Oragroup et Ecobank ETI sont indiscutablement les deux groupes bancaires les plus en vue au Togo. Ils disposent de personnels aussi qualifiés que diversifiés (nationaux et internationaux) qui abattent un travail remarquable pour maintenir ces deux banques au niveau qui est le leur aujourd’hui dans le paysage bancaire togolais. Elles font des chiffres élogieux. Au-delà de cet embelli apparent, ces deux institutions bancaires se révèlent être de véritables nids d’injustice au niveau du traitement des agents. Le personnel local se sent lésé par rapport au chapelet d’avantages dont bénéficient les expatriés sur des bases biaisées. Le malaise est profond. Mais personne n’arrive véritablement à élever la voix pour dénoncer cette injustice flagrante. Nous avons effectué une immersion dans ces deux boîtes pour en savoir davantage. Enquête.
L’amer constat
Le premier constat saisissant au niveau d’Oragroup et Ecobank ETI est qu’on retrouve à leur tête des expatriés. Une première interrogation vient à l’esprit du Togolais lambda. N’y a-t-il pas de compatriotes capables d’assumer ces responsabilités ? Cette mesure ne semble pas déranger quelques agents approchés qui ne trouvent rien à dire sur le principe, sauf qu’il y a des réserves. Elles ont trait aux recrutements. Selon certains, ces expatriés profitent de leur position pour privilégier dans les recrutements les étrangers à qui ils accordent des salaires et avantages mirobolants aux dépens des locaux. Or, il faut noter que l’Etat Togolais offre à ces géants du monde bancaire un accord de siège, qui les exempte du payement des taxe sur beaucoup d’articles et une réduction d’impôts et d’autres avantages contenus dans les dispositions appelées « accords de siège ».
Lors de nos investigations, on s’est rendu compte que ce régime de faveur obtenu grâce à la diligence de l’Etat togolais ne profite pas aux locaux. « Ce sont toujours les étrangers qui sont privilégiés. En guise de remerciement en monnaie de singe, ces deux grands groupes bancaires (Oragroup et Ecobank ETI, Ndlr) marginalisent les Togolais et leur réservent un traitement désavantageux, inéquitable et injuste dans l’octroi des avantages et autres primes », peste un employé désabusé.
Injustice fragrante
Il nous a été donné de constater que même à compétences égales, ces PDG préfèrent aller chercher un étranger pour venir chapeauter les locaux aux postes de Directeurs. Certaines révélations font froid dans le dos. Le népotisme est devenu au fil des année la règle dans ces boîtes. « Les recrutements sont toujours biaisés et les DG font venir leurs amis, de vrais lèche-cul pour venir manger et bâtir leur empire avec des copains et connaissances, ou amis d’un ami. Et ces recrutements de complaisance se font toujours au profit des étrangers qui sont les plus chouchoutés. Ces DG prennent plaisir à minimiser les compétences des locaux et vantent les mérites des étrangers qui pourtant à l’œuvre, se révèlent pires ou sans rien d’exceptionnel par rapport aux locaux… Le comble est que ces étrangers occupant les hautes fonctions se permettent de narguer les locaux, parfois avec des menaces à peine voilées », dénonce un cadre d’un des deux groupes.
Certains agents locaux qui ont eu à exprimer leur frustration n’ont eu droit qu’à des insanités comme réponse. « Si on n’est pas d’accord avec son employeur, on démissionne », s’entendent-ils rétorquer. Le comble, c’est que dans un de ces groupes, le DRH se trouve être un étranger. C’est un véritable désastre. Un enfer pour les agents locaux qui subissent quotidiennement des humiliations des plus avilissantes. Un refus catégorique leur est opposé lorsqu’ils revendiquent qu’un traitement équitable soit réservé aux locaux par rapport aux étrangers parce qu’ils abattent le même boulot dans les mêmes conditions difficiles et sont d’astreinte toute l’année sans que cela soit dit formellement avec les conditions salariales qui devraient aller avec aux bénéfices des employeurs.
Pire, certains Délégués du Personnel (ceux qui sont acquis à la cause des agents) ne sont pas du tout écoutés par les Directions de ces sociétés. Par ailleurs, ils en existent d’autres qui sont coptés, juste pour faire de la figuration. Ceux-ci ne défendent guère valablement les revendications légitimes de leurs collègues, ce qui complique davantage la situation pour ces agents dont les doléances sont simplement ignorées.
Les Togolais sont majoritairement des stagiaires, intérimaires ou des cadres moyens encore qu’ils représentent un nombre infime dans l’effectif global, une dizaine seulement sur un effectif d’environ 70 personnes.
Aujourd’hui avec la globalisation, la mondialisation et le développement des TIC, le fait d’aller travailler loin de sa patrie n’est plus un handicap si sérieux, surtout quand on a sa famille à proximité gracieusement prise en charge aux frais de la princesse (loyers, frais scolaires, etc.). le souci de lutter contre leur dépaysement ne peut justifier un écart aussi énorme dans l’attribution des primes et indemnités salariales…
Dans nos investigations, on a découvert, stupéfait, qu’actuellement à Oragroup, sur une quinzaine de Directions, il n’y a qu’une seule dirigée par un Togolais. Loin de nous tout chauvinisme, ce tableau à première vue est choquant. Encore que tous les autres sont payés parfois jusqu’à plus de 8 millions par mois, avec d’autres avantages comme prime de loyer (400.000 à 1 million F CFA) en plus, des primes de gardiennage, de cuisinier, facture d’eau et d’électricité payées aux frais de la princesse….
A titre d’illustration, par rapport à ces écarts énormes et traitements disproportionnés des agents qu’on soit local ou étranger, nous allons prendre le cas d’un Béninois qui est à 150km de Lomé. Il a droit à une prime de logement, des billets d’avion pour ses vacances avec toute sa famille, alors qu’un Togolais qui vient de 600 km n’a droit à rien de tout ça. « Ils sont les plus lésés et les plus exploités dans la boîte », a reconnu un expatrié qui, bien que profitant de ces avantages, regrette le traitement réservé aux locaux.
Les victimes de cette injustice caractérisée aussi bien au niveau d’Oragroup que d’Ecobank ETI semblent résignées. Personne n’ose nous parler, même si certains reconnaissent l’existence de cette discrimination qu’aucune raison valable ne saurait justifier.
L’Etat appelé à prendre ses responsabilités
L’Etat a pour devoir régalien de protéger et sauvegarder les intérêts de ses concitoyens en toute circonstance. Dans le cadre de notre investigation, nous avons essayé de voir un peu la pratique qui s’opère dans ces mêmes groupes dans d’autres pays où ils sont représentés. C’est le jour et la nuit. Par exemple dans des pays comme le Tchad, le Gabon et la Guinée-Equatoriale, malgré qu’il y ait la dictature dans ces pays, les dirigeants protègent beaucoup plus leurs concitoyens, du moins imposent aux sociétés un traitement égalitaire des locaux par rapport aux étrangers… La loi impose parfois soit des quotas de locaux par rapport aux effectifs globalement, soit un quota des locaux aux postes de Direction. Au Tchad et au Gabon par exemple, l’Etat impose que le DG soit un citoyen du pays ou à défaut le DG-Adjoint.
Le Personnel a une quote part dans la détention des actions de la société dans laquelle il travaille. Mais au Togo, rien de tout ceci… On a plutôt l’impression que tout est fait à dessein pour favoriser l’étranger au détriment des citoyens du pays, et ces expatriés se permettent de narguer nos concitoyens allègrement avec des discours du genre « Si vous n’êtes pas contents, vous pouvez démissionner », se vantant d’être les meilleurs employeurs payeurs et feignant d’ignorer les injustices dont sont victimes les locaux, parfois avec la complicité de certains responsables locaux gracieusement acquis à leur cause et qui aident les bourreaux à maltraiter leurs propres compatriotes.
Loin de nous l’idée de semer les graines de xénophobie ou de chauvinisme, il s’avère important que les dirigeants étrangers de ces sociétés implantées au Togo et à qui le pays a chaleureusement offert l’hospitalité et accordé gracieusement des conditions exceptionnelles d’exemption de taxes et autres facilités, se ressaisissent, revoient leur manière de gérer le personnel local et surtout veillent qu’un traitement égalitaire et juste soit accordé à chacun par mérite et aux ayants-droit. « Sinon on serait en droit de se demander ce dont notre pays le Togo et les Togolais bénéficient en retour dans l’octroi de ces conditions exceptionnelles », se demande un compatriote, financier dans une entreprise de la place. D’autres proposent d’ailleurs que l’Etat revoie les conditions de ces accords de siège et les faveurs accordées à ces sociétés et leur impose des choses pour le bénéfice du citoyen lambda. « Accorder des conditions exceptionnelles à des sociétés qui se permettent de se faire les bénéfices énormes avec des cadres qui baignent dans une opulence insolente, puis les voir narguer nos compatriotes, les exploiter comme des bêtes de somme et leur faire subir des injustices criardes ne sauraient être toléré longtemps », prévient un cadre d’Ecobank ETI.
Seulement, les choses ne semblent pas évoluer dans ce sens. Avec la nouvelle loi des finances, les locaux payant les impôts (IRPP) ont vu leur salaire amputé du suppléments d’IRPP à payer alors qu’ils avaient négocié leur salaire au net, quitte à l’employeur de trouver le salaire Brut correspondant. Mais l’employeur a refusé de réajuster le brut pour que l’employé continue à percevoir son salaire net contractuel qui a suivi des augmentations entre-temps.
S.A
Source : Liberté No.2848 du 30 janvier 2019
27Avril.com