Ancien international, ancien sélectionneur national, ex-coach de plusieurs clubs togolais, Kodjovi Mawuena, 62 ans, fait une analyse méticuleuse des problèmes du football togolais. Et fait des propositions pour sortir de l’impasse.
« Chers Collègues Entraineurs,
Je voudrais saluer l’attachement que tous nous montrons ici à notre équipe nationale.
Cela est important et nous devons continuer tous dans ce sens pour aider à sortir définitivement notre sport favori des problèmes qui assaillent notre football, ensemble en appui à la FTF, au ministère et au Gouvernement, à toutes les structures impliquées dans son développement.
Au niveau de comment penser notre football, sur le volet du coach de l’équipe fanion par exemple, le passage de l’avant dernier entraineur est révélateur de beaucoup d’autres maux sous-jacents.
Celui qui est là à présent qui a nourri plein d’espoir est entrain également de perdre la confiance de la population, du monde du football.
Une chose est sûre, les entraineurs expatriés sont des gouffres financiers pour notre pays ou pour nos pays africains alors que dans le même temps la priorité à mon point de vue est le développement du football à la base.
Un entraineur (fût-il très connu) qui vient aujourd’hui pour une élite qui n’est pas encore en place est-il l’idéal ?
Il est très clair pour moi qui suis à la base, éducateur de sport, joueur, capitaine donc associé très tôt à ce qui est une organisation axée vers un résultat positif, ensuite arbitre et entraineur, je crois, comme beaucoup d’acteurs d’entre nous ici, que pour que notre football relève la tête, il faut tout réorganiser, changer de méthode et revenir aux fondamentaux conformes à notre contexte.
Il nous faut faire une projection, autant sur les infrastructures, à multiplier et à améliorer, les structures (des clubs et des équipes nationales) que sur les ressources humaines.
Je ne suis pas contre les entraineurs expatriés, au contraire, j’en ai pratiqué beaucoup et d’excellents.
Ceux qui viennent sont définitivement bons.
Sauf que nous avons notre contexte qui n’est pas facile et il faut l’assainir d’abord, sinon la mayonnaise ne prendra sûrement pas.
Tous les ingrédients sont-ils de bonne qualité ?
La cuisine où doit se faire la mayonnaise est-elle propre.
Par exemple :
Ma vision est pour un championnat
D1 à 12
D2 à 16
D3 à 20
Et chaque club doit avoir, en dehors de L’équipe A,
Les U20
Les U17 et
Une équipe féminine.
La redynamisation du sport de masse en général, football de masse en particulier est fondamentale à savoir :
Sport/Football scolaire
Sport/ Football de quartiers
Sport/Football corporatifs.
Les Centres de foot sont à repenser avec des normes précises.
Il y en a actuellement de bons qui doivent être pris comme repères pour recadrer les centaines d’autres qui si on n’y prend garde vont “tuer” les jeunes.
Nos équipes nationales devront être des exemples de talents, d’éthique et d’engagement patriotique.
Joueurs très talentueux, honnêtes et civiques, prêts à défendre les couleurs du pays et en retour, ces exemples citoyens doivent être respectés et valorisés.
Nous avons toujours eu de très bons joueurs au pays, qui peuvent s’ils sont dans de bons environnements, apporter énormément à notre football.
À notre dernière participation en Coupe de l’UEMOA, les spécialistes du monde du foot qui en avait été témoin étaient admiratifs de nos joueurs.
Combien sont aujourd’hui en équipe fanion, joueurs comme staff ?
Faire venir des joueurs pros est une très belle initiative, étant dans de meilleurs environnements et conditions d’entrainement, de nutrition et de soins. Ce qu’il faut garantir tant soit peu ici.
En plus, au pays, nos joueurs n’ont plus assez de compétition dans les jambes alors que nous savons tous que le physique soutient le mental et la technique et que c’est la compétition qui révèle véritablement le bon joueur éventuel observé à l’entrainement.
Nos pros actuels ont-ils eux tous, de la compétition dans les jambes et sont-ils tous à un bon niveau chez eux pour pouvoir apporter ce plus recherché ?
C’est juste une question que je me pose ne pouvant condamner des gens aussi avertis que ceux qui composent le staff, sans comprendre leur motivation réelle.
Notre équipe nationale a besoin de plus de travail à mon sens. Elle doit être un *PROJET* plus recadré.
Une vision partagée.
Une équipe des meilleurs joueurs togolais dans le monde et capables de travailler en équipe.
Une équipe composée de locaux et de professionnels expatriés.
Ne pouvant regrouper toutes les 2 composantes en même temps, les locaux doivent pouvoir être regroupés pour travailler au moins trois jours par semaine. Les lundi, mardi et mercredi avant de regagner leurs clubs pour jouer les compétitions nationales en cours les jeudi, vendredi et le weekend.
C’est ce qui avait fait la force de toutes les équipes nationales africaines.
Une base au pays
Les pros devant venir en renfort au cours des regroupements officiels.
La cohésion est ainsi créée et s’installe dans la partie de l’équipe restée au pays et les pros avec leur haut niveau physique et technico-tactique intègrent et s’adaptent facilement.
Et les postes étant ainsi doublés voire triplés, l’effort d’être le meilleur est garanti.
Tout cela sous la supervision de l’entraineur de l’équipe fanion, expatrié ou non mais basé au pays.
Il y’a du travail sur place ;
Le Directeur Sportif/Manager, dépositaire de la vision du projet, pilote entre autres, la recherche des nouveaux talents extérieurs et leur suivi.
Les anciens grands joueurs de grandes expériences demeurent des Personnes ressources pour le Suivi-Evaluation, les conseils et pour servir de repères et de source de motivation supplémentaire aux joueurs, en toute harmonie avec le staff.
Ces locaux, aguerris, peuvent devenir eux-mêmes des pros et c’est l’équipe qui continue de s’améliorer.
Ce qui doit pouvoir changer ou être amélioré est le suivi médical et nutritionnel de nos joueurs locaux.
L’équipe nationale doit être un centre de joueurs bien suivis.
Et cela doit se mériter.
En 67, 72, 83/84 et 2005/2006, techniquement, tactiquement, mentalement et patriotiquement, il y avait des combattants au point.
Tout n’était pas parfait en termes d’organisation mais les vestiaires étaient chauffés à blanc de détermination.
Et le public suivait des invincibles qui se considéraient comme tels.
D’où la cohésion et l’harmonie entre eux et avec la population.
Avant, les éliminatoires au niveau continental étaient un coup KO
À présent c’est en style championnat.
Nous devons en profiter pour asseoir notre notoriété.
La réussite de notre football au-delà de la joie qu’elle communique transmettra également cet esprit de gagne à toute la jeunesse.
L’enjeu est donc de taille et dépasse les limites que l’on croie.
Dans tous les cas nous retrouverons notre lustre d’avant et avec un couronnement de sacre continental. Ce qui demeure un manque pour nous.
Il y’a eu des finales jouées, une accession à un 2e tour à la CAN, une participation en Coupe du monde…
Demeurons confiants et surtout travaillons à nous procurer cette confiance et provoquons la chance pour gagner une coupe régionale et continentale.
Un grand objectif.
Mais si le travail de tous et de chacun va vers cet objectif on réussira.
Comme on dit, chacun doit faire sa part.
Et ceci en harmonie avec les autres.
Ceci est un élan du cœur qui peut être peaufiné je le reconnais humblement.
Kodjovi MAWUENA
Educateur Sportif
Entraineur de football »
Source : icilome.com