Le pouvoir appelle les Togolais à se rendre aux urnes jeudi prochain pour élire les députés. D’un autre côté, la coalition de l’opposition qui exige toujours le report du scrutin promet tout faire pour empêcher sa tenue ce jeudi. Face à cette situation et craignant des violences, certains citoyens ont décidé de prendre des dispositions pour parer à toute éventualité.
La crise d’alternance politique qui a commencé au Togo le 19 août 2017, est entrée dans une nouvelle phase depuis la semaine dernière. Face à la volonté du pouvoir incarné par Faure Gnassingbé d’organiser vaille que vaille les élections législatives le 20 décembre prochain, la Coalition des 14 partis de l’opposition qui exige le report de ces élections s’est également montrée déterminée. Contraint au boycott par le régime, Brigitte Adjamagbo-Johnson, Coordinatrice de la coalition et les autres leaders de ce regroupement n’entendent pas voir ces élections « unilatérales », se tenir.
Pour ce faire, la Coalition a concocté un programme de manifestations pour empêcher ces élections. Ainsi, les 6 et 7 décembre derniers a été prévu à Lomé et à l’intérieur du pays, une caravane. Elle sera finalement dispersée à coup de gaz lacrymogènes. Les 8 et 10 décembre se sont tenues, des marches synchronisées à Lomé et sur toute l’étendue du territoire national. « Les élections prévues pour le 20 décembre constituent un grand danger pour le Togo », persistent et signent les leaders de la coalition.
Les prémices des violences -électorales
Comme à son habitude, le régime cinquantenaire de Lomé a voulu étouffer dans l’œuf ces manifestations en déployant des militaires, des gendarmes et des policiers aux quatre coins de la capitale et dans les différentes villes de l’intérieur du pays où devraient se tenir ces manifestations. . « Six (6) morts et des dizaines de blessés ». C’est le bilan que dresse la coalition des 14 partis de l’opposition résultat des répressions extrêmes que le régime a réservé aux manifestations. Alors que le gouvernement évoque, de son côté, quatre morts (deux par balles) dont les auteurs sont activement recherchés, selon le ministre de la Sécurité et de la protection civile qui a par ailleurs laissé entendre qu’une enquête a été ouverte. La coalition tient pour responsable les forces de l’ordre et de sécurité qui ont réprimé les manifestations.
Elle dénonce une « répression barbare des récentes manifestations légitimes des populations togolaises » qui selon elle, a entraîné plusieurs blessés et des morts, dont un enfant tué à bout portant par balle par un commando circulant dans un véhicule pick-up (4×4). « Le bilan du seul samedi 8 décembre est de 17 blessés à Anié dont 8 graves, 26 blessés à Sokodé dont 16 graves et un décès, 31 blessés à Lomé dont 3 décès auxquels s’ajoutent celui du lundi 10 décembre, deux morts et de nombreux blessés », précise une déclaration rendue publique par la coalition.
Cette flambée de violence alimente la psychose qui s’est installée au sein de la population depuis l’annonce de la tenue de ces élections. Elle inquiète les populations qui sont toujours les victimes de ce genre de situation. Et l’intransigeance des protagonistes de cette crise politique n’augure rien de bon au lendemain de ces élections. Face à cette situation qui a l’allure du déjà vu, les populations se préparent à d’éventuels jours difficiles en cette fin d’année.
Les populations se préparent pour le pire
Les violences post-électorales, les togolais en n’ont vécu ces dernières années. Et c’est pour cause que certains citoyens ont décidé de ne pas se laisser surprendre par le cours des évènements. Ainsi, pendant que d’autres s’approvisionnent en produits de première nécessité, d’autres renforcent la sécurité de leurs maisons. « Je dirais que toutes les conditions sont réunies pour qu’on assiste à des violences après ces élections. Alors, pour ne plus vivre une situation similaire à celle de 2005 (ndlr les violences après la proclamation des résultats des élections présidentielles qui donnent la victoire à Faure Gnassingbé), j’ai demandé à ma femme de faire des provisions pour les deux prochaines semaines. Vous savez très bien que pendant ces périodes, les marchés et les boutiques n’ouvrent pas. Donc, on veut être prévoyant », explique Théo, un résidant du quartier Agbalépédo. Dans ce quartier, M. Théo n’est pas le seul à prendre des précautions. Son voisin, un sexagénaire a fait changer les serrures de sa maison. L’homme qui a la santé fragile craint des intrusions des forces de sécurité chez lui comme ce fût déjà le cas en 2005.
Rencontré au grand marché de Lomé lundi dernier, Mme Ayélé transportait deux sacs de courses remplis. A la question de savoir si elle se prépare pour les fêtes de fin d’année, elle répond : « L’heure n’est pas à la fête. La probabilité des violences au lendemain des élections est forte et cela peut durer plusieurs jours. Donc, je m’approvisionne pour ne pas à prendre le risque de sortir de chez moi ».
Au quartier Bè, considéré comme l’un des fiefs de l’opposition, certains habitants comme Mawugan, père d’une famille avec deux enfants se préparent pour envoyer leurs familles au village. «Je suis originaire de Kouvé. Au vue de la situation politique, j’ai demandé à ma femme d’amener les enfants ce mercredi (ndlr : aujourd’hui) au village. Je veux protéger mes enfants », a-t-il confié.
En 2005, les violences post électorales qui ont éclaté au moment des dépouillements ont fait entre 400 et 500 morts. Les événements de ces derniers jours rappellent aux Togolais les prémices de cette période sombre d’où la nécessité pour certains de se préparer pour le pire.
Source : Fraternité No.297 du 19 décembre 2018
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