Togo : Les vérités de Apédo-Amah sur le pouvoir et l’opposition

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Togo : Les vérités de Apédo-Amah sur le pouvoir et l’opposition

Professeur de Lettres des universités du Togo, dramaturge, ancien Secrétaire général de la Ligue Togolaise des Droits de l’Homme, observateur avisé de la scène politique togolaise, Ayayi Togoata Apédo-Amah ne manque jamais d’occasion pour apporter sa pierre à la renaissance d’un « Togo sous la dynastie des Gnassingbé ». Sans langue de bois, l’homme revient sur la « loi scélérate et antidémocratique » adoptée le 07 août dernier relatif aux manifestations publiques. Il pense que « ces députaillons dépités » de l’« assemblée mouton Rpt » ne méritent aucun respect au même titre que les « soi-disant leaders de l’opposition qui prennent les Togolais pour des cons » alors qu’ils ont trahi le peuple. L’Union de l’opposition et la candidature de Faure Gnassingbé en 2020 sont les autres sujets abordés.

La Manchette : Ayayi Togoata Apédo-Amah, quelle réflexion menez-vous sur la modification de la loi sur les manifestations pacifiques publiques ?

Ayayi Togoata Apédo-Amah: La sauvegarde des conquêtes de la lutte héroïque du peuple togolais est un combat de tous les jours qui invite à la vigilance. En matière des libertés, notre peuple ne doit strictement rien à l’odieuse dictature sanguinaire. Raison pour laquelle celle-ci n’a de cesse de ramener le Togo à l’ère du parti unique infâme. Cette loi scélérate et antidémocratique était anticonstitutionnelle avant et le demeure aujourd’hui. L’ancienne mouture n’était même pas respectée dans les faits. Ce qui veut dire que les modifications opérées par le régime rétrograde constitue une provocation de plus à l’encontre du peuple togolais et des démocrates. Ceux qui s’égosillent pour rien à quémander des réformes, c’est l’occasion pour eux de réfléchir.

La dictature militaro-monarchique ne donnera pas aux forces démocratiques le fouet pour se faire battre. C’est lorsque les démocrates prendront le pouvoir qu’ils feront toutes les réformes et même modifieront la constitution. Si on s’en tient aux modifications stupides des fascistes, il ne reste plus aux forces démocratiques que les champs de maïs autour de Lomé pour défiler. Ce pouvoir en mal d’inspiration voudrait que l’opposition fasse ses défilés et meetings sans autorisation qu’il ne s’y prendrait pas autrement. Nous allons certainement vers un bras de fer.

La modification de la constitution, le 08 mai et la nouvelle loi votée le 07 août 2019 sont jusqu’à présent les deux actes majeurs posés par la nouvelle assemblée nationale issue des élections du 20 décembre 2018. Quelle appréciation faites-vous des députés de la 6e législature ?

Une soi-disant assemblée nationale qui vote des lois scélérates, que faut-il en penser ? A l’évidence, elle n’est pas le reflet d’un régime démocratique. C’est une assemblée mouton Rpt digne de l’époque haïssable du parti unique. Lorsque vous parlez de législature, vous leur faites trop honneur. A ce que je sache, les vrais députés qui méritent ce titre, sont élus au cours d’élections concurrentielles, et non pas nommés. L’ignoble mascarade électorale qui a conduit ces individus au siège du parlement ne les autorise pas à se proclamer députés. Oublions ces députaillons dépités, véritables dés pipés et passons à des choses sérieuses, s’il vous plaît.

L’analyse des faits et gestes du régime, selon une majeure partie des Togolais, s’apparente à des balises posées par le système RPT/UNIR pour la conservation du pouvoir. Partagez-vous ces réflexions ?

Bien entendu ! Il n’y a que notre opposition qui ne semble rien voir et passe son temps à s’étonner et ensuite à tomber la tête la première dans tous les pièges tendus. En réalité, les partis de l’opposition togolaise sont infiltrés de taupes dont la mission est d’accompagner la dictature et le néocolonialisme français au Togo. D’où vient que le régime choisisse délibérément de pratiquer une politique de violation massive et systématique des droits de l’homme ? La terreur pour gagner du temps. Sachant l’hostilité de l’immense majorité des Togolais, le régime opte pour la fuite en avant en attendant le suspens de sa chute inéluctable. C’est une pratique propre aux régimes illégitimes aux abois.

Aujourd’hui, on note une fixation sur le président togolais et son quatrième mandat. Démocrate que vous êtes, tant que la constitution permet à Faure Gnassingbé de faire acte de candidature en 2020, ces voix qui s’élèvent au sein de l’opinion pour exiger son départ, sont-elles justifiées ?

La constitution de 1992 ne permet pas à Faure Gnassingbé de se présenter à une quelconque élection au Togo. Je m’explique : au regard de la constitution, il est un hors-la-loi dès lors qu’il s’est rendu coupable d’un coup d’État, sanglant de surcroît. Il ne pouvait en aucun cas être candidat en 2005 ni plus tard. Je vous renvoie à l’article 150. C’est donc à toutes les présidentielles que l’opposition aurait dû refuser ses candidatures. Vous parlez d’une constitution charcutée par l’auteur d’un putsch et par un défunt tyran. Ces charcutages sont illégaux eu égard aux normes démocratiques. C’est dire que la seule vraie constitution que les Togolais se sont donné par voie référendaire, demeure la seule valable.

Et pourquoi se focaliser sur 2020, alors que nous subissons la tyrannie et la ruine du pays quotidiennement ? Doit-on subir l’intolérable jusqu’en 2020 ? Y aurait-il un moratoire autorisant le dictateur à confisquer le pouvoir usurpé jusqu’en 2020 ? Ne sait-on pas qu’en 2025, il modifiera encore la constitution pour se faire « réélire » à vie comme son père ? Je ne comprends pas. Les Togolais veulent le départ du despote ici et maintenant.

L’autre constat, est que depuis les élections locales, l’opposition semble être dans un coma profond. Selon vous, que doit faire cette opposition pour la réalisation du projet d’alternance en 2020 ?

Son coma profond s’explique, car elle a trahi le peuple. Elle a la queue basse. La machine à fraudes du Rpt/Urine l’a écrabouillée. Elle a la gueule de bois. Elle a supplié le peuple de boycotter les législatives au motif des fraudes et comme par hasard, ces fraudes auraient disparu pour les locales. C’est une terrible trahison. Ces soi-disant leaders prennent les Togolais pour des cons. Et le comble, ces tristes sires osent crier à la fraude ! Quelle indignité ! Quelle bassesse !

Que faire après le gâchis de ces vils traîtres ? Il faut qu’ils aient la dignité de démissionner. Mais, hélas ! cela ne fait pas partie de leur culture politique. Ah, ces présidents à vie ! Il faudra un énorme travail des vraies forces démocratiques pour susciter un autre 19 août 2017.

La dernière question concerne l’Union de l’opposition en 2020. Pensez-vous que cette union est la clé de l’alternance ?

D’abord une précision d’ordre sémantique. Beaucoup de Togolais utilisent à tort le terme alternance. C’est une erreur. En effet, lorsqu’une démocratie doit abolir une dictature, comme c’est le cas au Togo, il s’agit de changement. L’alternance n’a lieu que dans un même régime comme cela s’est fait entre Gnassingbé père et Gnassingbé fils. L’alternance a lieu à travers la succession démocratique des chefs d’État au Bénin voisin.

Vous parlez d’union. Oui, il faut fédérer les forces démocratiques contre les ennemis du peuple. Mais les unions, il faut savoir les faire. Jusqu’à présent, depuis l’époque du COD/FOD, dans les années 1990, ce ne sont que des unions sans principe entre la chèvre et le chou. S’il n’en tenait qu’à moi, au cours de ces dix dernières années, je n’aurais jamais admis certaines crapules dans les unions circonstancielles de l’opposition. La preuve, toutes ces taupes du Rpt sont parties retrouver la bauge des cochons. L’échec répété des unions des partis de l’opposition vient du fait que l’on ne se fait pas confiance. Normale. Comment faire confiance à des espions infiltrés ? A des ennemis du peuple ? Alors pourquoi les recrute-t-on dans les unions ? C’est le signe d’un manque de rigueur et de stratégie. Le choix des alliés est à la base de toute stratégie digne de ce nom.

Ayayi Togoata Apédo-Amah, merci

Réalisé par Xavier AGBEVE

Source : La Manchette No.074 du 14 août 2019

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