Le quinquennat 2015-2020 qui est baptisé au Togo « mandat social » est en branle depuis plusieurs mois. Alors que l’on s’achemine vers le mi-mandat, les Togolais semblent végéter dans une situation de torpeur générale comparativement aux espoirs qu’on leur fait miroiter en 2015.
Sans être alarmiste, il convient tout de même de relever que les indicateurs sont au rouge en ce qui concerne la volonté du régime de Faure Gnassingbé à voir les Togolais mener une vie heureuse et épanouie, les priorités étant ailleurs. La situation dans laquelle se trouve l’éducation togolaise en est une illustration.
La décadence du système éducatif togolais et la responsabilité du régime de Faure Gnassingbé
L’éducation est le socle de tout développement et il n’y a de richesse que d’hommes. Les réalités actuelles du Togo permettent cependant d’affirmer que les gouvernants ne voient pas les choses de la même façon. En 2008, le payement des frais de scolarité au préscolaire et au primaire a été supprimé par un décret de Faure Gnassingbé. Dès lors, les écoles primaires ont régulièrement eu de lourdes difficultés à fonctionner normalement. Les maigres subventions accordées par l’Etat ne sont que partiellement versées et ceci, tardivement, dans le mois d’avril pour une année scolaire qui finit habituellement en juin. Les chefs d’établissement étant donc contraints de faire fonctionner des institutions publiques à crédit se désengagent passivement quand ils ne peuvent plus tenir le coup.
Si dans une certaine mesure des concours de recrutement d’instituteurs sont lancés pour combler le vide créé par les départs à la retraite, le sort des établissements nouvellement créés à cause de la croissance démographique n’est aucunement enviable. Des écoles d’initiatives locales (EDIL) sont donc obligées de voir le jour et la qualification des enseignants qui y exercent pose un véritable de compétence. Au secondaire, la majorité des enseignants sont recrutés par les associations des parents d’élèves. Ce n’est que tout récemment que des volontaires de l’Agence Nationale du Volontariat au Togo (ANVT) a commencé par déployer aussi des enseignants qui exercent dans les collèges et lycées dans conditions déplorables. On ne peut non plus passer sous silence la vétusté des programmes scolaires et l’inadéquation entre la formation et les éventuels débouchés qui peut se présenter.
A cette situation s’ajoutent les revendications des syndicats d’enseignants. Depuis 1975, la réforme de l’enseignement prévoit certains avantages liés à l’exercice de la fonction enseignante. Ces mesures n’ont jamais été mises en application par les gouvernements successifs, en dépit des discours qui se tiennent régulièrement en faveur de la promotion de l’éducation. A cette situation, s’est ajoutée celle de la catégorisation des enseignants en auxiliaires ou fonctionnaire depuis les projets PAGED et PEF dans les années 1990. Les enseignants ont ainsi subi des traitements indignes des éducateurs qu’ils sont et les formes de contestation ont été soumises à des châtiments sauvages.
Le sectarisme dans la prise en compte des besoins éducatifs
Le dimanche 20 octobre 2016 à Sokodé, le colonel Ouro-Koura Agadazi, ministre de l’Agriculture, de l’Elevage et de Hydraulique a remis un chèque de 4,5 millions de FCFA au Directeur Régional de l’Education de la région centrale Komi Agborou. Selon le membre du gouvernement, ce chèque qui représente la totalité des frais d’inscription des élèves des classes de Troisième de la préfecture de Tchaoudjo est un don de Faure Gnassingbé. Cette mesure qui n’est rien d’autre qu’une forme d’achat de conscience contraste bizarrement avec les vrais besoins sociaux auxquels le gouvernement devrait impérativement faire face. Pour preuve, des milliers de futurs candidats à l’examen du baccalauréat n’ont pu s’inscrire dans les délais, faute de moyens. Et l’on a assisté cette semaine à une prolongation spéciale du délai butoir du ministère de tutelle pour permettre aux retardataires de pouvoir s’inscrire.
Les parents d’élèves de Tchaoudjo n’ont pas fait la demande d’une quelconque aide financière de Faure Gnassingbé. A contrario, des cas sociaux existent dans tous les coins et recoins du Togo et méritent d’être pris en compte. Malheureusement, on en a donné à ceux qui en ont déjà et qui n’ont pas demandé, abandonnant ceux qui sont vraiment dans le besoin. Il en est de même en ce qui concerne les infrastructures scolaires. Des bâtiments sont construits dans des zones presque inhabitées alors que les lieux à forte densité humaine en ont besoin. Des établissements scolaires à Lomé et sa banlieue avec des effectifs pléthoriques manquent de salles de classe. La gestion des ressources humaine aussi est faite de la sorte. Plus il y a d’élèves en un lieu, moins il y a d’enseignants.
Une gestion des revendications sur fond de menaces et d’intimidations.
Être enseignant au Togo, loin d’être un sacerdoce et un choix de noblesse, c’est beaucoup plus par nécessité et par désir de survie. La condition enseignante n’est aucunement enviable et aucun parent d’élève n’a jamais émis le vœu de voir sa progéniture embrasser cette carrière. Ce constat est plus que révélateur de la misère et de la précarité qui caractérisent cette profession au Togo. Si pendant les heures de gloire de feu Eyadema, l’on a estimé que personne n’osait approcher le Timonier pour lui faire des propositions, qu’est ce qui justifie le fait que 12 ans après sa mort, les nouveaux commandants de bord rechignent à redorer le blason de l’éducation togolaise ? Ils sont nombreux à se succéder au ministère des enseignements primaire et secondaire : Yves Madow Nagou, Laré Sambiani, Bernadette Legzim-Balouki, Solitoki Esso, Florent Maganawé, Komi Tchakpélé.
En 12 ans sous Faure Gnassingbé, aucun d’entre eux n’a été capable d’asseoir les bases d’une sérénité dans l’exercice de la fonction enseignante. Au contraire, le dilatoire, la diversion, la fuite en avant sont la caractéristique principale avec laquelle les problèmes des enseignants sont gérés. Les cadres de discussion n’ont que pour seul but d’endormir et d’étouffer la grogne. A cela vient s’ajouter naturellement les menaces et intimidations : affectations punitives, demandes d’explication infondées et vides, précomptes sur salaires disproportionnés, agressions verbales brutes, interdictions de réunions syndicales… tels sont les réponses qu’apporte le gouvernement face à la demande des enseignants. Et pour ce faire, les préfets, directeurs régionaux, inspecteurs, censeurs, chefs d’établissement sont mis à contribution, au nom d’une prétendue administration qui n’aurait pas le droit de débrayer.
Il est aussi inquiétant de constater que certaines personnalités souffrant d’insuffisances dans le domaine de l’éducation s’immiscent maladroitement dans cette situation au point de provoquer l’implosion. C’est le cas du ministre Ouro-Koura Agadazi qui auraient demandé aux parents d’élèves lors d’une visite dans la plaine de Mo de se soulever contre les enseignants grévistes. Quel crédit peut-on alors accorder aux propos conciliateurs de certaines autorités ?
S’achemine t-on vers l’impasse ?
Nul ne saurait le dire. La seule certitude est que les solutions à l’ensemble des problèmes du secteur éducatif se trouvent dans le camp du gouvernement. Et seule une volonté politique peut sauver l’éducation au Togo, surtout que les parents d’élèves végètent eux-mêmes dans une hibernation sans pareil, incapables de se rendre compte que l’avenir de leurs enfants est en train d’être sacrifié par le pouvoir en place. Le huitième mouvement de grève de l’année scolaire 2016-2017 est prévu pour la semaine prochaine. Quatre jours de débrayage pour réclamer de meilleures conditions de vie et de travail. Jusqu’où ira-t-on dans ce pays où des richesses colossales de la nation sont injectées dans les parties de plaisir d’une minorité opulente ?
Source : Le Correcteur No.743 du 26/01/2017
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