La crise togolaise s’est transportée ces jours-ci dans plusieurs capitales africaines et européennes. Les initiatives se multiplient pour aider la classe politique togolaise à sortir de l’impasse le plus vite possible.
Pendant que Faure Gnassingbé est sous pression de ses collègues de la région, notamment le Nigeria où il s’est rendu mardi, ses opposants, eux, rencontrent certains chefs d’État en Europe. Les trois responsables de la coalition, notamment Jean-Pierre Fabre de l’ANC (Alliance nationale pour le changement), Brigitte Kafui Adjamagbo de la CDPA (Convention Démocratique des peuples africains) et Tikpi Salifou Atchadam du PNP (Parti National Panafricain), se sont entretenus à plusieurs reprises avec Alpha Condé, président en exercice de l’Union africaine.
Dans un communiqué rendu public ce 22 novembre à Paris par la délégation de l’opposition, on peut lire : « Le président Condé et les membres de la délégation de l’opposition ont convenu de la nécessité de créer un climat d’apaisement devant ouvrir la voie aux négociations annoncées ». Le même jour, le médiateur désigné par les chefs d’Etat de la CEDEAO, le président du Ghana Nana Akufo-Addo échangeait avec l’ancien ministre de l’Intérieur, Me François Akila-Esso Boko à Londres le 20 novembre.
Ce mercredi 22 novembre à l’Elysée, Alpha Condé et Emmanuel Macron ont évoqué la crise togolaise et le Président guinéen a déclaré devant la presse : « Mon rôle est très simple : c’est de créer un climat apaisé, car nous n’avons pas à dire au Togo ce qu’il doit faire. C’est un Etat souverain. Le Togo est capable de décider de son destin. Nous, notre rôle, c’est de faciliter le dialogue ». Il a ensuite affirmé qu’il pèserait de tout son poids pour que les détenus politiques soient libérés dont les imams de Sokodé et Bafilo, avant de laisser entendre que le Ghana va continuer les efforts pour harmoniser les différents points de vue.
Selon des sources bien renseignées, Emmanuel Macron, tout en remerciant le président de l’Union africaine pour ses efforts, a demandé à ce dernier de laisser Nana Akufo-Addo poursuivre ses efforts de médiation. En réalité, la France préfère la médiation du président du Ghana mandaté par ses pairs de la CEDEAO à celle d’Alpha Condé pour plusieurs raisons.
La première est que le président guinéen traine lui-même les pieds à engager des réformes politiques sérieuses dans son pays; ensuite il utilise aussi les mêmes méthodes, notamment la violence envers ses opposants et sa population; et enfin le plus grave est qu’il envisage de sauter le verrou de la limitation du mandat dans la constitution de son pays pour s’offrir un troisième mandat en 2020 au seuil de ses 80 ans. Il est inconcevable que celui qui se montre réfractaire à toute idée de réformes politiques chez lui, puisse jouer le rôle de médiateur chez le voisin qui rencontre les mêmes soucis. Paris a clairement montré sa préférence pour le président du Ghana qui, non seulement est francophile, mais aussi vient d’un pays véritablement démocratique. La proximité avec la Togo où les mêmes peuples se retrouvent de part et d’autre des frontières est également un autre paramètre qui joue en faveur de Nana Akufo-Addo.
Le Ghana va continuer les contacts entre les protagonistes en vue de la mise en place d’un comité préparatoire pour l’ouverture du dialogue à Lomé, en présence de plusieurs chefs d’Etat de la région.
Faure Gnassingbé plus jamais sous pression
Depuis les évènements du 19 août 2017, Faure Gnassingbé qui a fait croire au monde entier que son régime était « civilisé », est en perte de vitesse. Le masque sous lequel il a soigneusement dissimulé son régime d’acier aux gants de velours est tombé en quelques jours, renvoyant à la face du monde le visage hideux, inhumain et monstrueux d’un régime qui maintient un peuple sous la force brute depuis 50 ans.
Les revers diplomatiques ne cessent de s’accumuler, et celui qui est friand de sommets éprouve toutes les difficultés à se faire inviter dans les grandes messes. Plus Faure Gnassingbé refuse d’entrevoir un départ à la tête de son pays, plus il va s’isoler sur le plan international. La démission forcée de Robert Mugabe et la situation en cours au Zimbabwe ne sont pas forcément de bonnes nouvelles par des régimes incarnés par Faure Gnassingbé et autres. Pour Me SidikiKaba, s’exprimant sur le départ de Robert Mugabe, l’Afrique est en plein changement. « L’Afrique est en train de changer et il faut tourner la page du long règne au pouvoir, il y a une vie après le pouvoir », a-t-il déclaré les ondes de RFI. La plupart des chefs d’Etat de l’Afrique l’ouest souhaitent un départ de Faure Gnassingbé du pouvoir en 2020 pour éviter que la région ne sombre dans le chaos. Mais peu osent le lui dire en face, sauf le président Mohammed Buhari du Nigeria qui n’est pas un habitué de la langue de bois. Le sommet de Niamey début octobre maquillé avec l’histoire d’une prétendue monnaie commune, les invitations tous azimuts en Côte d’Ivoire et au Nigeria cette semaine, rentrent dans la droite ligne des pressions sur le régime de Lomé.
Au sein du pouvoir, contrairement aux apparences, (inauguration des gadgets par-ci et par-là, scénario raté d’achat de pain), l’heure n’est pas à la sérénité. Le régime de Faure Gnassingbé n’a jamais envisagé un quelconque dialogue avec la coalition. Leur projet était un passage en force par un référendum. Mais depuis que l’idée du dialogue s’est imposée à eux, sous les pressions des chefs d’Etat de la région, Faure Gnassingbé et ses acolytes font de la récupération sur fond d’hypocrisie.
«L’homme simple» a épuisé toutes ses cartes et c’est dans une position délicate qu’il sera au dialogue, pour la simple raison qu’après 50 ans de règne et d’exactions contre sa population réduite à la misère, sa cause sera difficilement défendable.
Source : L’Alternative No.660 du 24 novembre 2017
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