Philippe Fanouko Kpodjro, c’est un homme de Dieu ; faut-il le décrire au Togolais ? Non, si les hypocrites font semblant de le méconnaître, l’Histoire du Togo le connaît parfaitement.
Personnalité morale forte, au gré des évènements, la vie de l’homme a toujours été partagée entre sa Mission et des interventions sur un terrain purement politique. La politique, est-ce un champ pour les hommes de Dieu ? Oui, du moment où aussi bien les missions de Dieu que celles des politiques ont pour finalité le bien-être de l’Homme. Ainsi, aux fleurs de son serment en début des années 90, l’archevêque ne s’est pas fait prier pour diriger de main de maître une Conférence Nationale qui était parti pour être normalement souveraine. Sa fermeté dans la volonté de remettre le pays sur les rails à ce rendez-vous historique lui a valu ce que toutes les récriminations à l’époque. Passé ce vent, il se replie à son évêché, non sans regarder d’un œil attentionné l’évolution politique de son pays. On le dit en retraite. Retraite pour un berger encore vivant? Mgr refuse d’y croire et s’invite encore pour une unième fois dans la recherche de solution au problème de la cité, mais avec quelle arme ? Il s’invite dans la crise togolaise à un moment sombre de son histoire où une race d’acteurs politiques au nom de l’estomac préfère voir le peuple résigné que debout.
A l’entame, conscient de la mission qu’il s’assigne, il va à l’information en rencontrant une à une les différentes formations politique afin de se donner les moyens de sa démarche. Tout le monde sait bien que ceux qui ont fait de la dernière crise un fonds de commerce, c’est eux qui jouaient « les agents doubles » en étant dans la coalition. L’archevêque veut savoir ce qui s’est réellement passé et décide des rencontres en aparté. Les unes comme le PNP ont répondu à son invitation avec toute la déférence due à son rang et sa démarche, mais Dr Sama, le SG de ce parti, a choisi de ne pas faire de révélations sur qui que ce soit en laissant l’homme de Dieu lui-même se doter du nécessaire pour sa mission. L’histoire elle-même parlera du rôle de chacun. Il a donc préféré laisser le vieux, réunir ses informations de façon objective. Les autres comme l’ANC ont rencontré le prélat sur la pointe de pieds. Déçu de l’audience, Mgr n’a pas caché son mécontentement face au manque d’égard dont il sera victime du parti orange. Plus loin, certaines formations ont fait des déballages contre les autres.
Le reliquat de la défunte C14 est donc devenu le saint ni tâche ou du moins, le moindre mal, auquel l’Evêque s’accroche bec et ongle pour colmater les brèches et redonner une chance au pays. Mme Adjamagbo Jonhson est le fer de lance de ce reliquat. Coordinatrice de la défunte C14, elle dirige environ six formations politiques de son reliquat de regroupement. Nous savons de sources très informées que sur les 14 qui avaient composé la C14, il n’y a que 3 formations politiques dont le nom n’est cité nulle part comme ayant pris l’argent auprès du régime ou des médiateurs pour saborder la lutte. Le reste est une bande de commerçants, carriéristes, taupes et vendus. Le plus emblématique de ces commerçants a joué un rôle capital pour que la dictature ne tombe pas du vent du 19 août. Le monsieur s’est tellement professionnalisé dans son rôle qu’à la présidence, il est connu sous le nom d’« Opposant aux portes détournées ».
Dans la fièvre du 19 août et ses fortes mobilisations qui se sont succédées, des informations ont circulé faisant état de ce que certains Barons ont fait les valises, d’autres ont même déjà fait devancer leur famille hors du pays. Effectivement, ce n’était pas une fausse rumeur. De sources renseignées, Faure Gnassingbé a même demandé à son dernier cercle de penser à un coup d’État imaginaire afin de permettre à quelqu’un du sérail de reprendre les reines pendant que lui-même se retire en lieu sûr. Cette idée est venue au temps «Faure» des marches où la C14 jouait encore un rôle intègre. Mais l’un des ministres a conseillé le prince : « il faut attendre d’abord ». Pour quoi faire ? Une solution se cherchait car on a tendu la brèche à un opposant. In fine, l’on a trouvé un monsieur influent dans la C14 qui a accepté d’être la taupe contre rétribution. Si l’opinion le prenait encore à tort pour un des fers de lance de la lutte, lui-même ne faisait plus mystère de ses allers-retours nocturnes ou au service ou au domicile de Faure Gnassingbé. Ayant déjà servi le régime dans d’autres circonstances grâce à l’intermédiation d’un baron en disgrâce, on n’a pas mis du temps à réchauffer les cahiers de charge avec lui. Nous vous disions dans un écrit qu’il a existé un monsieur de la C14 qui était toujours avec Faure au soir de chaque marche qui mobilise des foules inquiétantes, les marches des Samedi principalement. Quand le gars est rentré en mission, d’autres ont suivi, chacun rendait compte à la dictature : ce qui se dit dans les réunions, ce qui se prépare, et la dictature les conseillait les comportements à adopter, mieux les itinéraires à prendre et les points de chute des mobilisations. Cette bande a vendu la lutte sur le sang, la privation de liberté et l’exile des Togolais.
Nous vous disions plus haut que, en fin de compte, sur les 14, il n’existe que 3 qui peuvent mettre le doigt au feu de n’avoir pas fait le jeu de la dictature en prenant les sous ici et là comme de petits pains. Nous sommes de ceux qui estiment qu’on ne trahit pas un peuple impunément. L’histoire jugera chacun selon son rôle dans la C14, donc, ne nous demandez pas de nommer X ou Y. Au regard de tout ceci, nous avions des inquiétudes sur la démarche, oh combien louable, de Mgr puisque nous estimons qu’il a commencé sa mission sur la base du récit « des lions qui rédigent l’histoire de la chasse » pour reprendre W. Soyinka.
Nous vous disions dans les écrits qu’il a existé dans la C14 une dame qui encourageait les autres à accepter l’argent que propose le dictateur, « on ne refuse pas l’argent, c’est les propositions qu’on refuse », a-t-elle l’habitude de marteler aux rares qui ne salivent pas devant les propositions de la principauté. Elle-même a-t-elle pris sa part ? A chacun de juger. Et dire que l’archevêque meurt d’ambition de sortir son pays de l’ornière en se basant sur des informations biaisées fournies sur la base des accointances ? Nous avons une première inquiétude.
La seconde est liée à l’entourage du prélat lui-même. Avec qui il travail, qui est dans ses secrets ? L’homme change, peut-être nous-nous trompions, mais l’inquiétude est réelle quand dans une telle mission l’archevêque a pour l’un de ses bras droits et outils de travail un ancien homme d’Agbéyomé Kodjo Messan. Agboyomé Kodjo, qu’on l’aime ou pas, est un monsieur dense, partout où il a passé, il y a laissé des traces, le port en est une preuve. Mais si tu es plus instable que lui, tu tombes. Si lui il ne tombe pas, c’est qu’il a la science de l’instabilité politique, de changement selon le besoin de son estomac. Quelle relation continue par entretenir le Sieur Agboyomé avec son ancien homme à tout faire désormais converti à assumer les officines du prélat ? Savoir gérer c’est aussi savoir choisir son entourage, le vieux est averti. L’homme de Dieu est malade de la maladie de son pays, il veut mourir dans les bras d’un pays juste pour tous ses fils. A défaut d’avoir bien vécu, il veut bien mourir, d’ailleurs, il est de ceux qui croient dure comme fer, que la vie commence après la mort. Ceux qui ont pensé qu’il est venu pour jouer le rôle de tel ou tel autre ont sans doute trouvé une réponse dans sa sortie devant l’ambassade de France à Lomé. Il a été plus que clair en mettant la métropole devant sa responsabilité qui reste jusqu’alors un triste décor fait de complicité, de duplicité, de fumisterie, d’intérêts à la limite du cynisme et de la cruauté qui fait du pays de Macron une démocratie devant les Pyrénées et une dictature au-delà.
« Si jeunesse savait, si vieillesse pouvait », avance un adage africain. Mais bon vent à Mgr, mais son résultat sera au bout du courage à être plus sincère envers les opposants, du Haut de son charisme, avec un parcours aussi éloquent, il ne peut pas dire ne pas avoir des moyens pour réellement savoir qui a fait quoi. S’il pouvait être plus sincère envers les opposants, balayer sa cour, sa mission se portera mieux. En attendant, ceux qui, comme les responsables de l’Union Musulmane du Togo, se réclament de Dieu tout en choisissant de dédier leur mission à quémander l’aumône derrière le régime de Faure, observent. Nous vous publions in extenso la déclaration de Mgr Kpodjro devant la représentation Française à Lomé.
La Rédaction
Source : Le Rendez-Vous No.344 du Vendredi 18 octobre 2019
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