Togo-Nathaniel Olympio: «Nous devons impérativement sortir de la guerre des T-Shirts»

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Nathaniel Olympio

Le président du Parti des Togolais (opposition) était hier 29 janvier 2023, l’invité de l’émission D12 sur Pyramide FM. Nathaniel Olympio s’est prononcé sur plusieurs sujets de l’actualité. Voici quelques extraits de son intervention.

Sur la guerre en Ukraine
«Nous n’avons pas intérêt à croiser les bras, rester dans notre coin en pensant que c’est la guerre des autres.»

Sur la violence et les guerres en Afrique
«En Afrique, nous n’avons pas des conflits mineurs. En Afrique, nous avons des conflits qui font énormément de morts. Le génocide du Rwanda, c’est officiellement 800 000 morts. Quand vous prenez la RDC, cela fait 20 ans que cela dure. Vous savez le nombre de morts qu’il y a déjà eu en RDC? Il n’y a pas de conflit mineur. A chaque fois que des hommes et des femmes meurent quelque part de la guerre, c’est une situation qu’il ne faut pas minimiser.»

Sur la marginalisation de l’Afrique
«L’Afrique a beaucoup de pesanteurs qui l’empêchent de donner de la voix. Notre voix n’a pas le poids qu’elle devait avoir. Pour avoir de la voix, il faut être solide économiquement, militairement. Il faut avoir de la puissance. Toutes choses qui manquent à l’Afrique. Prenez l’Union Africaine, nous sommes incapables de parler d’une même voix. Je vais vous donner un exemple précis qui date de 2011 quand il s’est agi de bombarder la Lybie. L’Union Africaine avait pris position contre une intervention militaire extérieure. Cela n’a pas empêché des pays africains, notamment l’Afrique du Sud et le Gabon, de voter à l’ONU pour l’intervention militaire en Libye. Nous n’avons pas de cohérence dans notre démarche.»

Sur l’Onu et les relations internationales
«L’ONU n’est que l’expression de ce que les grandes puissances décident. Depuis sa création, l’objectif de l’ONU c’est la paix. Mais quand les grandes puissances sont capables de poser des actes sans tenir compte de l’avis de l’ONU, celle-ci n’est plus en capacité de jouer son rôle. Les grandes puissances ont dépouillé l’ONU de ses prérogatives.»

Sur la tension entre Paris et certains pays africains
«Ce que l’on voit essentiellement en Afrique de l’ouest, c’est la présence de l’État français dans les affaires intérieures des pays africains qui, aujourd’hui est insupportable pour la jeunesse. Cela ne date pas d’aujourd’hui. Mais la jeunesse actuelle bénéficie d’outils qui n’existaient pas précédemment, les réseaux sociaux, qui leur permettent de communiquer, d’être informés et de pouvoir s’exprimer également. Cette jeunesse là ne veut plus voir des chefs d’États qu’ils rejettent être soutenus par la France. Si nous avions dans nos pays des régimes démocratiques, et que les citoyens s’épanouissaient dans cet environnement là, nous aurions eu une situation similaire à celle de l’Allemagne ou du Japon par exemple où il y a de grandes bases militaires américaines. Sauf que les Etats-Unis n’empêchent pas l’Allemagne ou le Japon de fonctionner normalement dans leur démocratie interne. Mais chez nous, la présence des forces françaises et l’ingérence dans les affaires intérieures des pays en maintenant en place des régimes qui sont décriés par la population, c’est normal que la population se dresse contre ce fonctionnement là.»

Sur la sympathie de la jeunesse africaine pour la Russie
«La Russie vient surfer sur ce mécontentement de la jeunesse. Nul part au monde, la Russie n’a aidé un pays à être démocratique. Les pays de l’Union soviétique à l’époque étaient des dictatures. Alors que la jeunesse africaine aspire à la démocratie, à l’État de droit. Je pense que montrer une sympathie vis-à-vis de la Russie ne veut pas dire que cette jeunesse veut importer le système russe.»

Sur le terrorisme
«Le terrorisme cible les pays où ils peuvent mener des actions et s’installer durablement. Et dans nos pays, malheureusement, nous avons un environnement politique qui leur facilité la tâche. La gouvernance qui a été mise en place a marginalisé certaines populations, a abandonné certaines zones. Cela ne prêtait pas à conséquence jusqu’à ce que les terroristes viennent exploiter cette faille là. En Occident, il y a eu et il y a également le terrorisme. Mais le terrorisme en Occident ne s’enracine pas sur un territoire. Les terroristes posent des bombes, posent des actes de terreur et se cachent. Alors que chez nous, ils ont l’ambition de conquérir des territoires parce qu’il y a des espaces à prendre. Tout pays où il n’y a pas une gouvernance qui permette de mettre à la disposition des gens le minimum pour vivre en termes de service public, de capacité économique, où le gens sont dans la précarité et abandonné à eux-mêmes, est une cible privilégiée des terroristes.»

Sur la lutte pour la démocratie au Togo
«Nous devons impérativement sortir de la guerre des t-shirts. Ce que j’appelle la guerre des t-shirts, c’est se battre chacun pour sa chapelle, se battre pour l’organisation qu’il représente. C’est cela qui empêche la lutte d’aboutir. Chacun veut que son organisation soit identifiée comme l’organisation phare de l’opposition. On se bat entre nous pour être le meilleur dans l’opposition. C’est la pire des erreur. Nous devons absolument rentrer dans une démarche de lutte citoyenne, c’est-à-dire, une lutte qui n’est pas destinée à mettre en avant un parti politique ou une organisation de la société civile. »

A propos des élections
«À partir du moment où l’on combat un régime, il faut combattre les méthodes de ce régime là. Le régime a la latitude d’organiser des élections parce qu’ils ont mis en place une constitution. Mais l’opposition n’est pas obligé de participer à ce que, eux ils mettent en place à leur avantage. Nous n’avons pas besoin de participer à ça. Surtout que l’expérience nous a montré que l’opposition sort toujours des élections complètement en lambeaux. Cela se termine pour les uns par l’exil, pour les autres par la prison. […] Dans les conditions actuelles, ils feront leurs élections tout seuls. Je n’arrête de la répéter, l’élection au Togo fait beaucoup de tort à l’opposition. Je ne veux pas contribuer à ça. Je ne peux empêcher personne d’aller aux élections. Mais c’est à chaque citoyen de se poser la question: ”une fois que je vote et que j’envoie une vingtaine de députés de l’opposition à l’Assemblée nationale, qu’est-ce que cela va changer dans ma vie?” A ce que je sache, ça ne change rien. Et pourtant, ça donne la possibilité au régime de dire: ”nous sommes un pays démocratique parce que nous organisons des élections. D’ailleurs, il y a l’opposition à l’Assemblée nationale.” Si l’action que je mène en tant qu’acteur politique n’apporte rien à mes compatriotes, je ne sais à quoi sert mon engagement politique.»

Source : icilome.com