En dehors des lieux de culte et des mesures fiscales, l’Etat d’urgence sanitaire qui court jusqu’au mois de mars 2021 est vidé de toute sa substance. Ecoles, bars et marchés sont ouverts, couvre-feu et bouclage des villes levés, le programme de revenu universel de solidarité Novissi est suspendu ainsi que la subvention de la tranche sociale des consommations d’électricité et d’eau.
Le 26 octobre dernier, le Conseil des ministres a adopté plusieurs mesures dont celles relatives à la situation de la Covid-19 dans le pays. Des dispositions ont été annoncées concernant la rentrée scolaire, et pour la première fois depuis la survenue de la pandémie dans notre pays, le gouvernement a annoncé la réouverture totale des lieux de culte dans les villes de l’intérieur. Lomé et ses banlieues notamment les préfectures du Golfe et d’Agoè-Nyivé ne bénéficient que d’un nombre additionnel de lieux de culte autorisés à reprendre leurs activités. Une décision qui se justifie, selon le gouvernement, par le nombre important de cas recensés dans la zone et la flambée des cas positifs. « Le Grand Lomé est aujourd’hui le principal foyer où sont enregistrés les nouveaux cas. La raison principale réside dans le non-respect des mesures barrières…Compte tenu de l’augmentation rapide de la pandémie et de la stratégie d’ouverture graduelle, le Conseil décide de n’autoriser l’ouverture que d’un nombre limité additionnel de lieux de culte. Conformément à la procédure appliquée précédemment, le ministre chargé des cultes prendra les dispositions idoines pour l’application de ces mesures », a indiqué le Conseil des ministres.
Cette autorisation d’ouverture accordée aux églises et mosquées de l’intérieur du pays rappelle que nous sommes toujours dans une situation d’Etat d’urgence sanitaire depuis le 02 avril 2020. Cette disposition a été renouvelée déjà à deux reprises, la seconde le 15 septembre 2020. A la surprise de tous, l’Assemblée nationale a voté deux lois, la première portant sur la prorogation de l’état d’urgence sanitaire pour 6 mois supplémentaires et la seconde prorogeant l’habilitation donnée au gouvernement à prendre par ordonnance les mesures relevant du domaine de la loi. Pour un peu plus de quatre mois encore, des décisions peuvent être prises sans forcément tenir rigueur au respect de la loi.
Dans le cadre de cet Etat d’urgence sanitaire, des mesures ont été également prises pour alléger le poids fiscal des opérateurs économiques. On peut citer, entre autres, la suspension des sanctions fiscales en cas de redressement fiscal, de défaut ou de retard de dépôt des déclarations fiscales, de paiement des impôts et taxes. Les contrôles fiscaux externes au sein des entreprises, les recouvrements fiscaux et les poursuites fiscales ainsi que la reprise de l’administration fiscale sont suspendus. Des dérogations aux dispositions du Code des douanes national et la déductibilité des dons justifiés dans le cadre de la lutte contre la Covid-19 sont accordées.
En d’autres termes, l’Etat d’urgence sanitaire si cher à Faure Gnassingbé ne se limite qu’à deux situations, la première relative aux lieux de culte et la seconde en lien avec le fisc. Le programme de revenu universel de solidarité Novissi a été suspendu, la subvention des tranches sociales accordée aux ménages pour les consommations d’eau et d’électricité n’a été appliquée que dans les trois premiers mois de l’Etat d’urgence sanitaire. Les couvre-feux n’existent plus, les débits de boissons tournent à plein régime et les marchés sont inondés de monde, même si les commerçants se plaignent de la mévente. La circulation entre les villes du pays est autorisée et le confinement des localités de la région Centrale est levé depuis plusieurs semaines. La rentrée des classes de ce matin consacre le retour du pays à la normale.
Curieusement, le gouvernement ne montre aucun signe allant dans le sens de la levée de l’Etat d’urgence sanitaire comme l’ont fait plusieurs pays. Au contraire, la situation sanitaire est brandie comme justificatif aux restrictions des droits des populations. Depuis avril, les manifestations politiques sont interdites, certaines rencontres privées aussi. Le 04 octobre 2020, le meeting de la Dynamique Monseigneur Kpodzro n’a simplement pas eu lieu. Quelques jours plus tôt, le Général Yark Damhame cité par des confrères prononçait l’interdiction de la rencontre en des termes pas courtois. « Si les organisateurs étaient eux même responsables, ils ne programmeraient pas une telle activité», avait-il déclaré. Avant de brandir l’alibi du moment : « Nous sommes en période d’Etat d’urgence sanitaire ».
Ces propos du ministre de la Sécurité et de la Protection civile dont on connaît le militantisme montrent à suffisance que l’Etat d’urgence sanitaire est plus utilisé à des fins politiques que dans le but de sortir le pays de la pandémie. S’il ne tenait qu’à certains, cette mesure exceptionnelle pourrait être prolongée jusqu’en 2025. Celui qui s’en sert pour se donner une certaine quiétude politique pourrait même, s’il était permis, s’en prévaloir pour mettre une croix sur les joutes électorales. Vive l’Etat d’urgence politico-sanitaire.
G.A.
Source : Liberté [libertetogo.info]
Source : 27Avril.com