Jamais au Togo, aucun scandale révélé par la presse n’a suscité autant de réactions dans l’opinion nationale et internationale. Le détournement de 500 milliards de FCFA dans les caisses de la commande publique du pétrole par les Adjakly, scandale mis au grand jour par le confrère « L’Alternative », continue de nourrir les débats ici et ailleurs. La dernière réaction est celle des Etats-Unis à travers le 45e rapport annuel par pays sur les pratiques en matière des droits de l’homme.
Sur le plan national, c’est la première fois qu’un scandale révélé par la presse fait l’objet d’un audit commandité par le gouvernement lui-même. Même si aujourd’hui certains esprits tentent de jeter du discrédit sur le rapport provisoire, un travail fait par l’Inspection générale de l’Etat sous tutelle du ministère de l’Economie et des Finances.
Les réactions sur le plan international ont commencé avec les députés européens qui, en octobre dernier, ont adressé un message à Faure Gnassingbé pour montrer leur inquiétude concernant le harcèlement judiciaire à l’encontre du défenseur des droits de l’homme et journaliste d’investigation Ferdinand AYITE et son journal L’Alternative. « C’est avec inquiétude que nous avons appris les allégations de détournement de 400-500 milliards de F CFA (610-760millions d’euro) rapportées par L’Alternative, en relation à l’importation de produits pétroliers au Togo. Nous souhaitons attirer votre attention à la programmation conjointe UE-Togo pour 2020, selon laquelle l’UE peut être considérée comme le premier partenaire du Togo. Ce potentiel de développement ne se réalisera sans la consolidation de la lutte contre l’impunité et la corruption », avaient-ils écrit dans leur correspondance.
Et les Eurodéputés d’ajouter : « Nous, membres du Parlement européen, appelons donc les autorités togolaises à abandonner toutes les charges à l’encontre du journaliste d’investigation et défenseur des droits humains Ferdinand AYITE et du journal « L’Alternative et de s’assurer que le harcèlement judiciaire à leur encontre cesse immédiatement. Nous appelons également les autorités togolaises à abroger ou modifier les provisions pénales sur la diffamation, afin de satisfaire les standards internationaux et les recommandations successives des Nations unies et de l’examen périodique universel à ce sujet ». Mais cet appel semble tomber dans des oreilles de sourd. L’acharnement judiciaire continue.
A la suite des Eurodéputés, l’Union européenne a également réagi sur ce scandale que les mis en cause et leurs soutiens tentent de banaliser. Il en est de même pour la Banque Mondiale qui s’est récemment invitée dans ce dossier. C’est justement cette réaction de l’institution de Breton Woods, après la publication du rapport provisoire de l’audit effectué par l’Inspection générale de l’Etat, qui a fait monter au créneau certains ministres qui se sont mal pris. On apprend de sources concordantes que la banque demanderait des comptes aux autorités togolaises par rapport à ce dossier.
Les Etats-Unis aussi s’en mêlent. Des passages dans le 45e rapport annuel par pays sur les pratiques en matière des droits de l’homme, illustrent bien la position du pays du président Joe Biden dans cette affaire qui déteint sur l’image du pays de Faure Gnassingbé. « Le journal local L’Alternative a fait état d’un cas important de corruption présumée en juin (voir la section 2.a.). Le directeur du Comité de surveillance des fluctuations des prix des produits pétroliers (CSFPP) et son fils (également membre du comité) ont détourné jusqu’à 900 millions de dollars de produits pétroliers sur plusieurs années. Le CSFPP, un organisme gouvernemental, gère les commandes et fixe les prix des produits pétroliers. Ni HAPLUCIA ni d’autres structures chargées de lutter contre la corruption n’ont pris de mesures dans cette affaire », peut-on lire dans le rapport.
Ce document rappelle ce qu’ont déjà dénoncé les organisations internationales de défense de la liberté de la presse. « Le 18 août, la Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH) a condamné «le harcèlement judiciaire et les menaces» à l’encontre du directeur de publication du journal L’Alternative et a appelé les autorités à défendre le droit à la liberté d’expression. L’Alternative avait publié le 9 juin un article sur des allégations de détournement de fonds dans le secteur pétrolier. Les personnes accusées dans l’article ont alors intenté une action en justice contre le journal et son directeur pour diffamation. La FIDH a rapporté que le directeur de publication avait par la suite fait l’objet de «menaces, notamment de mort, et d’actes d’intimidation, notamment par le biais d’appels téléphoniques anonymes». Le Comité pour la protection des journalistes (CPJ) a également exprimé sa préoccupation à la suite d’informations faisant état d’un appel téléphonique intimidant le 21 juillet faisant pression sur le directeur de L’Alternative pour qu’il cesse de rapporter les allégations de corruption liées au secteur pétrolier », a indiqué notamment le rapport.
Comme on peut le voir, le scandale sur le détournement des 500 milliards de FCFA via un processus opaque mis en place dans la commande publique du pétrole n’est pas près de finir. Actuellement, le dossier est pendant à la Cour d’appel de Lomé qui va statuer en juillet prochain. Pour le moment, les avocats des mis en cause, les Adjakly, qui ont porté plainte contre le Directeur de publication, Ferdinand Ayité et son journal, continuent leur « one man show » sur les médias et les réseaux sociaux. Mais le dossier est sérieusement suivi par les partenaires du Togo.
Source : icilome.com