Le 4ème congrès panafricain du renouveau charismatique tenu à Lomé a pris fin dimanche dernier. Cette rencontre internationale des fidèles catholiques a été encore l’occasion pour eux de prier pour leurs pays. Elle leur a aussi permis de bénéficier de diverses prédications et communications comme celle du monseigneur Nicodème Barrigah-Benissan. Retour sur une communication qui a cerné les maux dont souffre le continent et proposé les remèdes pour sortir l’Afrique de son cycle d’éternels recommencements.
Il faut voir dans l’homme de Dieu, outre la dimension religieuse, la dimension politique. Que son discours soit empreint de politique n’a rien d’étonnant. D’abord, la politique est une affaire de la cité. Ensuite, c’est en sens qu’il faut voir les encycliques des souverains pontifes et enfin les périodiques lettres pastorales des évêques du Togo. Aussi faut-il situer dans l’intervention de l’évêque d’Atakpamé, son parcours et les postes de responsabilités qu’il a eu à occuper dans les différents dialogues politiques que le Togo a connus.
Monseigneur Nicodème Barrigah-Benissan a occupé, pour le compte du Vatican, le poste de diplomate en Israël. L’Etat hébreu est situé dans l’une des régions les plus instables de la planète avec ses récurrents conflits israélo-palestiniens. Un tel poste requiert beaucoup de tacts, de connaissances et c’est fort visiblement de ces compétences que le Saint Siège a confié cette responsabilité à l’évêque togolais. Ce bagage diplomatique va le placer plus tard au-devant de la scène politique togolaise lorsqu’il a présidé la Commission Vérité Justice et Réconciliation (CVJR). Une commission créée en 2009 dans le but de pacifier le pays des soubresauts douloureux qu’il a traversés de 1958 à 2005.
Mais les recommandations assorties de la CVJR peinent toujours à se traduire dans les faits. De même, le prélat a présidé tour à tour les dialogues Togo Telecom I et II. Les propositions de sortie de crise dorment toujours dans les placards et le Togo n’est pas engagée dans la voie d’une véritable démocratie qui puisse permettre le bien-être de sa population. Aussi l’homme de Dieu est-il témoin des instabilités politiques que l’Afrique connaît. C’est donc en connaissance de cause qu’il parle et également par rapport à cela que deux volets se dégagent de son intervention : la politique et la parole de Dieu.
« Si l’Afrique va mal, c’est notamment parce que certains de ses guides ont travesti leur mission et transformé leur vocation en une recherche de gain facile »,a-t-il indiqué. En effet, la politique est devenue pour certains un créneau pour s’enrichir au détriment des aspirations des populations qu’ils sont censés défendre. Ce spécimen d’hommes politiques que certains qualifient d’« alimentaires » pullulent sur le continent et arrangent les partis au pouvoir plutôt que de constituer des contrepoids à ces régimes dynastiques, despotiques, autoritaires, etc. qui retardent le continent africain. Ces situations qui relèguent l’Afrique au second plan, révoltent visiblement l’homme de Dieu et l’obligent à s’adresser à la classe politique africaine voire togolaise. Surtout à une espèce d’éternels opposants carriéristes qui se sucrent sur le dos de leur peuple en leur faisant des promesses démagogiques. « Ne vendons pas des illusions aux populations qui viennent vers nous. Soyons plutôt honnêtes et courageux dans l’accomplissement des charges reçues de Dieu », a exhorté Mgr Nicodème Barrigah-Bénissan.
En effet, l’un des péchés de l’homme politique africain est de se croire investi d’une mission messianique. Il se considère comme le seul libérateur de son peuple. Or il finit par vendre son âme et s’écarte de la tâche qu’il s’est assignée en vendant de l’utopie à ses militants. Ces derniers, souvent des fanatiques, le suivent dans ses travers sans parvenir eux-mêmes à sonner la révolte en se détournant de leur leader qui s’est mué en businessman. Les élections sont pour lui des moments privilégiés de marchander les aspirations de ses partisans. Et il est un fait que c’est souvent après les scrutins présidentiels que certains hommes politiques roulent dans de belles voitures. Un paradoxe sous les tropiques.
Sur le plan religieux, l’évêque d’Atakpamé n’a pas non plus fait la part belle aux hommes et femmes d’église. Il pense que le retard de l’Afrique est aussi inhérent à l’inaction des chrétiens qui s’en remettent aux prières plutôt qu’aux actions. Que seraient devenues les prières de la CENCO sans ses manifestations sur le terrain en RD Congo? Prier, c’est bien, mais l’action est plus efficace. L’inaction est nuisible au chrétien et c’est ce que semble dire le prélat. « Qui a dit qu’il suffit de prier pour que sans aucun effort, tout soit résolu dans la vie de l’homme? Ne soyons pas de marchands d’illusions. Notre peuple est en train de se dépersonnaliser », a-t-il relevé. Et de s’interroger : « Nos peuples croupissent dans la misère et nous disons à l’Eglise: prions pour que le Seigneur nous délivre de cela ; mais la délivrance viendra d’où ? ».
Le questionnement de l’évêque est fondé au regard de la masse importante de la population africaine qui s’abandonne à l’oisiveté en pensant que Dieu la fera sortir de son état de précarité. Or Dieu n’encourage pas la paresse. Les diverses interprétations bibliques ont détourné les Africains de ce passage : « Aide-toi, le ciel t’aidera » alors que le salut vient d’abord de soi-même. Aussi l’enfermement dans l’endoctrinement est-il un frein à la réalisation personnelle, et partant, au décollage du continent qui regorge pourtant d’un sous-sol immensément riche. « Ne faisons pas de notre peuple, un peuple de paresseux. N’enfermez pas vos fidèles dans des prières refuges. Ouvrez les portes pour qu’avec la grâce de Dieu, ils puissent agir », exhorte l’évêque. Ite missa est.
Source : L’Alternative
27Avril.com