Togo: Navigation à Vue et Situation Chaotique au Sommet de l’état

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Faure Gnassingbé et ses ministres

«…Que va-t-on maintenant servir aux Togolais, après que la soupe Victoire Dogbé soit bue jusqu’à la lie? Les Togolais vont-ils encore avoir droit à une équipe de bras cassés, tout juste bonne à dilapider les fonds publics, ou vont-ils avoir affaire à des gens aussi bien sérieux que soucieux de l’avenir du pays? Rien n’est moins sûr. Il y a de fortes chances qu’on ne change pourtant pas l’équipe qui perd…» («Le Correcteur» du 27 mai 2024)

Nos collègues du bi-hebdomadaire «Le Correcteur» se posaient cette question au lendemain de la démission du gouvernement Dogbé le 21 mai 2024. Étant en dictature et ayant surtout affaire à un régime Gnassingbé aux affaires depuis un demi-siècle, réputé pour son caractère impitoyable sur tous les plans, la question, si oui ou non, la nouvelle équipe gouvernementale sera à la hauteur, ne se pose pas. Heureusement que le bi-hebdomadaire togolais nous a démontré par la suite que la question fut posée exprès pour aboutir à la pertinente conclusion qui s’impose. Oui, on ne change pas une équipe qui perd, comme c’est le cas dans la situation togolaise depuis des décennies. Ailleurs, si les choses ne marchent pas, comme on l’aurait souhaité, avec tel ou tel ministre, on le remplace, voire on le sanctionne. Mais la question qui se pose dans le cas togolais est celle-ci: celui qui est à la tête et se dit président du pays, est-il là pour que ça marche dans l’intérêt des populations? Le gouvernement au Togo, sous Faure Gnassingbé, et avant, sous son père, ne l’est que de nom. Un soi-disant gouvernement, où tous les ministres font tout, travaillent sous l’impulsion, sur les instructions du chef de l’état, comme ils le disent eux-mêmes dans leurs discours, ne peut pas être libre et efficace. Aucun ministre n’est capable de travailler de sa propre initiative d’après la feuille de route tracée d’un commun accord avec le premier ministre. Le chef de gouvernement lui-même n’est qu’un faire-valoir qui n’agit que selon la volonté du tout puissant timonier.

À voir ce qui se passe au Togo sur le plan de la gouvernance politique, on chercherait pendant longtemps sans savoir de quel système politique il s’agit. On a l’impression d’être transposé à la fin des années ’70 et au début des années ’80, où la dictature pure et dure du père était à son paroxysme. Le pouvoir pour le pouvoir, la jouissance de celui-ci sans limite, tel semble être tout le contenu du programme de gouvernement de Faure Gnassingbé. Les croyants diraient que dieu semble être entré en colère contre les Togolais, pour on ne sait quelle faute, et permet qu’une telle gouvernance politique inhumaine soit possible, pendant que tout autour de nous change positivement. Et ce qui est encore plus curieux, c’est que Faure Gnassingbé semble justement se réjouir du caractère unique et rare de sa façon de gouverner, et s’y investit de plus en plus pour faire perdurer la triste exception togolaise. La navigation à vue du pouvoir togolais, qu’on pourrait expliquer par la seule volonté de rester éternellement au pouvoir, s’est traduite par ce changement unilatéral et surtout inopportun de la constitution de notre pays.

«…Vous savez, la nouvelle Constitution a prévu une période transitoire. Il y a des dispositions de cette Constitution qui indiquent que les institutions prévues par la cinquième République doivent être mises en place au plus tard une année après la promulgation. Cela signifie que, après la promulgation de la Constitution le 6 mai 2024, nous avons jusqu’au 5 mai 2025 pour travailler, mettre en place toutes les conditions favorables à l’installation de toutes les institutions que prévoit la Cinquième République.» Une telle déclaration ne peut que provenir de Gilbert Bawara, l’éternel ministre de Faure Gnassingbé. Un tel personnage, jouissant du pouvoir aux côtés de celui qu’il désigne par son ami personnel, ne peut que verser dans l’exagération, voire dans le ridicule pour sauver un régime en perdition. C’est pourquoi ce n’est plus surprenant pour les Togolais que Gilbert Bawara passe son temps à essayer d’expliquer l’inexplicable, s’égosillant à parler de leur nouvelle constitution et de leur 5e république. Le ministre Bawara nous dit qu’après la promulgation de la nouvelle constitution à la Faure Gnassingbé, ils ont jusqu’au 5 mai 2025 pour se mettre au travail. Qui cela étonne-t-il, dans un pays où le supposé chef de l’état et sa suite, premier ministre, ministres et autres, n’ont jamais travaillé de façon visible pour le développement du pays, pour l’épanouissement des populations. La pauvreté étant devenue le lot quotidien des Togolais, dont pour la plupart trouver à manger et à nourrir sa famille est synonyme du parcours du combattant.

Rappelons que la plupart des ministres du gouvernement Dogbé démissionnaire sont nommés comme députés dans la nouvelle assemblée de pacotille. Ce qui s’était passé le 29 avril 2024 n’était pas une élection pour qu’on puisse parler de députés élus. Et depuis exactement deux mois, le Togo n’a pas de gouvernement, et on nous parle de ministres qui gèreraient les affaires courantes. Sont-ils ministres ou députés? Vont-ils sièger pour faire le travail qui devrait être le leur au parlement, ou vont-ils rester dans leurs cabinets ministériels jusqu’à ce que leurs remplaçants soient nommés? Voilà les contradictions togolaises voulues par un régime pour qui ne compte que le pouvoir, peu importe les incohérences que cela pourrait susciter. C’est pourquoi, que Monsieur Bawara dise qu’ils ont jusqu’à un an pour travailler, qu’il y ait un gourvernement maintenant, dans deux, trois mois ou dans deux ans, ne change absolument rien. Ce qui compte pour le régime Gnassingbé, ce n’est pas travailler pour le développement du pays, c’est travailler pour ne jamais quitter le pouvoir. Et pour arriver à cette fin, il faut affamer les populations, il faut leur faire peur par la terreur quotidienne pour qu’il ne leur vienne pas à ‘idée de se révolter, il faut leur faire peur en refusant de libérer les plusieurs dizaines de prisonniers politiques qui croupissent depuis plusieurs années et dont la plupart sont innocents. Faure Gnassingbé les maintient en prison contre le bon sens et le droit pour montrer aux éventuels «récalcitrants» ce qui leur arriverait s’ils ne restent pas tranquille. Il faut faire peur en obligeant d’autres opposants à quitter le pays. Agbéyomé Kodjo et Monseigneur Kpodzro ne sont-ils pas morts en exil? Les derniers hommages à celui qui fut plusieurs fois ministre et premier ministre ne furent-ils pas refusés à Agbéyomé Kodjo par Faure Gnassingbé? Même s’il est mort opposant et en exil, la mort ne devrait-elle pas mettre fin à tous les différends et à toutes les haines, pour se rappeler qu’il avait, à un moment de sa vie, servi le Togo? Ça s’appelle une gouvernance inhumaine animée par des sans-coeur.

En résumé, la réaction irréfléchie et précipitée de Faure Gnassingbé et son entourage, en faisant voter cette constitution contre toutes les règles établies de la république, est due à la panique qui s’est emparée de la maison bleue. Cette précipitation n’est que la conséquence des signes de fébrilité qu’émet le régime Gnassingbé qui, contrairement à ce qu’on pourrait croire, n’est pas aussi stable et solide en son sein. Comment d’ailleurs un régime englué dans des scandales de toutes sortes, comme les nombreuses violations des droits de l’homme, les massifs détournements de fonds publics, l’impunité, etc, etc. pourrait-il être serein et continuer à faire comme si de rien n’était? Cette situation de panique et de peur de devoir rendre compte, une fois hors du pouvoir, s’explique par le passage en force de Faure Gnassingbé, par son entêtement et son refus de mettre de l’eau dans son vin, concernant par exemple la libération des prisonniers politiques, le retour des exilés et une entente avec l’opposition pour chercher les voies et moyens pour sortir le pays de cette dramatique situation.

Samari Tchadjobo
Allemagne

Source : 27Avril.com