Togo-Précarité et menace de faim : Comment juguler le mal?

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Depuis la survenue de la pandémie de Covid-19 en début d’année 2020, tous les pays du monde ont vu leurs économies se déstructurer et se désorganiser. Les pays dont les économies ont déjà pu développer une résilience, s’en sont plus ou moins bien sortis, alors que les nôtres aux économies particulièrement fragiles et vulnérables, ont pratiquement sombré dans le chaos plongeant leurs peuples dans un dénuement assez inquiétant.

C’est sans doute le cas du Togo, notre pays, où des citoyens ne cessent de râler au quotidien en tirant le diable par la queue afin de mériter de continuer de se faire compter parmi les vivants. La vie est dure au Togo et les commerçants, les artisans, les pays, les cordonniers, les boulangers, y compris même les salariés crient au quotidien leur ras-le-bol.

Tout est devenu cher, les prix des produits de première nécessité ne cessent de flamber alors que les ressources financières tarissent de plus en plus, désertent le pays ou ne se plient que dans des couloirs hautement sécurisés par des réseaux mafieux bien huilés. Ainsi donc, à l’heure actuelle, seule une poignée de privilégiés, hauts commis de l’État, arrivent aisément à s’en sortir pendant que l’écrasante masse sociale grouille dans la précarité et le besoin.

Ce groupuscule, déjà dénoncé il y’a une dizaine d’années par le président de la République en personne, est encore plus dynamique dans le pays, et ronge, telles des punaises, l’argent du labeur du peuple de façon malhonnête, illégale et sans doute aussi malsaine pendant la population elle-même est laissée sur le carreau.

Comment juguler le mal de la faim et de la précarité dans le pays ?

Cette question implique des solutions à plusieurs échelles, à court, à moyen et à long terme. Dans l’immédiat, pour atténuer les peines du peuple, les dirigeants ont tout intérêt à prendre des mesures urgentes qui impactent directement le panier de la ménagère et le commerce des produits à grande consommation.

Comme l’a récemment fait un pays comme la Côte d’Ivoire qui a décidé d’un plafonner les prix de ce type de produits, le Togo devra penser à faire autant afin de contenir cette flambée spéculative des coûts de ces produits faisant partie des habitudes alimentaires des populations. A une telle mesure devrait être adjointe des subventions de l’État ainsi que des contrôles, mais surtout aussi, une sensibilisation permanente des opérateurs économiques, des importateurs et commerçants sur l’impératif pour eux de privilégier la solidarité sociale en lieu et place de la culture abusive du profit, surtout en ces temps particulièrement difficiles pour l’État et le peuple dans son ensemble.

Une telle sensibilisation, si elle est bien menée par les gouvernants à travers des canaux efficaces, pourrait participer à augmenter la fibre patriotique et exhumer chaque citoyen, surtout les mieux lotis, un élan de solidarité et une envie du partage et de soutien des couches les moins favorisées.

Mais au-delà de ces mesures urgentes, il importe pour les gouvernants de commencer à solutionner les problèmes de corruption, de détournements et de malversations qui constituent de véritables vices contribuant à maintenir l’économie du pays dans son agonie actuelle. Toute société évolue en effet sur la base des valeurs qui élèvent l’homme et l’anoblissent. Laisser s’enliser le vol, la corruption, les détournements et les malversations dans les habitudes de gouvernance de l’État est forcément malsain et empêche d’éduquer le peuple par l’exemple et par des valeurs identitaires fortement utiles à la société. Ces actes funestes et pernicieux engluent l’économie du pays dans la torpeur tout en la fragilisant à tous égards.

Il est certes vrai que les dirigeants ont mis en place des structures de lutte contre ces fléaux, mais leur efficacité est sujette à caution, car la volonté politique d’éradiquer ces maux semble particulièrement faible jusqu’à ce jour.

Mais après avoir pris ces mesures qui peuvent avoir leur impact sur la vie du peuple dans l’immédiat ou à moyen terme, il importe également de repenser rigoureusement les paradigmes de construction de l’économie du pays elle-même. Est-il besoin de rappeler qu’il ne peut guère exister d’économie sans production? Et l’essence et la raison d’être de toute économie tiennent du désir d’assouvir les besoins essentiels et déterminants du peuple.

Ainsi on ne peut parler d’économie que s’il y’a production de ce dont le peuple a besoin, autrement dit, une économie n’a de sens dans un pays que si ce dernier fait produire à son peuple ce qu’il consomme. La vie chère actuelle, l’insupportable flambée des prix des produits de première nécessité s’explique par le fait que ceux-ci sont essentiellement importés, y compris les produits vivriers alors que le pays est garni d’immenses terres arables encore restées en jachère sans aucune production.

Comment il se fait que les paysans, pour l’essentiel, sont encouragés à cultiver plus les produits de rente, utiles exclusivement aux économies des pays de l’Occident pendant que la culture les produits vitaux n’est pas promue inscrite dans une politique visionnaire des gouvernants? Ce paradoxe devrait nécessairement être corrigé si réellement l’on tient à donner à l’économie de notre pays sa raison d’être et un sens réel qui sert la cause directe du peuple.

Car à vraie dire, la promotion de la culture des produits de rentre est si absurde qu’en contrepartie, leur commercialisation à des conditions non maîtrisées ne génère que de maigres ressources qui sont aussitôt allouées pour l’achat des produits qui auraient pu être cultivés directement par le paysan lui-même.

Le bon sens nous impose de comprendre que ce n’est qu’après avoir assouvi les besoins vitaux que l’on peut s’aventurer dans la culture des produits qui vont servir à l’extérieur. Donc refaire le schéma de nos productions en s’orientant davantage vers la culture des produits vivriers ou des produits dont nous avons la capacité à assurer la transformation, ne sera qu’une œuvre d’intelligence qui donne sens et saveur à une gouvernance d’État.

Sans cela, nous donnerons plutôt le sentiment de naviguer à vue en surfant sur tous les fronts sans en maîtriser un seul qui offre des résultats effectifs dans la vie du peuple. Ce faisant, notre économie va continuer de se coltiner avec des faiblesses qui l’enlisent dans la fragilité et la vulnérabilité à tous les chocs exogènes, même les plus anodins.

Luc Abaki

Source : icilome.com