06 août 2020. Une enquête publiée sur la perception et le coût de la corruption au Togo, par l’Institut national de la statistique et des études économiques et démographiques (INSEED), place la classe dirigeante à la tête des acteurs de la corruption. Même si cette enquête n’a fait que lever le voile sur un petit pan du phénomène de la corruption au Togo, il semble qu’elle a créé des insomnies dans certaines hautes sphères du pays. Au point que le président de la Haute autorité de prévention et de lutte contre la corruption et les infractions assimilées (HAPLUCIA), initiateur de l’enquête, a dû présenter publiquement ses excuses.
Les conclusions de l’enquête de l’Inseed avaient fait l’effet d’une bombe. A ce titre, elle a été abondamment relayée par les médias. En effet, selon cet institut chargé de réaliser les différentes études pour les institutions étatiques, la corruption coûte près de 10 milliards de FCFA au Togo chaque année. Cette enquête révèle également que la corruption fait intervenir d’un côté les initiateurs constitués de riches (77,2%), d’hommes puissants tels que les ministres, les préfets ou les magistrats (57,2%), et de l’autre côté, les composantes de la société qui cèdent le plus à la corruption comme les agents de la justice (70%), les financiers et comptables (43,3%).
Ainsi, désormais les togolais peuvent mettre un visage sur les initiateurs de la corruption. « Le présent rapport constitue un outil-diagnostic de la corruption au Togo. Les données illustrent bien que le phénomène n’est pas étranger dans notre pays », avait expliqué Essohana Wiyao, le président de la HAPLUCIA.
Mais deux semaines plus tard, M. Essohana Wiyao a convoqué la presse pour une conférence de presse expresse, pour dit-on resituer le contexte exact et l’objet de l’étude sur la perception et le coût de la corruption au Togo.
La fuite de responsabilité de Essohana Wiyao
Selon le Président de l’organe de lutte contre la corruption au Togo, l’étude n’était aucunement destinée à « épingler certaines personnalités du pays », comme bon nombre de médias l’ont indûment relayé dans leurs colonnes et à travers leurs antennes. «Nous présentons donc toutes nos excuses aux personnalités qui ont été affectées par le mauvais relais médiatique qui a été fait de notre atelier du 6 août au Relais de la Caisse », a-t-il conclu. Mais alors quelle autorité le rapport a-t-il clairement cité pour que M. Wiyao soit obligé de lui presenter des excuses.
Plus étonnant, Essohana Wiyao a tenu à préciser que l’étude n’a porté que sur la petite corruption, à savoir les pots-de-vin versés par les citoyens aux agents publics au cours des 12 derniers mois qui l’ont précédé. «Tous les pays qui ont eu à réaliser une enquête sur la perception et le coût de la corruption se sont aussi limités à l’estimation des pots-de-vin», a-t-il nuancé, soulignant qu’en ce qui concerne la grande corruption, « aucun pays n’a encore pu la capter, en raison de sa complexité ».
A bien comprendre l’ancien doyen des juges d’instruction au tribunal de première instance de Lomé, les pots-de-vin uniquement coûtent près de 10 milliards de FCFA au Togo chaque année. « Quid alors de la grande corruption ? », se demande un observateur avisé.
Dans tous les cas, les excuses du président de la Haplucia, met au gout du jour la peur de responsabilité de cet homme. Un homme sensé prouver sa détermination à faire face aux corrupteurs se revele tremblotant à assumer les conclusions d’une simple étude dont il a justement vanté la pertinence quelques jours plutôt. On comprend alors pourquoi cette institution fait du surplace depuis quatre ans qu’elle a été créée.
D’ailleurs, il nous souvient que le président Wiyao avait déjà fait une sortie similaire, il y a trois ans. «La situation au Togo n’est pas aussi alarmante que ça, du point de vue corruption », avait déclaré Essohana Wiyao en 2017.
Dans un pays comme le Togo où la corruption est érigée en système qui gangrène tous les secteurs de la vie socioéconomique, les propos tendancieux de l’ancien président des tribunaux de Sokodé et Mango ont sans aucun doute enlevé le peu de crédibilité qui restait à son institution.
La messe requiem de la HAPLUCIA
Il n’échappe à aucun esprit que la course au trésor, au gain facile s’est amplifiée ces dernières années au sein de la classe dirigeante togolaise qui se voit désormais au-dessus des lois et surtout de l’appareil judiciaire qui leur est intrinsèquement lié. Bref, c’est à cause de l’impunité qui est au Togo que d’autres pensent que tout leur est permis. Et les différents rapports de Transparency International attestent cette impunité érigée en norme sous le régime de Faure Gnassingbé.
A cet effet, en créant, la Haplucia en 2015, certains togolais ont voulu croire à une réelle volonté de lutter contre ce fléau. Mais grande a été leur déception de constater que cette institution reste totalement apathique devant les faits dénoncés notamment par les médias.
Et au lieu de chercher à lui redonner une certaine crédibilité, son président a plutôt prononcé sa messe de requiem avec ses excuses à des auteurs qui, jusqu’ici, ne sont que de puissants présumés. Désormais, la Haute autorité de prévention et de lutte contre la corruption et les infractions assimilées arpente la même voie que son ancêtre la Commission nationale de lutte contre la corruption et le sabotage économique qui, durant plusieurs années, n’a fait que somnoler pendant que les deniers publics sont pillés. Sa léthargie a fini par l’emporter en 2008, sept ans seulement après sa création. Chose curieuse, Essohana Wiyao a été membre de la Brigade économique et financière auprès de cette commission.
Source : Fraternité
Source : 27Avril.com