C’est reparti, les Togolais vont encore une fois se soumettre aux mesures restrictives dont les autorités ont la recette. Edictées dans une approximation sans nom, sans prendre en compte les réalités des populations, ces mesures vont, comme par le passé, faire des malheureux. Une situation dont se serait bien passée les autorités qui se cachent derrière la multiplication des cas actifs de coronavirus pour fuir leur devoir d’investir dans un secteur sanitaire un poil ectoplasmique : pas de scanner, encore moins de matériels. Pas plus de sites devant accueillir les malades qu’il n’y a d’hôpitaux. Jamais gouvernement n’a à ce point brillé par son impéritie.
Parce que les cas actifs quant à la contamination n’ont de cesse de flamber, les autorités togolaises ont édicté, le 9 septembre dernier, de nouvelles mesures restrictives censées endiguer le coronavirus. Plus de 4790 cas actifs, 203 décès le week-end et près de 20 morts recensés rien que dans la première semaine de septembre. Bilan assez alarmant pour décider le conseil scientifique et les dirigeants à en venir à ce qui planait depuis un temps sur la tête des Togolais. À compter du 10 septembre 2021, sont suspendues toutes manifestations culturelles, sportives et politiques pour une durée d’un mois, comme sont suspendues toutes les célébrations de mariages civils, religieux et traditionnels, pour une durée d’un mois. Les lieux de culte, grands bars, discothèques et autres boîtes de nuit sont également fermés pour la même durée. Pour ce qui est des cérémonies d’enterrement, le nombre est limité à seulement 15 personnes au maximum, et encore sur autorisation du préfet. Les administrations sont par ailleurs invitées à privilégier les réunions virtuelles, le cas échéant, assujettir l’accès à la présentation d’une preuve de vaccination. Les citoyens auront à présenter une preuve de vaccination pour avoir accès aux bâtiments administratifs.
Entre cacophonie et ridicule
Les mesures susmentionnées, aussi brutalement édictées soient-elles, donnent à penser que l’Etat veut traiter la crise sanitaire avec une fermeté digne des Spartiates. A ce titre, tous les Togolais, toutes les structures, les religions, quelles qu’elles soient, ne peuvent que faire allégeance à l’arrêt. Mais aussitôt mises en place, les fameuses mesures ont été sujettes à des incohérences qui discréditent d’office la faisabilité de la chose. Si les mesures sont entrées en vigueur le 10 septembre, la conférence des évêques du Togo a fait savoir dans un communiqué daté du 10 septembre dernier que le gouvernement « a accueilli favorablement le souhait des Évêques, que l’entrée en vigueur des mesures de fermeture des lieux de culte soit effective, à partir du vendredi 17 septembre 2021 ». Soit. Mais en donnant une semaine de propagation pour se préparer, le virus en sera pour autant arrêté dans ses manifestations ? Après la conférence des évêques du Togo, ce sera le tour de quelle confession religieuse ? A ce compte-là, l’Eglise protestante voudra à son tour s’accorder une semaine de préparation, comme l’Eglise pentecôtiste, tout ce que l’on veut. Quid des musulmans, des animistes ? On se croirait à la cour du roi Pétaud.
Certaines églises ont obtenu du même gouvernement togolais des dérogations spéciales qui leur a permis d’officier jusqu’aujourd’hui lundi. Au nom de quoi certaines structures religieuses doivent bénéficier de cette exonération teintée de favoritisme aux dépens des autres? En agissant de la sorte, les autorités elles-mêmes ne se prennent pas au sérieux, et beaucoup vont être tentés de passer outre les interdits.
L’autre action gouvernementale qui sent son ridicule, c’est la fermeture des bars. Une fois de plus, les tenanciers de bars qui ont le malheur d’exercer l’état qui est le leur vont devoir trinquer. C’est à se demander si les bars, et eux seuls, sont les endroits où se propagent la maladie. A se demander si ceux qui nous dirigent ne peuvent imposer leur diktat sans voir les choses par le petit bout de la lorgnette. Car la question des bars mérite de mûres réflexions avant toute action. C’est se tromper lourdement que de croire que les bars constituent les laboratoires mêmes de la maladie à coronavirus. C’est insulter à la personne des tenanciers qui ont déjà montré par le passé qu’ils sont capables de discipline, eux qui ont pour la plupart placé des dispositifs de lavages de main à l’entrée de leurs entreprises, tout en veillant aux autres mesures barrières. Il est vrai qu’avec le temps, beaucoup ont baissé la garde, mais au lieu de fermer littéralement ces lieux qui constituent leurs sources de revenus en participant du même coup de l’économie du pays, l’Etat aurait pu conditionner leur fréquentation à la présentation d’une carte de vaccination. Mais fermer sur un coup de tête au motif que le coronavirus sévit, la ficelle est un peu grosse.
L’Etat face à ses propres turpitudes
Ceux-là mêmes qui font la pluie et le beau temps par les temps qui courent, ont été les instruments de l’intenable situation où le pays se trouve plongé. Les dirigeants auront péché par défaut d’anticipation et de réalisme.
Défaut d’anticipation, pour la simple raison que le conseil scientifique n’a pas été assez perspicace pour suggérer au gouvernement de mettre le site de Togo 2000 à la disposition de potentiels malades. Le CHR Lomé Commune débordé, on conduit les patients dans le seul grand hôpital mais aussi le plus mal loti du pays, le Centre Hospitalier Universitaire Sylvanus Olympio. On pouffe de pitié à la seule pensée de voir des malades placés dans un hôpital qui souffre d’un manque proverbial d’infrastructures. Les autorités ne peuvent pas être plus méprisantes. Avec cette gestion chaotique d’une crise humanitaire, on ne peut que conclure que le Togo ne dispose pas de réels dirigeants à sa tête. Que des gens guidés par l’intérêt, le calcul.
Défaut de réalisme : plus d’un an après la survenue du virus en terre togolaise, Faure et sa clique continuent de chercher la formule devant mettre à la disposition de pauvres populations le moindre scanner. L’exécutif dont répond Victoire Dogbé a tellement bien gouverné, qu’il en a oublié l’aspect sanitaire de ceux qu’ils disent gouverner.
Sodoli Koudoagbo
Source : Le Correcteur / lecorrecteur.info
Source : 27Avril.com