Dans une interview accordée au quotidien national Togo Presse, la semaine dernière, le ministre en charge de l’Administration territoriale et des collectivités locales est revenu sur l’organisation des prochaines élections locales. Des différents points abordés, Payadowa Boukpessi a mal caché la caporalisation faite des institutions de la République dont la Ceni.
Décor planté
«Nous sommes résolument engagés pour les élections locales qui vont intervenir dans quelques mois», a lancé le ministre de l’Administration territoriale et des collectivités locales, Payadowa Boukpessi. «Dans un premier temps, on fera les Communales, ensuite les Régionales pour élire les délégués régionaux, plus tard», a-t-il précisé. Ainsi, le Commissaire du gouvernement plante le décor des préparatifs de ce scrutin tant attendu des togolais et dont le dernier en date remonte en 1987. Donc plus de trente après. Une réalité qui nécessite, de tout point de vue, une préparation minutieuse et studieuse en vue d’accoucher des communes et des élus locaux confortablement installés et dont la légitimité ne souffrira d’aucune contestation. Et donc des autorités habiletées à restaurer la démocratie togolaise titubante à partir de la base, comme c’est le cas dans des pays comme le Bénin, le Sénégal ou encore le Madagascar. Mais alors…problème !
Usurpation de rôle, vices de procédures, verrouillage…
Si cela ne souffre d’aucune contestation que c’est le gouvernement qui donne les moyens pour l’organisation des élections, il n’en demeure pas moins vrai que la Ceni -Commission électorale nationale indépendante – comme l’indique son nom, reste l’organe technique et indépendante qui assure l’organisation pratique desdites élections. Malheureusement, la sortie du ministre vient de démontrer que la Ceni, n’a jamais été indépendante.
En effet, en annonçant, d’une part, que «tout est prêt pour aller aujourd’hui aux élections locales… probablement avant la fin du premier semestre», Payadowa Boukpessi prouve aux yeux du monde que la Ceni, contrairement à ce que l’on fait croire, a toujours été une institution caporalisée et dont la supposée indépendance n’est que chimère. Sinon, comment comprendre une telle déclaration alors même que la Ceni à laquelle le Code électoral a pourtant délégué tous les pouvoirs institutionnels venait à peine de prendre place.
En ne concédant que deux places sur les dix sept (17), à l’opposition qu’on a écarté du bureau de la Ceni, le pouvoir envoie, une fois de plus, un signal fort à qui veut le percevoir qu’il reste, au-delà des textes, le seul à décider de l’issue des élections au Togo.
Le comble est que le Commissaire du gouvernement, dans sa sortie, a laissé entendre qu’après échanges entre le Président de la République et la délégation de la C14, son ministère a été instruit de saisir la Ceni afin d’envisager l’organisation d’une révision des listes électorales à l’occasion des Locales. «Ce sera probablement pour une période de trois jours comme on l’a fait en 2018», a annoncé M. Boukpessi. Toutefois, « S’il y a des insuffisances, on pourra proroger le délai », a-t-il poursuivi.
Une déclaration à la limite irresponsable en ce sens qu’elle correspond à une usurpation du rôle légalement dévolu à la Ceni, que le code électoral obligé d’ailleurs à proceder à la révision des listes avant chaque election. Une évidence plus que legitime. En effet, ils sont nombreux ces togolais qui franchissent la barre de l’âge de vote, sans compter ceux qui recouvrent leurs droits civils et politiques. Et le droit de vote n’est pas une faveur. Par ailleurs, décider d’une révision de trois jours relève du non sens dans la mesure où le Togo, à ce jour, ne dispose aucune liste électorale pour les locales. Ce qui doit automatiquement impacter sur les cartes d’électeurs devant comporter la mention «Quartier où commune de residence» pour autoriser l’électeur à se prononcer dans le choix de son représentant au conseil municipal.
Signaux de caporalisation
Ces différentes réalités démontrent tout simplement que le Togo, avant la tenue des prochaines élections locales, est contraint de procéder à une refonte complète du fichier électoral. Lequel devra prendre en compte, de nouveaux électeurs outre que ceux qui se sont fait enregistrés dans la perspective des législatives du 20 décembre 2018.
Somme toute un processus devant mettre en place, un nouveau fichier électoral. Ce qui nécessite du temps, rien n’a avoir avec les trois jours de révision électorale annoncés malencontreusement par le ministre Boukpessi.
Autrement, cela décrit sans vergogne que le système de gouvernance togolais tant décrié n’a jamais pris en compte, les textes que le peuple, s’est dotés. Et cela donne ainsi du grain à moudre aux critiques qui pointent souvent du doigt accusateur, un pouvoir illégitime et irrespectueux des textes. À défaut d’une alternance visiblement bouchée au sommet, les Locales devront donc permette au Togo de disposer des collectivités locales fortes et indépendantes qui puissent faire renaître l’Or de l’humanité de ses cendres.
Source : Fraternité
27Avril.com