La peine de mort, ou peine capitale, est une peine prévue par la loi consistant à donner la mort (exécuter) à une personne, reconnue coupable d’une infraction généralement qualifiée de « crime », et le plus souvent ceux qui commettaient un homicide. La sentence est prononcée par une juridiction à l’issue d’un procès. Au Togo avant son abolition, étaient passibles de cette peine :
– ceux qui commettaient un homicide avec préméditation ou guet-apens ;
– ceux qui commettaient un homicide sur leurs ascendants ;
– ceux qui commettaient un homicide dans un but rituel ou d’anthropophagie ;
– ceux qui commettaient un homicide pour préparer, faciliter ou consommer une infraction contre les biens ou contre les mœurs.
La peine de mort est une sanction réprouvée par les institutions internationales comme l’Organisation des Nations unies (ONU). En effet, elle est implicitement condamnée dans la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948, qui consacre le droit à la vie en son article 3 en ces termes, je cite : « Tout individu a droit à la vie, à la liberté et à la sûreté de sa personne ».
Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques va plus loin en affirmant en son article 6 que « Le droit à la vie est inhérent à la personne humaine. Ce droit doit être protégé par la loi. Nul ne peut être arbitrairement privé de sa vie ».
Toutefois, c’est avec le deuxième protocole se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques visant à abolir la peine de mort que les Nations Unies prennent clairement position contre la peine capitale. L’article premier énonce en effet ce qui suit :
« 1. Aucune personne relevant de la juridiction d’un État partie au présent protocole ne sera exécutée.
« 2. Chaque État partie prendra toutes les mesures voulues pour abolir la peine de mort dans le ressort de sa juridiction ».
Pourquoi une journée mondiale contre la peine de mort ?
Depuis 2003, le 10 octobre a été retenu comme Journée mondiale contre la peine de mort par la coalition mondiale contre la peine de mort. Cette coalition est constituée d’un collectif international d’ONG, de barreaux d’avocats, de collectivités locales et de syndicats dont le but est de renforcer la dimension internationale du combat contre la peine capitale.
Pour la coalition, cette journée vise à :
– encourager et renforcer la dimension internationale du combat pour l’abolition auprès des opinions publiques et des décideurs publics ;
– faire pression sur les États qui conservent la peine capitale pour qu’ils l’abolissent et réclamer l’arrêt définitif des condamnations à mort et des exécutions dans le monde ;
– promouvoir et élargir la Coalition mondiale contre la peine de mort pour renforcer sa représentativité internationale ;
– légitimer auprès des institutions/organisations internationales et régionales l’instauration de la Journée mondiale le 10 octobre de chaque année.
Quelles sont donc les raisons qui militent en faveur de l’abolition de la peine capitale ?
Les raisons pour abolir la peine de mort sont nombreuses. Entre autres raisons, nous pouvons citer dix qui sont essentielles à savoir :
– la peine de mort viole le droit à la vie ;
– la peine de mort est une sanction cruelle et inhumaine ;
– la peine de mort n’a aucun effet dissuasif ;
– la peine de mort est un meurtre avec préméditation qui avilit l’Etat et rend la société plus violente ;
– la peine de mort est discriminatoire dans son application ;
– la peine de mort nie la capacité de tout homme à s’amender et à devenir meilleur ;
– la peine de mort ne ramène ni la stabilité sociale ni la paix intérieure des victimes ;
– la peine de mort nie la faillibilité des institutions humaines ;
– la peine de mort est une punition collective ;
– la peine de mort va contre les valeurs religieuses ou humanistes communes à l’ensemble de l’humanité.
Cette année le thème de la journée porte sur l’accès à un avocat. Que vous inspire ce thème ?
Effectivement, la 18e journée mondiale contre la peine de mort a pour thème : « avoir accès à un avocat : une question de vie ou de mort ».
Une représentation juridique pour les personnes susceptibles d’être condamnées à mort est très importante. Sans accès à une représentation juridique efficace pendant l’arrestation, la détention, le procès et après le procès, le droit à une procédure régulière ne peut être garanti.
Dans une affaire où la peine capitale est possible, les conséquences qui peuvent découler d’un manque de représentation juridique effective peuvent n’être rien de moins qu’une différence entre la vie et la mort. Tous les systèmes judiciaires du monde, quelle que soit leur performance, sont passibles d’erreurs pouvant entrainer la condamnation d’innocents. En ce sens, la représentation juridique y trouve tout son intérêt.
Aux niveaux national et international, le droit à un avocat en matière pénale est un droit fondamental, garanti dans la plupart des constitutions et des grands traités internationaux. Malheureusement, nombreux sont les systèmes judiciaires du monde entier qui ne parviennent pas toujours à offrir une représentation juridique adéquate aux personnes accusées d’un crime.
Dès lors, et tout en œuvrant à l’abolition totale et la plus rapide possible de la peine de mort, partout dans le monde, et pour tous les crimes, il est crucial d’alerter la société civile et la communauté internationale sur la nécessité absolue qu’à tous les stades de la procédure pénale les personnes passibles de ce châtiment cruel, inhumain et dégradant bénéficient au moins de l’accès à une représentation juridique efficace afin qu’elles puissent éviter cette sentence et, dans le cas contraire, exercer les recours adéquats.
Quel est l’état des lieux dans le monde et particulièrement en Afrique ?
Tout compte fait, je me réjouis de constater qu’aujourd’hui, les États abolitionnistes sont majoritaires.
En effet, sur les 193 États membres des Nations unies :
– 103 États ont aboli la peine de mort pour tous les crimes ;
– 08 l’ont abolie pour les crimes de droit commun ;
– et 49 respectent un moratoire sur les exécutions en droit ou en fait, soit 160 États au total.
En revanche, la peine de mort est toujours appliquée dans 33 États à travers le monde.
En ce qui concerne l’Afrique :
– vingt (20) Etats dont le Togo sont abolitionnistes de droit ;
– dix-sept (17) sont abolitionnistes de fait ;
– quinze (15) maintiennent toujours la peine de mort ;
– un (01) respecte un moratoire sur les exécutions (Gambie) ;
– et un (01) l’a abolie pour les crimes de droit commun (Burkina-Faso).
Quelle est la situation s’agissant spécifiquement de notre pays le Togo ?
La Constitution du 14 octobre 1992 au Togo protège le droit à la vie. En effet, l’article 13 dispose : « L’Etat a l’obligation de garantir l’intégrité physique et mentale, la vie et la sécurité de toute personne vivant sur le territoire national.
Nul ne peut être arbitrairement privé ni de sa liberté ni de sa vie ».
Les anciennes législations en matière pénale avaient prévu la peine de mort. Cependant depuis l’avènement de la constitution de 1992, même s’il est arrivé que les juridictions notamment les cours d’assises l’aient prononcée, elles n’étaient pas suivie d’effets. Il faut noter qu’elle n’a été exécutée qu’une seule fois, en 1978.
Depuis trois décennies, le Togo qui était un abolitionniste de fait, s’est engagé dans un processus législatif d’abolition de la peine de mort. Ce processus a conduit à l’adoption de la loi N° 2009- 011 du 24 janvier 2009 relative à l’abolition de la peine de mort, promulguée le 24 juin 2009 par le Chef de l’Etat.
Cette abolition sera réaffirmée dans le nouveau code pénal de 2015 (la loi N°2015-010 du 24 novembre 2015 portant nouveau code pénal, elle-même modifiée par la loi N°2016-027 du 11 octobre 2016).
De plus, le 14 septembre 2016 le Togo a adhéré au 2e protocole facultatif se rapportant au pacte international relatif aux droits civils et politiques visant l’abolition de la peine de mort. Le Togo devient ainsi le 82ème État partie à ce traité international et le 12ème en Afrique.
Enfin, le Togo a constitutionnalisé l’abolition de la peine de mort et de la peine à perpétuité ou à vie depuis la réforme du 15 mai 2019. Avec cette réforme constitutionnelle, la peine maximale au Togo est de 50 ans.
Madame le Président, votre mot de fin ?
Permettez que je revienne sur le caractère non dissuasif de la peine de mort. Plusieurs études montrent en effet que les Etats non abolitionnistes sont ceux qui ont les taux les plus élevés en matière de criminalité tandis que dans les pays qui ont interdit la peine de mort, les chiffres relatifs à la criminalité n’ont pas augmenté.
C’est en cela que la CNDH salue les efforts du gouvernement et de toutes les parties prenantes ayant permis d’inscrire le Togo sur la noble liste des pays abolitionnistes. Elle saisit cette occasion pour inviter les autres pays d’Afrique à se joindre à ce mouvement.
La CNDH voudrait toutefois exprimer sa préoccupation par rapport à la résurgence d’un phénomène qui s’apparente à la peine de mort : la vindicte populaire.
La vindicte populaire est un moyen de plus en plus utilisé par les populations pour se défendre, s’exprimer ou encore pour juger les supposés « déviants » et le plus souvent les malfrats. Ce phénomène est de plus en plus récurrent dans les villes togolaises, plus précisément à Lomé.
La CNDH estime que la vindicte populaire est une violation grave des droits de l’homme, car, nul n’a le droit de se rendre justice. Les présumés ou supposés malfrats bénéficient de la présomption d’innocence jusqu’à ce que leur culpabilité soit établie en vertu d’une décision de justice.
La vindicte populaire n’excuse en rien le crime à l’encontre d’un délinquant quel que soit le degré de l’acte commis par celui-ci. La CNDH condamne ces pratiques moyenâgeuses. Car, le risque que les personnes lynchées ne soient même pas les auteurs des infractions à elles reprochées est grand. Une personne innocente peut être à tort victime d’un lynchage, pourvu qu’elle se retrouve fortuitement à la fois à un mauvais moment et à un mauvais endroit.
La CNDH rappelle que toute personne soupçonnée de commettre une infraction doit être conduite aux autorités compétentes (police, gendarmerie ou justice) afin qu’elles statuent sur son cas, conformément aux textes en vigueur.
Je vous remercie !
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Source : icilome.com