Togo-Mme Adjamagbo : « Les maires n’ont pas été votés pour seulement collecter des taxes, balayer des rues…»

0
264

Lors de son dernier Conseil des ministres du mois d’octobre 2021, le gouvernement togolais a donné le plein pouvoir à l’ANADEB d’exécuter tous les projets communaux à caractère socio-économiques et éducatifs au Togo. Cette décision de l’Exécutif passe mal au sein de l’opinion et dans certaines écuries politiques. Après le MPDD, c’est au tour de la CDPA de monter au créneau. Dans un communiqué, la CDPA interpelle le gouvernement « en lui rappelant que les Togolais n’ont pas voté des maires pour seulement collecter des taxes, balayer des rues, gérer l’état civil, célébrer des mariages ». Le parti de Mme Adjamagbo-Johnson invite le régime de Faure Gnassingbé à arrêter cette instrumentalisation de la décentralisation. Bonne lecture.

COMMUNIQUE DE LA CDPA

Les Togolais attendent beaucoup de la décentralisation.

La CDPA a appris sur les médias que le gouvernement a défini ses critères de répartition du Fonds d’appui aux collectivités territoriales, exercice 2021 (FACT-2021). La clé de répartition des fonds tient compte : de l’uniformité de statut, de la démographie, de la superficie territoriale et de l’indice de pauvreté des communes. C’est ainsi que chaque commune est dotée d’un fonds de fonctionnement et aussi de la moitié d’une dotation, « non affectée », qu’elle gère pour ses investissements prioritaires.

Ces deux fonds sont déposés sur son compte au Trésor public et doivent être intégrés au budget communal, exercice 2022. L’autre moitié de la dotation destinée aux investissements dans chacune des communes est « affectée » d’office à l’Agence nationale d’appui au développement à la base (ANADEB), au titre de maître d’ouvrage délégué des 117 communes.

L’ANADEB utilisera cette dotation pour exécuter, contre rémunération, des projets socio-économiques et éducatifs dans les communes. A cet effet, elle s’assure que les investissements projetés par chaque commune entrent dans l’enveloppe qui lui est allouée, via l’agence. L’ANADEB rend compte à la Commission de gestion du FACT, qui en retour, lui règle ses honoraires.

Les travaux exécutés par l’ANADEB sont inspectés par les communes concernées et sont suivis par la Direction de la décentralisation. Le Directeur général de L’ANADEB, par lettre circulaire en date du 19 octobre 2021, a donc sommé les maires d’accueillir dans les dix jours suivant la réception de son courrier, une équipe qu’il a mandatée pour mener avec chaque maire, des « discussions pointues » afin d’apprécier « la pertinence des microprojets prioritaires à réaliser », conformément à l’arrêté interministériel fixant la répartition des dotations du FACT-2021.

Au regard des informations en sa disposition, la CDPA prend acte que désormais chaque commune dispose enfin de fonds connus pour réaliser ses investissements. La CDPA espère que les dotations “non affectées”, censées couvrir les réalisations effectuées par les communes elles-mêmes, ne seront pas des leurres, que les maires poursuivront toute l’année sans voir la couleur. La CDPA s’interroge sur la pertinence des critères retenus par la Commission de gestion du FACT pour sa répartition des dotations ; puisqu’il est établi que :

• les 13 communes du Grand Lomé n’ont pas un même statut en matière d’investissement que les autres communes ;

• la taille des populations et la superficie des communes, dans leur état actuel, sont approximatives, car les ressorts communaux n’étant toujours pas connus comme l’illustre le litige qui a surgi entre deux municipalités, lors du récent et scandaleux déguerpissement de vendeurs sur des trottoirs orchestré par le maire du Golfe 5 ;

• l’indice de pauvreté utilisé est du ressort préfectoral ; ce qui fait que dans une même préfecture, une commune rurale mal lotie, comme Ogou 4, est mise sur un même pied d’égalité qu’une commune urbaine relativement nantie, comme Ogou 1.

Par ailleurs, la CDPA trouve qu’il est contraire aux règles de gouvernance que l’ANADEB, membre de la Commission de gestion du FACT qui attribue les dotations aux communes et veille à leur bonne gestion, soit en même temps maître d’ouvrage délégué pour exécuter les projets financés par les dotations octroyées.

La CDPA dénonce cette confusion des genres, où la même agence est juge et partie. Cette situation est d’autant plus intolérable qu’il existe d’autres agences que chaque commune peut choisir à sa guise après les avoir mis en concurrence afin de baisser substantiellement les coûts de la maîtrise d’ouvrage délégué dans l’intérêt des populations ; il s’agit de Citafric (agence de développement urbain municipal) et de AGETUR Togo (agence d’exécution des travaux urbains). La CDPA relève aussi dans le décret régissant le FACT, que la performance est un critère de répartition des fonds.

La CDPA comprend qu’elle ne soit pas considérée dans le FACT-2021. Par contre, la CDPA s’étonne que ni le décret approuvant les critères de répartition des dotations du FACT-2021, ni l’arrêté interministériel fixant la répartition des dotations du FACT-2021, ni même la note aux maires du ministre chargé des collectivités locales, n’ont daigné nous situer sur la conduite à tenir pour le FACT-2022. Quelles performances seraient évaluées, celles des communes ou celles de l’ANADEB ? Quels seraient les critères de performance ? Tout se passe comme si un enseignant veut noter des copies, sans aucune idée de l’épreuve et sans grille de notation.

La CDPA observe enfin que pour le FACT-2021, le maître d’ouvrage délégué est nommément désigné ; ce qui n’est pas le cas pour le maître d’ouvrage. Aucune disposition n’indique qui joue ce rôle. Si c’est la Commission de gestion du FACT, alors que les textes la consacrent ! Les Togolais en tireraient la conclusion que la décentralisation au Togo ne favorise que des transferts de compétences de l’administration centrale vers des agences supports de propagande politique et budgétivores.

Cependant, si ce sont les maires, les maîtres d’ouvrage, que les textes le précisent sans ambiguïté, y compris des dispositions de rétrocession de fonds et des procédures encadrant la délégation de maîtrise d’ouvrage. Il faut laisser la latitude aux maires pour choisir les prestataires les mieux disant et répondre juridiquement comme responsable de dysfonctionnements qui surviendraient dans l’exécution d’un marché.

Pour la CDPA, cette question de délégation de maîtrise d’ouvrage mérite d’être clarifiée, afin qu’on évite, dans nos communes, la multiplication de maîtres d’ouvrage délégués imposés par des départements ministériels, dès qu’un financement pointe à l’horizon ; comme cela pourrait être le cas avec le Projet d’amélioration de la qualité et de l’équité de l’éducation de base (PAQEEB), financé par l’IDA à hauteur de 33 milliards francs cfa et qui prévoit entre autres réalisations, des constructions de salles de classe dans des écoles primaires publiques.

C’est le lieu de mettre en garde les élus locaux, toutes tendances confondues, qu’ils sont comptables devant leurs administrés et électeurs. Il est de leur intérêt de se mobiliser au sein de leur faîtière pour exiger des éclaircissements du gouvernement sur les dispositions prises pour l’exécution du FACT-2021. L’histoire ne leur pardonnerait pas d’avoir trahi leur mission.

La CDPA invite aussi à plus de vigilance les représentants des communes au sein des instances de décisions du gouvernement ; ils doivent s’atteler sans complaisance militante à défendre les intérêts des populations. La faitière des communes doit prendre ses responsabilités.

La CDPA interpelle enfin le gouvernement en lui rappelant que les Togolais n’ont pas voté des maires pour seulement collecter des taxes, balayer des rues, gérer l’état civil, célébrer des mariages… Les Togolais ne veulent pas voir les maigres subsides que l’Etat accorde à leurs communes, gaspillées dans le paiement de services inutiles, dispendieux et non contrôlés.

Les populations ont élu des conseillers municipaux surtout pour changer avec leur participation, le quotidien dans les localités, en créant les meilleures conditions pour accroitre les richesses et les emplois locaux. Arrêtez de tout instrumentaliser, le quotidien des Togolais dépend d’une décentralisation réussie !

 Lomé, le 30 octobre 2021

La Secrétaire Générale

Kafui ADJAMAGBO JOHNSON

Source : icilome.com