La région des Savanes fait, malgré elle, l’actualité depuis un bout de temps. Pour cause, c’est elle qui concentre les attaques terroristes au Togo. Un double supplice pour une région déjà déshéritée et sinistrée par la pauvreté. Lorsqu’on y ajoute les affres de la gouvernance inénarrable du « Jeune doyen », la coupe est décidément pleine pour ses populations.
Le terrorisme, c’est tout le Togo qui le vit. L’attaque au couteau du 2 juin 2022 au grand-marché de Lomé où un gendarme poignardé par un ressortissant tchadien a trouvé la mort aurait des relents terroristes, à en croire le ministre de l’Administration territoriale, de la Décentralisation et du Développement des territoires Payadowa Boukpessi. Personne n’est dans le secret des terroristes pour savoir quand et où ils vont attaquer à nouveau. Mais une chose est certaine, les actes djihadistes perpétrés depuis quelque temps au Togo sont localisés dans les Savanes.
La région des attaques terroristes
Cela fait peut-être trop cliché de désigner ainsi la région des Savanes et des ego pourraient se sentir, légitimement, heurtés que leur région natale et chérie soit ainsi caricaturée. Mais c’est la triste réalité, la presque totalité des actes terroristes jusqu’à présent enregistrés au Togo s’y sont produits.
Koundjouaré, Sanloaga, Kpékpakandi, Margba, Blamonga, Kpemboli, Lidoli, Timouri…Le commun des Togolais ne connaissait que vaguement la région des Savanes, certaines de ses préfectures et très peu de ses villages. Mais ces derniers cités sont tristement entrés dans l’histoire depuis quelques semaines et mois. C’est dans ces localités que les attaques djihadistes se sont produites, avec leur cortège de victimes.
A Kpékpakandi, ce sont des éléments des forces de défense et de sécurité qui ont été tués au cours de l’attaque dans la nuit du 11 au 12 mai 2022. Huit (08) officiellement. D’autres s’en sont sortis avec des blessures. On signale également deux (02) décès dans leurs rangs suite à une embuscade tendue à une patrouille par les terroristes dans la nuit de lundi 18 juillet à mardi 19 juillet. Tout le reste des victimes du terrorisme, ce sont les populations civiles et donc habitants du coin.
A noter les sept (07) jeunes gens revenant d’une partie de plaisir le jour de la tabaski abattus dans la nuit du samedi 9 au dimanche 10 juillet à Margba dans le canton de Natigou par l’armée qui les suivait par drone et les a confondus à des terroristes. Les images des mômes déchiquetés dont certains avaient les viscères dehors sont encore vivaces dans les mémoires et les parents inconsolables, même si l’armée a reconnu son erreur et les autorités sont allées leur présenter leur compassion. A ce lot, il faudra ajouter la vingtaine de victimes – d’autres parlent de trentaine – enregistrées dans les localités de Blamonga, Kpemboli, Lidoli, etc. dans la nuit du jeudi 14 juillet au vendredi 15 juillet, dont la plupart égorgées.
Devant le chaos et l’impuissance manifeste des forces de défense et de sécurité à prendre le dessus sur les terroristes et faire arrêter les attaques, les populations n’ont d’autre choix que de fuir leurs villages pour se mettre à l’abri ailleurs. Avec le lot de problèmes sociaux liés à ces déplacements non désirés. C’est dans ce contexte qu’un maire, celui de Kpendjal 1 Sambiani Arzoume a cru devoir appeler ses habitants qui agissent simplement par instinct de survie à « ne pas céder à la panique et à retourner dans leur village et vaquer à leurs occupations », « faire confiance à nos forces de défense et de sécurité ». Cocasse ! La dernière, c’est Faure Gnassingbé lui-même qui, Mercredi à Dapaong, lançait: «A partir d’aujourd’hui, les dispositions doivent changer, désormais c’est l’armée togolaise qui va être à l’offensive». Vivement pour protéger les populations.
Déjà séquestrée par la pauvreté
Avec les attaques terroristes enregistrées, les populations des Savanes devraient se lamenter et se demander ce qu’elles ont pu bien faire à Dieu pour mériter ce sort, même si c’est la région la plus proche géographiquement de la frontière avec le Burkina Faso d’où viennent les djihadistes. D’autant plus qu’elles étaient déjà séquestrées par un fléau non moins dévastateur de: la pauvreté, selon les statistiques officielles.
Naturellement, la région des Savanes est la plus déshéritée du Togo en termes de conditions climatiques et donc de ressources y liées. Logée à la lisière de la zone désertique du Sahel, l’eau est une denrée rare et donc en trouver se révèle un parcours du combattant. Évidemment, les activités agricoles en pâtissent. L’élevage reste l’activité socioéconomique fondamentale. Ces conditions naturelles rejaillissent sur le vécu des populations et la pauvreté y a élu domicile.
Depuis plusieurs années, les Savanes sont identifiées comme la région où sévit le plus la pauvreté au Togo. Les données issues des différentes enquêtes portant sur le profil de la pauvreté et de la vulnérabilité au Togo n’ont jamais été inversées. Les dernières statistiques rendues publiques remontent seulement au 29 octobre 2020. A en croire l’Enquête harmonisée sur les conditions de vie des ménages (EHCVM) réalisée par l’Institut national de la statistique et des études économiques et démographiques (INSEED), 65,1% des populations y vivent sous le seuil de la pauvreté. Presque sept personnes donc sur dix (7/10) y vivent dans la pauvreté.
« Le seuil de la pauvreté, calculé selon la nouvelle méthodologie est de 273.628,3 FCFA par personne et par an. L’incidence de la pauvreté, déterminée à partir du seuil calculé, se situe à 45,5% au niveau national (2018-2019) contre 51,1% (2015) ; 58,7% (2011) et 61,5% en 2006», « L’agglomération de Lomé connaît l’incidence la plus basse de la pauvreté avec une proportion de 22,3%. La région Centrale et celle des Plateaux ont des incidences de pauvreté qui ne sont pas loin de la moyenne nationale (respectivement 47,3% et 48,9%) », « La région des Savanes a l’incidence de pauvreté la plus élevée (65,1%) », ce sont là quelques résultats de l’enquête.
« C’est dans cette région que la proportion des personnes pauvres ou vulnérables est la plus élevée au Togo. Cette situation n’est pas sans conséquences sur la vie des populations (de cette région). En effet, en termes d’inclusion financière, une bonne partie des populations de la région des Savanes n’ont pas accès aux services de santé pour des raisons financières. Autre impact, selon les données de l’enquête démographique et de santé réalisée en 2013-2014, la malnutrition chronique, la malnutrition aiguë et l’insuffisance pondérale touchent respectivement 27,5% , 6,5% et 16% des enfants de moins de cinq ans et majoritairement dans la région des Savanes », avait écrit dans une de ses parutions le confrère Fraternité de Joël Egah, de regrettée mémoire, parlant de « pauvreté ambiante ».
On le voit bien, déjà sinistrées par la pauvreté et tous ses fléaux connexes ayant élu domicile dans leur région, les populations des Savanes doivent encore souffrir le martyre du terrorisme. Un double supplice pour les habitants de ce coin qui sont vraiment à plaindre. Peut-être même une triple peine lorsqu’on considère les affres de la gouvernance de Faure Gnassingbé. Habitants brimés dans l’affaire de résurrection de la faune en novembre 2015 – huit (08) tués par balles dont un (01), le jeune Kampi Bassame écrasé par un char-, Anselme Sinandare et Douti Sinanlengue fauchés en avril 2013 dans la fleur de l’âge pour avoir décidé de manifester pour réclamer leur droit à une éducation de qualité, d’autres apprenants et enseignants arrêtés récemment et détenus pour les mêmes causes…la région des Savanes aura visiblement payé le plus lourd tribut de la gouvernance cocasse du « Jeune doyen».
Source : L’Alternative / Presse-alternative.info
Source : 27Avril.com