La polémique sur la distribution des 400 000 F aux journalistes par le Président de la HAAC Pitang Tchalla, n’a pas fini de faire des vagues dans l’opinion que la même institution s’apprête à poser un acte gravissime. Il s’agit d’un plan obscur visant à fermer le Groupe Sud Média qui émet sur les chaînes LCF (La chaîne du Futur) et City fm. Une décision qui risque de créer non seulement un tollé dans l’opinion après la fermeture de Radio X-Solaire et Légende Fm dont les cendres sont encore fumantes, mais aussi de sonner la mobilisation des organisations des droits de l’Homme et des associations de lutte pour la liberté de presse. Le dossier remonte à la mandature précédente de la HAAC présidée par feu Kokou Tozoun et s’inscrit dans la droite ligne des ennuis du promoteur de ce groupe Pascal Akoussoulèlou Bodjona.
En 2012, les responsables de LCF et City fm ont été sommés de régulariser leur dossier auprès de la HAAC. Une surprise pour ces derniers qui avaient non seulement un dossier déposé en bonne et due forme, mais aussi gagné dans les règles de l’art un appel d’offres d’attribution de fréquence radio et télé lancé en 2007 par l’ART&P. En effet le Groupe Sud Média a gagné en 2007 un appel d’offres lancé par l’ART&P et a obtenu par l’occasion deux canaux de diffusion dont la TNT ( Télédiffusion numérique terrestre). Dans un courrier libellé « garantie de soumission » de la BTCI (Banque togolaise pour le commerce et l’industrie) en date du 27 février 2007, on peut lire : « La BTCI représentée par Yao Kanekatoua, administrateur général ; Georges Kodjo Ahlin Sanvee, Directeur d’exploitation ; est tenue à l’égard de l’ART&P ( Autorité de règlementation des postes et télécommunications ) pour la somme de 20 millions de francs CFA que la banque s’engage à régler intégralement à ladite autorité s’obligeant elle-même, ses successeurs et ses signataires signé et authentifié par ladite banque ».
Le lendemain c’est-à-dire le 28 février 2007, l’ART&P, sous la signature de Mme Assih, transmet le récépissé N° 8 aux promoteurs du Groupe Sud Média en ces termes : « l’ART&P certifie avoir reçu la somme du Groupe Sud Média, suite à l’appel d’offres pour assignation de deux canaux de télévision à Lomé. En conséquence, elle lui délivre le présent récépissé pour servir et valoir ce que de droit ». Il ne souffre donc d’aucune ambiguïté que les promoteurs du Groupe Sud média sont en règle avec la loi, particulièrement l’ART&P qui attribue les fréquences. Dans le cas d’espèce, le Groupe Sud Média a obtenu ces fréquences pour une durée de 10 ans, en d’autres termes, le renouvellement ne peut intervenir qu’en juin 2017. Nonobstant cette régularité vis-à-vis de la loi, la HAAC estime nécessaire de renouveler le dossier à son niveau. Ce qui fut fait par les promoteurs. Mais c’est sans compter l’acharnement de ceux qui, derrière les rideaux, tirent les ficelles pour la fermeture de cette chaine.
Feu Richard Kokou Tozoun, Président de la HAAC d’alors était constamment sous pression de ce réseau sans visage. Son refus d’obtempérer à ces injonctions officieuses du fait qu’il ne disposait d’aucun argument solide pour motiver cette fermeture lui a valu l’indifférence aux derniers jours de sa vie. Le 20 juin dernier, une nouvelle équipe de la HAAC a pris fonction avec à sa tête Pitang Tchalla, ancien directeur de la TVT, ancien ministre de la Communication, promoteur lui-même de deux télévisions de la place, TV2 et TLS. C’est donc cette nouvelle équipe de la HAAC qui ressuscite le dossier LCF, avec la ferme volonté de réduire au silence cette chaine qui est la plus suivie dans la capitale, et ceci, au mépris de la loi.
Dans la deuxième quinzaine du mois de décembre, la HAAC publie un communiqué dans lequel elle invite certaines radios et télévisions au renouvellement de leurs dossiers sous peine de retrait de leurs fréquences. Et dans ce lot composé de la radio Béthel à Glei, radio Bonne nouvelle à Lomé, radio City Fm à Lomé, radio Dawul à Bassar, radio Maria à Kpalimé, radio Maria à Kara, radio la voix de l’Oti à Mango, radio La Voix de Vo à Amegnran, radio Océan à Aného, radio Sky à Badou, on retrouve aussi LFC et City fm qui avaient déjà leurs dossiers à la HAAC. Selon les promoteurs, le dossier ne souffre d’aucune faille; mais au sein de l’institution, on met en relief un prétendu souci d’actionnariat pour justifier la fermeture. Pendant qu’on y est, qui s’est plaint de l’actionnariat de LCF auprès de la HAAC ? Comme on peut facilement le constater, les vrais motifs qui sous-tendent la fermeture prochaine de cette chaine sont ailleurs et peuvent découler de l’acharnement contre son promoteur. Il nous revient d’ailleurs de certains recoupements que le principal bras armé de cette fermeture et d’autres coups foireux de la HAAC en perspective seraient un certain SallahSodja, un ancien membre de l’équipe de PhilipeEvegnon rappelé à la hussarde par la nouvelle équipe pour les basses besognes.
LCF- NWTV : deux poids deux mesures
Pendant que l’on s’acharne sans raison sur LCF, il y a des médias audiovisuels qui émettent sans aucune autorisation formelle. C’est tout de même curieux que dans la liste des médias invités à régulariser leur situation, la HAAC ait passé sous silence le cas NWTV. En effet, cette télévision émet sur satellite depuis plus d’un an à travers au moins 3 canaux sans avoir déposé le moindre dossier à la HAAC, même pas un papier. Pourquoi son cas ne fait l’objet d’aucune interpellation ? Cette chaine de télévision a –t-elle un statut particulier qui lui permet d’émettre dans de pareilles conditions pendant que d’autres qui ont leurs dossiers en règle sont victimes d’un acharnement ostentatoire ?
Les conséquences d’une probable fermeture de LCF
Sur le plan social, la mise à mort de cette chaine laissera sur le carreau plus de 60 employés (journalistes, cameramen, technicien, agents d’appui, etc). Dans un pays où le chômage des jeunes crève les yeux et l’Etat n’a d’autre chose à proposer que le PROVONAT, il serait révoltant que des gens déjà admis à la retraite et qui ont trouvé une rallonge juteuse pour leur vie à la HAAC, mettent autant de jeunes sur le chemin de la précarité. Si l’on continue de réduire les médias au silence, comme ce fut déjà le cas des radios X-solaire et Légende Fm, sans oublier certains journaux de la presse écrite, qui va embaucher ces nombreux étudiants qui sortent des écoles de journalisme, notamment ISICA et l’ESTAC ?
Lors de la prise de fonction de la nouvelle équipe de la HAAC, son président dans une démarche pédagogique a expliqué aux professionnels des médias qu’il souhaite établir entre son institution et ces derniers des relations fraternelle et confraternelle empreintes de compréhension. Visiblement, depuis quelques semaines, on observe un glissement vers des méthodes d’une autre époque décriées par l’opinion nationale et internationale. La fermeture de la Chaîne du Futur, de City FM et de la Voix de Vo ne fera que raviver les tensions entre la HAAC et les organisations de défense de la liberté de presse tant au Togo qu’à l’international.
Enfin, en plein processus d’obtention du MCC (Millenium Challenge Account) où le Togo peine à valider les critères des réformes politiques, de droits de l’Homme, de lutte contre la corruption et de liberté de presse et d’expression), une fermeture de LCF ne ressemblerait à rien d’autre qu’un sabotage de ce processus que le pays attend impatiemment. De toutes les façons, les organisations des droits de l’Homme et des associations de lutte pour la liberté de la presse n’hésiteront pas à s’en saisir.
L’article 21 de la Loi organique relative à la HAAC en son alinéa 1 nous rappelle la mission de cette institution : « La Haute autorité a pour mission de garantir et d’assurer la liberté et la protection de la presse et des autres moyens de communication de masse dans le respect des principes énoncés à l’article 3 de la présente loi ». Toute fermeture d’un média pour des raisons inavouées ne pourra que raviver les tensions dans l’espace médiatique avec son corollaire de discrédit sur le pays. Ce serait la dérive de trop après le coup de force contre les radios X-Solaire et Légende Fm
Source : Ferdi-Nando, L’Alternative No.581 du 13 janvier 2017
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