la vielle opposition a boycotté cette consultation électorale pour déficit de transparence.

Tel est l’aperçu panoramique sur l’histoire de la participation de l’opposition aux élections présidentielles organisées au Togo après 1990. En faisant une étude minutieuse de cette situation, l’on admet que l’opposition avait manqué de stratégie ou s’est trompée de stratégie par moment. Boycott là où il ne fallait pas, participation là où il ne fallait pas.

Et dans toute cette situation, c’est le peuple qui s’est senti dupé.

Dans certains cas, quelques-uns des leaders politiques faisaient le jeu du pouvoir pour des raisons que le peuple ignore.

En 2020, le peuple renouvellera pour une ultime fois, sa confiance en ces leaders politiques de l’opposition. Mais ce sera la dernière chance qu’il leur offre. Le peuple n’acceptera plus se faire rouler par des leaders historiques appelés des dinosaures politiques.

Cependant la situation qui prévaut depuis quelques temps dans le rang de l’opposition n’est pas rassurante. Pourtant, il reste encore quelques mois pour cette opposition de s’organiser et s’armer pour battre le candidat du pouvoir en 2020. Sans cela ils seront appelés à disparaître d’eux-mêmes de la scène politique. Tel est le message du peuple aux leaders politiques de l’opposition. Ils sont donc désormais des espèces en voie de disparition.

Amos Dayisso.

Source : L’Independant Express

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