Togo, Mauvais traitements infligés à un paraplégique : De nombreuses plaintes au Procureur de la République demeurées sans suite

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Togo, Mauvais traitements infligés à un paraplégique : De nombreuses plaintes au Procureur de la République demeurées sans suite

Est-il possible qu’un Procureur de la République fasse de la rétention d’information et refuse obstinément de donner suite à des plaintes portant sur une même affaire ? Après nos recoupements, il est apparu qu’Essolissam Poyodi, Procureur de la République près le Tribunal de Première instance de Lomé, a délibérément choisi de ne pas donner suite aux multiples plaintes pour mauvais traitements sur la personne d’Amegee Joseph, tombé de l’étage de la maison familiale et qui est devenu paraplégique depuis 2009. Sa mère et sa petite sœur seraient les artisanes des mauvais traitements, tout comme ce fut le cas sur leur père. Pour quel but le Procureur de la République prend-il parti ?

« Nous aimerions avoir votre avis sur des informations que nous avons reçues au sujet de Joseph », avons-nous demandé à la personne qui a décroché. « Humm, l’affaire-là est à la justice, aujourd’hui c’est le week-end, mais je vais y penser, merci à vous », nous a-t-elle répondu.

Quand nous avons contacté un membre de la Commission Justice et Paix (CJP) dont le siège est dans l’enceinte du Séminaire de Tokoin et qui travaille dans le social, celui-ci s’est contenté de nous dire qu’eux aussi ont essayé de ramener la dame à la raison, mais elle et sa fille ne voulaient rien entendre.

La Fédération togolaise des associations de personnes handicapées (FETAPH) s’était elle aussi impliquée dans ce dossier à travers une plainte en date du 15 septembre 2016 auprès du Procureur de la République et dans laquelle les négligences dont le jeune Amegee Joseph était l’objet. Seulement, malgré l’état tétraplégique du sujet, le parquet, à travers Essolissam Poyodi, n’a rien entrepris comme démarche à ce jour. Et pourtant, c’est en association avec le Directeur des handicapés, dépêché sur instruction du ministère des Droits de l’Homme, et avec présence d’un huissier en la personne de Me Olivier Koffi Banassa, que les constats avaient été établis. Et ce n’est pas fini.

Une autre plainte avait été adressée au ministre de la Santé et de la Protection Sociale le 23 juillet 2016 pour « dénonciation de la maltraitance dont fait l’objet Amegee Komi Joseph Denis ». Pourquoi autant de plaintes sans suite du parquet de Lomé ? Quel intérêt le Procureur de la République a-t-il à prolonger les affres d’un jeune homme dont le malheur est d’être tombé de l’étage de leur maison et de s’être retrouvé depuis 2009 dans un état d’infirmité patent ? Si, comme l’a affirmé dame Amegee Siratou ou sa fille que nous avons eue au téléphone, « l’affaire est à la justice », un juge d’instruction doit être saisi pour instruire. A moins que le dossier soit une affaire personnelle du procureur de la République qui tienne à ce qu’il dorme sur sa table.

En effet, Amegee Joseph, fils du Dr Amegee Victor admis à la retraite, est, selon la description de la FETAPH, victime d’une paraplégie causée par une chute depuis le balcon de l’étage de leur maison ; il vit actuellement avec sa mère et l’une de ses sœurs, la nommée Amegee Akofa dans la maison familiale sise à Lomé Hédzranawoé. Des informations reçues par la FETAPH de la part de deux de ses frères aînés…, il ressort que leur jeune frère Amegee Komi Joseph est dans un état d’amaigrissement poussé et présente plusieurs escarres sur le corps dus à un défaut de soins adéquats de la part de leur maman et de leur sœur. Pire, depuis mai 2015, un lit médicalisé, un fauteuil roulant et d’autres matériels de soins sont demeurés inutilisés et emballés dans leurs cartons, témoin d’un manque de considération et d’attention de la part de la sœur et de la mère à l’égard du malade. Le jeune homme est toujours maintenu enfermé, sans aucun droit de visite de la part des membres de la famille, a dénoncé la FETAPH dans la plainte.

Quel intérêt Essolissam tire-t-il de l’état du jeune paraplégique ?

Les années altèrent les sens du jugement des magistrats, nous renseigne un juge. Surtout lorsque les magistrats durent trop à leur poste. Essolissam Poyodi serait dans sa 24èmeannée toujours au niveau des tribunaux. Pire, il est arrivé au Tribunal de Première Instance de Lomé en 2012. Après quatre ans, on n’est plus bon, on se familiarise avec les justiciables et on tisse des relations autres que professionnelles, raison pour laquelle les affectations sont opérées après cette durée. Mais on ne comprend pas pourquoi il est rivé à ce poste ; mieux, pourquoi depuis 24 ans, on ne pense pas à le faire avancer vers la Cour d’Appel », se désole un magistrat qui connaît un peu les dossiers « statiques » d’Essolissam Poyodi, Procureur de la République.

Sans être exhaustif, il nous souvient qu’une affaire de vente de biscuits avait opposé une proche du Procureur à une notaire dont elle a abusé de la confiance. Essolissam avait délivré un soit-transmis contre la dame avant de se rendre compte qu’elle lui était proche. Dans une gymnastique dont lui seul connaît le secret, la plaignante était devenue fautive, et l’affaire classée sans suite. Et d’autres dossiers encore sur lesquels on reviendra avec moult détails au moment opportun.

Devenir paraplégique est un accident de parcours qui peut subvenir à n’importe qui, même aux magistrats. Mais est-ce une raison suffisante pour que le parquet de Lomé fasse montre de tant d’insouciance envers Amegee Komi Joseph? Si autant de plaintes ont pu être portées sans que le juge du parquet, en l’occurrence Essolissam Poyodi ne veuille donner de suite, c’est à se demander si la justice qu’on dit rendre au nom du peuple est la même, ou si c’est selon l’humeur des magistrats.

Dame Amegee s’est déjà vu juridiquement retirer la curatelle qu’elle s’était octroyée sur la personne de son mari, Dr Amegee qui était aussi devenu malade et manquait de soins. Si cette personne a manqué à ses devoirs envers son mari, rien ne garantit qu’elle sera sans reproche avec son fils, Joseph. Une décision de justice permettrait à ses frères de lui changer l’environnement de soins. Mais pour cela, le ministre de la Justice Pius Agbétomey et surtout le Conseil supérieur de la magistrature devront hausser le ton et faire ce qu’il faut. Joseph Amegee ne demande que plus de considération pour sa personne.

Abbé Faria

Source : Liberté No.2871 du Lundi 04 Mars 2019

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