Togo : L’éclatement de 50 ans de frustration !

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De nombreuses manifestations ont été organisées depuis le 19 août. Les Togolais exigent la démission du président Faure Gnassingbé et la limitation rétroactive du mandat présidentiel pour que personne ne puisse demeurer au pouvoir plus de 10 ans.

Togo : L’éclatement de 50 ans de frustration !

Un demi-siècle. La famille Gnassingbé règne sur le Togo depuis un demi-siècle. Bien des Togolais en ont ras le bol, si bien que les grandes villes du pays sont secouées par d’importantes manifestations depuis près de trois mois. Tour d’horizon avec un défenseur des droits de la personne, sur place.

« C’est l’expression d’une frustration accumulée pendant 50 ans » qui éclate au Togo, estime Raphaël Nyama Kpande-Adzare.

L’avocat, qui est président de la Ligue togolaise des droits de l’homme, constate que le « ras-le-bol » de ses concitoyens à l’égard de la famille Gnassingbé atteint son paroxysme.

Car les manifestations qui ont commencé le 19 août dernier se démarquent de celles des trois dernières décennies par leur ampleur et leur durée.

La coalition de l’opposition a d’ailleurs prévu trois nouvelles journées de mobilisation, à partir d’aujourd’hui, et le gouvernement togolais a jugé bon d’annuler la conférence de la Francophonie qui devait se tenir du 24 au 26 novembre dans la capitale, Lomé.

Les Togolais qui descendent dans la rue exigent la démission du président Faure Gnassingbé et la limitation rétroactive du mandat présidentiel pour que personne ne puisse demeurer au pouvoir plus de 10 ans.

Faure Gnassingbé est déjà à la tête du pays depuis plus de 12 ans, lui qui a succédé à son père en 2005, quand ce dernier a passé l’arme à gauche après 38 ans de règne sans partage.

« Aucun peuple n’aimerait être gouverné par la même famille pendant 50 ans. » – Raphaël Nyama Kpande-Adzare, président de la Ligue togolaise des droits de l’homme

Corruption

Depuis 1967, « une minorité au pouvoir accapare les richesses de tous les Togolais », affirme Me Kpande-Adzare, que ce soit en contrôlant des entreprises ou en jouissant de favoritisme.

Il en résulte un « malaise social profond », puisque « à travail égal, le salaire n’est pas toujours égal » et qu’une grande partie de la population vit et travaille dans des conditions difficiles.

La fin du règne de Gnassingbé Eyadema a par ailleurs été marquée par « une véritable gabegie, une gestion catastrophique [et la] corruption », souligne l’avocat.

Si les arrestations arbitraires et les exécutions extrajudiciaires ont diminué depuis que Faure Gnassingbé a succédé à son père, « le pouvoir [se sert désormais de] la justice pour régler ses comptes », affirme Me Kpande-Adzare, selon qui le système judiciaire togolais n’a aucune indépendance.

Inversement, les amis du régime jouissent d’une totale impunité, déplore-t-il.

Violente répression

Depuis la fin de l’été, le Parti national panafricain semble réussir à canaliser la colère des Togolais, là où les autres partis de l’opposition, très divisés, ont connu des résultats mitigés par le passé, ce qui expliquerait la vigueur de la contestation actuelle.

Au moins 16 personnes ont été tuées, dont deux militaires lynchés par la foule, et quelque 200 autres ont été blessées depuis le début de cette nouvelle vague de manifestations.

La violence de la répression a augmenté d’un cran avec l’arrivée en septembre de miliciens accusés d’être au service du pouvoir.

« Armés de gourdins cloutés et autres armes blanches », ces hommes « ont agi à visage découvert en présence des forces de l’ordre qui n’ont pas bronché », s’indigne Me Kpande-Adzare, qui appelle à l’ouverture d’une enquête internationale pour « établir les responsabilités ».

Sources d’inspiration

La révolte populaire qui a chassé du pouvoir le président du Burkina Faso Blaise Compaoré, en 2014, de même que le Printemps arabe ont été des sources d’inspiration pour les Togolais, estime Raphaël Nyama Kpande-Adzare.

« Les gens sont informés, ils savent ce qui se passe sous d’autres cieux, ils savent comment d’autres peuples revendiquent la liberté », note-t-il.

La différence, poursuit l’avocat, c’est qu’au Burkina Faso, « l’armée a été républicaine, alors qu’au Togo, elle a beaucoup réprimé et aidé le pouvoir à se maintenir en place ».

Raphaël Nyama Kpande-Adzare considère que seul le président Faure Gnassingbé peut apaiser la crise, lui qui a abordé la question pour la première fois il y a une dizaine de jours seulement, devant des militants de son parti.

« Le président doit parler aux Togolais », estime-t-il, ajoutant que l’apaisement doit venir d’abord du régime. « La paix, ce n’est pas un mot, c’est un comportement. »

Cinq Dates Importantes

Janvier 1963

Étienne Eyadema, alors sergent dans l’armée, participe au putsch militaire au cours duquel le président togolais Sylvanus Olympio est assassiné.

Avril 1967

Étienne Eyadema devient président de la République, chef du gouvernement et ministre de la Défense, mettant un terme au gouvernement provisoire en place depuis le putsch.

Février 1974

Étienne Eyadema rend obligatoire l’adoption de prénoms d’origine africaine et change son « prénom importé » pour Gnassingbé, même s’il s’agit en principe d’un nom de famille.

5 Février 2005

Le président Gnassingbé Eyadema meurt d’une crise cardiaque à bord de l’avion présidentiel qui l’amenait se faire soigner en France.

7 Février 2005

Faure Gnassingbé, fils du défunt président, succède à son père après une série de modifications constitutionnelles adoptées à la hâte.

Jean-Thomas Léveillé

Source : La Presse ( Canada)

27Avril.com