Togo: Mango ou le visage d’une ville coloniale oubliée…

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ville de mango nord togo

Centre colonial florissant et terre des hommes influents au sein du premier gouvernement de l’indépendance, Mango est plongée dans l’oubli durant les 57 ans de règne des Gnassingbé. Malgré son riche passé, cette ville du nord du Togo, qui fut un acteur important dans l’histoire politique du pays, peine à retrouver sa place dans le Togo contemporain.

Dans le quartier Djabou, une rue poussiéreuse s’étend sous le soleil implacable, animée par les cris des gamins jouant au football. Leurs pieds nus soulèvent des nuages de poussière rouge. À quelques mètres de là, le tableau change : trois autres gamins un peu plus âgés peinent à déverser des sacs d’ordures d’une charrette sur une décharge sauvage.

Cette même rue, qui borde cette scène désolante, mène au cimetière allemand. Loin d’être un site touristique ou un lieu de recueillement, le cimetière semble, comme la ville tout entière, victime de l’indifférence. L’endroit, qui a reçu son dernier coup de pinceau en novembre 2012, se perd dans une touffe d’herbes, tout comme la plaque signalétique.

Symbole de l’indifférence

De Djabou en passant par Fomboro et Sangbanale, le visage de la vieille ville reste le même: des rues usées par le temps, enveloppées d’une fine couche de poussière ocre et étouffante. Ces artères sont plongées dans l’obscurité dès la tombée du jour. Elles sont pour la plupart jonchées d’ordures qui s’accumulent sans fin et de flaques d’eau stagnantes issues des lessives et autres usages ménagers.

La Nationale numéro 1, qui traverse la ville, est la seule voie bitumée, la plus ancienne de la région.

Dans cette ville, l’eau potable est une denrée rare. Les populations, qui ont souvent les pieds dans l’eau en saison des pluies, souffrent fréquemment du stress hydrique, surtout pendant la saison sèche.

« C’est un phénomène récurrent dans presque toute la ville pendant la saison sèche. Même pendant la saison pluvieuse, dans certains quartiers comme la Douane, il n’est pas inhabituel pour les habitants de passer plusieurs jours sans humer l’air de l’eau du robinet », déclare un habitant de la ville.

Hôpital de Mango

En septembre dernier, une coupure d’eau de plusieurs jours avait semé la désolation à l’hôpital de la ville, qui baigne déjà dans l’insalubrité.

Perdu dans une touffe d’herbes, cet établissement surprend le visiteur qui y arrive. Des tas d’ordures sur des dépotoirs improvisés, des eaux stagnantes dans une sorte de caniveau en chantier à l’entrée du bâtiment principal qui s’adosse à un champ de maïs.

Autour du bâtiment de la pédiatrie, du linge séché sur de vieux lits entassés pose l’un des véritables handicaps des centres de santé au Togo: l’absence de village des accompagnants. « Parfois, nous sommes obligés de nous soulager dans les herbes pendant la nuit, car en cas de coupure d’eau, les toilettes sont inutilisables », regrette une accompagnante de malade.

Le visage de l’hôpital de Mango reflète moins celui d’une ville dont deux de ses fils ont dirigé le ministère de la Santé. « La seule fois que le professeur Mijiyawa a mis les pieds à l’hôpital de Mango pendant les neuf années où il fut ministre de la santé, c’était pour chercher un kinésithérapeute pour un membre de sa famille malade », déplore une source.

Marché abandonné par les marchands

Le manque d’infrastructures n’épargne aucun secteur, démontrant l’abandon total de la cité de Nambièma Bonsafo. Comme dans la majorité des cas, le nouveau marché, construit il y a quelques années, semble ne pas être du goût des commerçantes. La plupart ne l’ont pas regagné.

Même les jours de marché, les marchands se comptent sur le bout des doigts; le reste des places est occupé par les animaux. L’ouvrage, qui d’ailleurs n’avait pas été achevé, est en état de délabrement avancé: les herbes ont envahi une grande partie, les portes et fenêtres des magasins ont disparu, toitures décoiffées, dalles qui coulent…

Manque total d’infrastrutures adéquates

Pénurie d’eau potable, absence de routes bitumées et d’infrastructures d’assainissement, des cases délabrées aux murs fissurés et leurs toits de tôle rouillée témoignent d’une misère omniprésente. Ces habitations croulantes et une jeunesse désœuvrée sont le reflet d’un peuple Anoufoh qui, après avoir résisté aux affres de la colonisation, doit désormais affronter l’indifférence.

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Après les douloureuses répressions des années 1980 sous le Colonel Yoma Djouah et 2015 sous le Commandant Awaté Hodabalo, liées à la protection et à la réinstauration de la faune, les populations de Mango semblent aujourd’hui livrées à elles-mêmes, luttant silencieusement contre l’oubli dans une ville qui symbolise l’abandon.

Éducation : A l’EPP Douane de Mango, la pluie s’occupe de l’emploi du temps des élèves et enseignants

C’est une réalité tout aussi surprenante que choquante à Mango. Depuis avril 2024, les activités pédagogiques se déroulent au gré des humeurs de dame nature. Désormais, c’est elle qui dicte les jours et les heures où il faut aller en cours à l’école primaire publique de Mango Douane. Suite à un orage violent survenu en avril dernier, les toits des deux bâtiments scolaires ont été emportés, laissant les élèves à la merci des intempéries.

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Zékya et sa petite sœur arrivent à peine à l’école qu’elles doivent rebrousser chemin en courant. En cette matinée du lundi 14 octobre 2024, le ciel menace. Le directeur d’école a demandé aux élèves de rentrer à la maison.

Selon des parents d’élèves rencontrés dans le quartier de la Douane, cette situation est habituelle depuis le début du troisième trimestre de l’année scolaire 2023-2024.

En effet, dans la nuit du 4 au 5 avril 2024, un vent violent accompagné de pluie s’est abattu sur la ville de Mango. L’orage a décoiffé les deux bâtiments scolaires de l’école et fait écrouler un troisième bâtiment en banco. Depuis, la situation est restée inchangée.

Des gymnastiques pour sauver les meubles

Selon des témoignages recueillis sur place, les directeurs des deux groupes ont procédé au jumelage des classes, rassemblant les élèves dans les salles partiellement décoiffées. La maternelle s’est retrouvée dans le bureau de la directrice du primaire. Les deux classes de CP1 reçoivent les cours sous les arbres. Chaque classe compte désormais deux enseignants.

« Les enseignants font les cours de façon rotative chaque semaine », témoigne une écolière. L’école, qui est un centre d’examen, n’a pas pu accueillir les épreuves.

Des sources indiquent que face à cette situation, les parents d’élèves, à bout de souffle, avaient entrepris d’aller rencontrer le préfet. Mais une fois sur place, ils ont été reçus par son secrétaire général, qui leur a demandé de rentrer, le préfet étant absent.

Informé, le Directeur régional de l’éducation des Savanes s’était rendu sur les lieux courant mai 2024 pour s’enquérir de la situation. Il aurait alors instruit les directeurs de libérer les élèves à chaque fois que la pluie s’annoncerait. Ainsi, depuis ce jour, le ciel impose son tableau de service aux élèves et aux enseignants.

Un désespoir palpable

Interrogés sur les initiatives prises pour apporter une solution, les parents affirment être dos au mur. « Nous avons fait des cotisations pour construire trois salles de classe en banco, et c’est ce bâtiment qui est à terre comme vous le voyez. La réparation des deux bâtiments, selon nos estimations, avoisine les douze millions de francs CFA, ce coût dépasse nos capacités », explique un parent d’élève.

En attendant la réaction du gouvernement, qui tarde à venir, les enseignants continuent de faire ce qu’ils peuvent, dans la douleur et le silence.

On apprend qu’il leur a été formellement interdit de s’exprimer sur cette situation et, surtout, de veiller à ce que, même de loin, personne ne puisse prendre des images des bâtiments décoiffés ou des élèves recevant les cours sous les arbres.

Source: lalternative.info

Source : 27Avril.com