Lorsque le 4 décembre 2020, nous avions sollicité une rencontre pour comprendre comment un compte crédit censé être le miroir du compte courant du client peut héberger des opérations louches dont le client n’a pas connaissance, la responsable du service des engagements avait répondu que l’affaire est au tribunal et qu’un expert était désigné à l’effet de vérifier les comptes et surtout départager les parties. Depuis mercredi 17 mars 2021, c’est chose faite. L’Union togolaise de banque (UTB) a été condamnée non seulement à restituer les sommes indûment prélevées sur le compte du client, mais surtout à lui verser des dommages et intérêts. Sous astreinte.
Aux dernières nouvelles, l’UTB a décidé d’interjeter appel. Plutôt que de mettre en demeure ceux qui, au sein de cette structure, ont érigé cette pratique mafieuse en règle de gestion et qui consiste à grever le compte crédit de clients d’opérations à l’insu du client. Ce faisant, le client se fait signifier un jour que, contrairement au solde de son compte courant dont il reçoit régulièrement la situation, il resterait devoir des sommes imaginaires à la banque.
Le 21 avril prochain, on saura si la Cour d’Appel confirmera la condamnation de cette pratique, ou ira dans le sens désiré par la banque. Mais comment en est-on arrivé là ?
Dans la parution du 8 février 2021, nous relevions qu’un client de la banque avait été victime d’arnaque et qu’un compte parallèle avait été créé pour alourdir le débit. Des agents de la banque avaient en effet manipulé à leur guise le compte crédit du client ayant ouvert un compte courant auprès de l’UTB, et gonflé le solde de celui-ci à travers des opérations louches et irrégulières. Un expert-comptable (et usurier à ses heures perdues) a été commis pour auditer le compte, mais celui-ci est passé complètement à côté de la mission à lui assigné. Conclusion, son rapport avait été récusé même par le plaignant, la banque.
Après des reports dus aux dilatoires de la partie plaignante, le tribunal du commerce a tranché. C’était mercredi 17 mars 2021. Et bien que ce soit l’UTB qui ait introduit la plainte, elle a été déboutée et condamnée.
Ainsi, on retient que dans le prononcé du jugement que l’UTB a été sommée de reverser les sommes indûment prélevées et qui s’élèvent à plus de 500 millions FCFA sur le compte du client. Et cette sommation est assortie d’astreinte à raison de 2 millions FCFA par jour de résistance. Pour avoir manqué à ses obligations de bonne foi et de moralité dans sa convention avec la victime, la banque est condamnée à payer des dommages-intérêts en réparation des préjudices économiques et moral dont le client a été victime.
Et comme on pouvait s’y attendre, la banque a immédiatement interjeté appel. Mais cette action suffira-t-elle à effacer les irrégularités dont s’est rendue coupable l’UTB ?
Le client contacté, n’a pas souhaité se prononcer sur l’affaire pour l’instant. Ilse réserve le droit d’organiser une conférence de presse ensemble avec ses partenaires pour prendre à témoin les populations et autres autorités du pays sur les opérations auxquelles des agents de l’UTB se sont adonnés dans son dos. Tout comme ilnous avait demandé en février de « laisser les rats et les souris, ils mourront eux-mêmes de ce qu’ils mangent ».
Pourquoi la banque ferme-t-elle les yeux sur ces pratiques ?
On a beau être une structure étatique, il y a des limites qu’une banque ne doit pas franchir avec les comptes de ses clients. Comme s’adonner à des opérations loin des yeux du client pour plus tard lui opposer des chiffres fantômes sur son compte débiteur.
L’Union Togolaise de Banque n’est pas à son premier scandale. Nous avions relevé en décembre dernier qu’il y avait un cas similaire ayant mis en cause un des agents de la banque. Mais ayant réussi à prétexter une démence lors de l’audience au tribunal, cet agent a simplement été muté au service courrier, toujours au sein de la banque.
Un autre cas encore a été dénoncé toujours en décembre 2020. Confondu, un autre employé avait reconnu « avoir détourné la somme de cent soixante-dix millions cinquante mille huit cent quatre-vingt-deux (170.050.882) francs CFA au préjudice de l’Union togolaise de banque (UTB). En réparation du préjudice causé, il donne sa maison sise à Gblenkomé, non loin de la grande mosquée d’une valeur vénale de 140.950.000 FCFA… ».
On dit souvent jamais deux sans trois. L’UTB serait-elle devenue une « boîte à crabes » dont les « pinces »siphonnent les comptes des clients, en toute impunité ? Pourquoi la Direction générale ne fait pas auditer la gestion des gestionnaires, du service des engagements et le service juridique ?A moins qu’elle ne décide volontairement de fermer les yeux sur certaines pratiques qui y ont cours, pour des raisons qui lui seraient propres.
La Cour d’Appel rassurera-t-elle les investisseurs ?
L’UTB et la BTCI sont deux banques dont les autorités togolaises cherchent des repreneurs pour leur privatisation. Et quand un ou des scandales mettent en cause l’une des deux structures, la meilleure chose à faire, pour donner confiance aux éventuels repreneurs ne serait-elle pas de prouver sa bonne foi en menant des enquêtes plutôt que de vouloir se cacher derrière la justice ?
Pourquoi, pour une affaire dans laquelle il y a péril en la demeure pour le client avec l’hypothèque conventionnelle consentie et dont le nom risque d’être considéré comme douteux au bureau international de crédit (BIC)- la Cour d’Appel doit-elle ranger ce dossier parmi les dossiers ordinaires et ne pas l’extraire, au vu de l’urgence, pour être plaidé dans les plus brefs délais ?
Y aura-t-il des éléments nouveaux que l’UTB a omis de soumettre au premier juge et qui feront inverser la décision du premier juge ? Le compte courant est l’interface entre le client et sa banque ; le compte crédit n’est que le miroir du compte courant. Mais si des irrégularités apparaissent sur le deuxième, on doit se référer au premier pour rectifier le tir. Pas le contraire.
Godson K.
Source : Liberté N° 3352 du 22 mars 2021
Source : 27Avril.com