Dans notre parution N°2972 du 31 juillet dernier, nous faisions cas du mot d’ordre de grève des employés de la Société nationale des éditions du Togo (Editogo). Cette grève devrait se tenir du 6 au 8 août prochain. Seulement, l’éternel retraité Directeur Remy Banafey Assih, en lieu et place d’une ouverture de pourparlers avec ses collaborateurs, préfère jouer la carte de la pourriture.
La réponse de la part du DG de l’Editogo au mot d’ordre de grève de ses agents n’a pas tardé. Dans une missive qu’il leur a adressée, il n’est pas allé par quatre chemins. Sûrement qu’il s’est rappelé son instinct de militaire qu’il fut. Sa réponse est empreinte de menaces, d’hypocrisie, de contre-vérités et de mépris pour ses employés qui, chaque jour, font tourner la boîte.
Il juge tout d’abord les revendications soumises par les agents. Pour lui, elles ont un « caractère inapplicable ». Paradoxalement, le DG qui, depuis plusieurs années, n’apporte plus rien à cette société de la tête de laquelle il refuse de s’éclipser, estime que les travailleurs de l’Editogo ne doivent pas bénéficier des avantages accordés par le gouvernement. « Ces avantages accordés aux fonctionnaires ne concernent pas les agents de l’Editogo. Car notre société est dotée d’une autonomie de gestion et régie par les dispositions du code de travail, de la convention collective interprofessionnelle du Togo ». Si les avantages dont bénéficient les fonctionnaires de l’Etat ne concernent pas l’Editogo, qu’a-t-il fait en retour pour soulager ses propres agents ? Ces derniers sont aussi Togolais et endurent les mêmes difficultés que les fonctionnaires.
Ce qui est frappant, lorsqu’il s’agit des taxes, M. Assih est très prompt à appliquer les retenues sur salaires (différentes taxes) que le même gouvernement met en place. Dans ce cas, qui lui dit que les agents de l’Editogo sont concernés par les taxes ?
Pour aider les agents de l’État à faire face à la cherté de la vie, le gouvernement avait octroyé en 2008, 8000 et 6500 francs CFA à ceux agents dont le salaire est jugé trop bas. Également en 2013, ils ont bénéficié d’une prime forfaitaire de 30.000 et 20.000 francs CFA. Les agents de l’Editogo se sentent méprisés puisqu’ils n’ont jamais bénéficié de ces avantages.
Remy Banafey Assih affirme également que la Société nationale des éditions du Togo est régie par la convention collective interprofessionnelle. Cependant, quand on prend le statut particulier de cette entreprise, celui-ci ne respecte en aucun cas cette convention. Pis, la grille salariale ne respecte ni celle de la fonction publique, ni celle applicable dans le cadre de la convention collective. En conséquence, le salaire des agents de cette société qui brasse pourtant des milliards, s’effrite d’année en année. « Alors même que M. Assih s’en met plein la poche chaque jour », peste un employé. « A l’exercice clos le 31 décembre 2018, le compte résultat de l’Editogo présente un déficit de 51 200 504 F CFA. Malgré nos efforts, une bonne partie du matériel de production est vétuste et reste à renouveler », note le DG dans son courrier adressé aux agents. Cette déclaration reste surréaliste quand on sait que ce même Directeur est un champion dans la mauvaise gestion en transformant la boîte en une véritable caverne d’Ali Baba. Il est utile de rappeler également que plusieurs ministres de la Communication émarge sur le budget de l’Editogo qui les dote en bons de carburant et autres avantages.
Par ailleurs, au lieu d’assumer les fruits de sa gestion approximative, Remy Banafey Assih se verse dans la diversion. Par exemple dans l’une de ses folies, il a acquis plusieurs matériels de travail à coût de centaines de millions, mais qui n’ont jamais fonctionné. En 2012, le DG a acquis, selon nos informations, une « Speed Master » (grosse machine d’imprimerie) et depuis, près de 800 millions ont été engloutis pour sa réparation, mais elle n’a jamais fonctionné. Il y a 5 ans, M. Assih a fermé l’unité de production de cahiers (opération cahiers). Et pour cause, les bobines de papiers livrées ne correspondaient pas aux références habituelles. « Le DG et sa clique ayant déjà soutiré une importante somme d’argent chez le fournisseur, en guise de retrocommission, ne pouvaient lui exiger la reprise de ces bobines non conformes. L’affaire a été étouffée et le retraité-DG a préféré fermer cette unité de production qui a longtemps fabriqué des cahiers de qualité pour les élèves togolais. Et il parle d’effort ! C’est l’hôpital qui se moque de la charité », déplore un agent qui évoque également le cas d’une imprimante ICTP acquise à 75 millions, mais qui n’a jamais fonctionné. Des encordeuses-plieuses, machine à fabrication de badges constituent aussi des gâchis.
En matière de gestion, il faut rappeler que M. Assih est accusé d’être un spécialiste des surfacturations. Un seul exemple parmi tant d’autres, il a fait débarquer de son poste feu Abalo Pohognaki (il s’est suicidé récemment), chef division comptabilité, pour avoir refusé de valider des factures d’achat de véhicule dont les prix réels ont été multipliés par 3. « A Editogo, tous ces incidents graves sont connus de tout le monde et Assih ne peut tromper que ceux qui ont le temps de l’écouter. Nous savons comment chaque jour, les factures d’encre, de matériel roulant, de matériel bureautique et autres sont gonflées. D’ailleurs il envoie chaque fois des enveloppes à ses interlocuteurs, pour garder son poste ; nous avons toutes ces preuves. Et un jour, tout va se savoir », prévient un autre agent de la boîte.
Le bras de fer est actuellement engagé entre les deux parties. D’ici le 6 août, si les lignes ne bougent pas, la situation risque de se détériorer davantage. Du côté des agents, la détermination est intacte.
S.A
Source : Liberté No.2974 du 02 août 2019
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