Togo: Plus de 2 ans après le décret sur les baux d’habitation, le gouvernement « Faure » incapable de réglementer le secteur

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La gouvernance sous Faure Gnassingbé est similaire à une mer où chaque ministre vient y jeter un pavé avec tohu bohu sans assurer un suivi convenable du processus postérieur. En janvier 2022, le gouvernement a rendu public un décret portant réglementation de la caution, de la garantie de loyer et du bail d’habitation pour, disait-on, réglementer le secteur des locations d’immeubles pour habitation, l’un des secteurs les plus anarchiques du pays. Près de 3 ans après, les problèmes demeurent.

L’énorme désordre qui règne dans le secteur de l’immobilier au Togo, spécifiquement en matière de bail d’habitation dans le Grand Lomé, est connu de tous, du simple citoyen à ceux qui dirigent le pays. Il est plus que nécessaire d’assainir le milieu afin de concilier au mieux les intérêts de tous les acteurs, notamment les propriétaires et les locataires.

Cependant lorsque le 05 janvier 2022, le gouvernement a publié le Décret N°2022-001/PR portant réglementation de la caution, de la garantie de loyer et du bail d’habitation, les togolais sont restés dubitatifs sur l’impact réel qu’aurait ce texte sur le secteur. Ce texte plutôt exclusif des principaux acteurs dans son élaboration, ressemble plus à une litanie de bonnes volontés qu’à de véritables dispositions juridiques contraignantes.

La situation du secteur des baux d’habitation avant le Décret du 05 janvier 2022

Il faut noter que pour arriver à avoir un appartement ou une maison en location pour ses besoins d’habitations à Lomé, il faut braver de nombreux obstacles. La première étape de ce parcours consiste à déjouer les arnaques de certains agents immobiliers (démarcheurs) véreux qui soutirent des frais de déplacement sans rien proposer de concret.

Une fois cette étape franchie, il faut compter avec les exigences des propriétaires d’immeubles bâtis dont la principale est le montant exorbitant des cautions à verser. Et depuis quelques années, avec l’expansion rapide que connait le Grand Lomé, les loyers mensuels des appartements à louer ne cessent de grimper en flèche.

Le prix du loyer mensuel et le montant des cautions étaient donc laissés à la pleine souveraineté des propriétaires d’immeubles sans qu’il y ait des critères objectifs d’appréciation de ces montants comme dans des Etats modernes.

En moyenne, ceux-ci exigent une caution équivalente à douze (12) mois du loyer mensuel alors qu’un simple appartement du type chambre – sanitaire – cuisine dans le Grand Lomé est de l’ordre de 35.000 F CFA. Généralement, les propriétaires disposent du montant de la caution et sont incapables de la restituer immédiatement à la libération des lieux par le locataire.

L’intervention du Décret N°2022-001/PR du 05 janvier 2022

Ce texte pris certainement à l’initiative du ministère de l’Urbanisme, de l’Habitât et de la Réforme foncière, était censé mettre fin à ces abus dont sont principalement victimes les locataires togolais. Suivant ses dispositions, les prescriptions mises en place sont d’ordre public, autrement ni les propriétaires d’immeubles ni les locataires ne peuvent conclure de contrat qu’en respectant ce texte.

Désormais le montant de la caution ne doit plus dépasser 3 mois de loyers de même que la garantie de loyer, soit un total de 6 mois de loyers au plus à verser par le locataire. Par ailleurs, le propriétaire devra immédiatement restituer la caution ou au plus tard 1 mois suivant la libération des lieux au locataire sous peine de voir ladite caution produire des intérêts au taux légal.

En ce qui concerne son application, le ministère de l’Urbanisme, de l’Habitât et de la Réforme foncière (subsidiairement celui du commerce et celui des finances) en a reçu la charge.

A l’époque ce qui était présenté comme une véritable reforme par le gouvernement a suscité l’inquiétude de la population sur la manière de contraindre les propriétaires d’immeubles à respecter ce texte.

Près de 3 ans après, quel est l’état des lieux ?

Dans la réalité, le Décret N°2022-001/PR est aujourd’hui comme une aiguille dans une botte de foin. En langage comptable, on dira que ce texte est passé en perte et profit tant il est devenu inexistant. Dans un témoignage recueilli par la rédaction, une jeune dame, secrétaire à Lomé, a confié avoir été en juillet dernier évincée dans le cadre de la location d’un appartement du type chambre – sanitaire – cuisine parce qu’elle ne disposait que de 8 mois de loyers pour caution alors que le propriétaire en exigeait 12.

Pendant qu’elle cherchait à compléter le montant qui lui manquait, l’appartement a été pris par un nigérian qui aurait versé 24 mois de loyers au propriétaire.

Ce témoignage loin d’être isolé, démontre que les vieux démons de ce secteur demeurent. Les propriétaires d’immeubles, pour la plupart les barons du régime qui érigent les grands immeubles dans les nouveaux quartiers du Grand Lomé, excluent leurs concitoyens dans le besoin de location et préfèrent satisfaire les étrangers qui n’hésitent pas à verser des cautions dont le montant viole les dispositions du Décret du 05 janvier 2022.

Le ministère de l’Urbanisme, de l’Habitât et de la Réforme foncière à la tête duquel se trouve désormais l’ancienne présidente de l’Assemblée Nationale, Madame Yawa Djigbodi Tségan apparait totalement léthargique en face de ce désordre et de la violation flagrante du texte dont il est censé assurer l’exécution. Il est à noter que jusqu’à présent, aucune évaluation de l’application et de l’impact de ce texte n’a été faite par ce ministère.

Il faut croire que cette activité est le dernier des soucis de l’actuelle ministre qui est beaucoup plus habituée au train-train quotidien et reposant de la présidence de l’Assemblée Nationale qu’au défi de la gestion d’un ministère capital pour le développement des villes du Togo.

Quant aux éventuelles solutions à la surenchère dans le secteur privé des baux d’habitation que peuvent constituer les logements sociaux, ce genre de projet n’est visiblement pas à l’ordre du jour dans la gouvernance de Faure Gnassingbé. Au contraire, les anciennes cités construites pour servir de logements sociaux aux fonctionnaires sont devenus les lieux de résidence de la petite bourgeoisie togolaise.

La grande portion de la population togolaise assiste avec les yeux hagards à des immeubles qui sortent de terre et au sein desquels on propose des appartements à louer à partir de 40.000 F CFA par mois. Les propriétaires sont soit des les barons du régime, ou des expatriés qui acquièrent des immeubles en toute violation des dispositions légales. Et avec un SIMG de moins de 60.000 F CFA, on se demande quel togolais moyen pourrait se hasarder à louer ces appartements.

Le secteur de l’immobilier au Togo est pris d’assaut par les expatriés, que ce soit en matière de location ou d’achat, au vu et au su des autorités du pays.

Pour revenir spécifiquement au cas des baux d’habitation, le Décret du 05 janvier 2022 a mis la charge de son application sur le ministère de l’Urbanisme, de l’Habitat et de la Réforme foncière, sur le ministère du Commerce, de l’Industrie et de la Consommation locale et le ministère de l’Economie et des Finances.

Source: lalternative.info

Source : 27Avril.com