Gouverner, c’est prévoir, dit-on. Les transferts monétaires et la contractualisation qui étaient des mesures pré-PND se sont invités dans le débat, l’objectif étant de faire croire que tout concourt à faire du Plan national de développement une réussite. Mais quand on se penche d’une part sur le nombre de pauvres recensés dans certains cantons et les résultats attendus de la contractualisation dans les centres de soins, et d’autre part sur la situation des indigents dans ces centres de soins, on se pose des questions sur le socle même de la lutte contre la pauvreté au Togo.
Le 23 avril dernier, le lancement officiel des transferts monétaires a eu lieu. Selon le confrère L’Union Pour la Patrie, « A partir de ce lancement, 61.000 ménages, issus de 685 villages des 209 cantons les plus pauvres du Togo, percevront tous les trois mois, et ce, durant deux ans, la somme de 15.000 FCFA pour leurs besoins d’alimentation, de santé, de scolarisation des enfants, et pour la constitution de petites épargnes en vue du démarrage d’activités génératrices de revenus. Soit 165 FCFA par jour ». Dans ce sens, la ministre du Développement à la Base, Victoire Marie-Noëlle Sidémého Djidudu Tomégah-Dogbé a estimé que cette initiative permettra de renforcer leur capacité à faire face aux chocs et de subvenir à leurs besoins en santé, éducation, nutrition. On apprend que la sélection de ces ménages a été faite de façon participative, sur la base d’une enquête rigoureuse menée par l’Institut national de la statistique et des études économiques et démographiques (INSEED).
Dans un autre registre, le phénomène de la contractualisation des centres de soins devient de plus en plus la norme au Togo. A en croire le ministre de la Santé, la politique de renforcement du secteur de la santé et de la protection sociale repose sur trois piliers : mise en place d’un système de base de santé robuste et résilient, construction d’hôpitaux de référence et extension de la couverture maladie.
Lors de la présentation des résultats de cette approche contractuelle, les centres de soins CHU-SO, CHR Dapaong, CHU Kara, CHR Sokodé, CHP Blitta et CMS Siou ont fait l’objet d’évaluations au bout desquelles tous les résultats concourent à louer la nouvelle approche dite contractuelle. Mais s’il nous avait été donné l’opportunité de placer des interrogations, ce sont les dizaines voire les centaines de milliers d’indigents qui interpellent et dont personne n’a parlé lors de la présentation des résultats de la contractualisation.
En effet, non seulement le Togo considère au moins 51% de sa population comme étant pauvre, mais par rapport aux transferts monétaires, les 61.000 ménages devant en bénéficier se trouvent dans 685 villages seulement. En d’autres termes, il existe beaucoup de familles qui sont dans le besoin au Togo. Mais toutes ces familles sont-elles connues des centres de soins de leurs localités ? Parce que si une famille est identifiée comme bénéficiaire de ce transfert monétaire, il n’y a pas de raison qu’elle ne soit pas identifiée comme devant faire partie des indigents dans le centre de santé de sa localité. Afin qu’en se présentant à l’hôpital, les subventions allouées par l’Etat pour le service des indigents aillent effectivement aux indigents.
Les sociétés de contractualisation ont-elles pu réaliser par exemple que les services des indigents doivent être plus transparents s’ils sont bien gérés ? Car il n’en a pas toujours été ainsi. Il nous a été rapporté qu’à Atakpamé par exemple, en fin d’exercice et pour qu’ils ne soient pas obligés de reverser à l’Etat la dotation budgétaire consacrée aux indigents, des responsables reprenaient des bons et sillonnaient les différents services pour les remplir aux noms d’indigents INEXISTANTS. En d’autres termes, la dotation allouée aux indigents atterrissait dans des poches indues. Sans parler de ces familles déjà nanties, mais qui, au nom de la rapacité et de la boulimie, se présentent comme étant indigentes.
L’autre aspect du problème est que les familles nécessiteuses vivent dans des zones où l’Etat affecte des dotations insignifiantes alors que dans les agglomérations, ces dotations sont conséquentes. Conclusion, le phénomène constaté à Atakpamé se passe ailleurs également.
Transferts monétaires sur une base saine, d’accord, mais si ces mêmes familles ne peuvent pas être identifiées dans les centres de soins pour bénéficier de la réduction conséquente des frais de soins, en définitive, l’Etat reprendrait vite de la main droite ce qu’elle donnerait de la gauche.
Si on s’est attardé sur cette problématique, c’est tout simplement parce que la maladie ne connait point de condition sociale avant d’élire domicile chez telle ou telle famille ; et si la lutte contre les inégalités devrait effectivement avoir de sens, il urge que le pauvre soit réellement identifié et vraiment suivi pour voir s’il recule en s’enfonçant ou s’il progresse dans le bons sens. La contractualisation devra aussi bénéficier aux plus démunis.
Godson K.
Source : Liberté
27Avril.com