Togo : Le vice du 4e mandat

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« La question du troisième, quatrième voire cinquième mandat tient lieu de divan : elle nous révèle la part la plus obscure des êtres qui nous gouvernent » (Tierno Monénembo)

Le temps des monarchies est révolu. Nous sommes à l’ère des Républiques et de plus en plus, on assiste à une levée de boucliers sur le continent contre le règne ou la présidence à vie. En ce début de 21ème siècle, il n’est plus dans l’ordre des choses qu’un dirigeant, aussi fort soit-il, collectionne les mandats présidentiels comme des objets d’art.

Bien qu’au Togo, le fils du père se soit fait tailler « un costume sur mesure » par une Assemblée monolithique dont les membres ont été tous nommés, lui traçant ainsi l’autoroute pour la présidence à vie, son quatrième mandat auquel Premier ministres, ministres, cadres d’UNIR, simples militants et courtisans l’appellent avec insistance à faire, est de plus en plus contesté.

Après 38 ans de règne sans partage de son père et les 15 années qu’il est en train de boucler à la tête du Togo, il n’est pas bienséant que Faure Gnassingbé cherche encore à tout prix à s’y accrocher. Cinquante-trois (53) ans de règne d’une seule famille, ça suffit ! La terre de nos aïeux est notre propriété collective et ne saurait rester l’apanage d’un clan, d’une famille qui la considère comme un legs éternel.

Le rapport de la Campagne « Tournons la page » précisait en 2015 que 90% des Togolais n’ont connu que la seule famille Gnassingbé au pouvoir. Oui, on est toujours dans les mêmes histoires de Gnassingbé depuis 1967. Et dans ce pays où l’espérance de vie est de 60,23 ans, selon les données de la Banque Mondiale, il est donc loisible de naître et de mourir en n’ayant connu qu’un seul président : Gnassingbé. Pourtant nous ne sommes pas dans une monarchie.

De fait, les Togolais sont fatigués de cette famille, de cette engeance, de ce régime, de voir les mêmes têtes et les mêmes choses tout le temps comme si la vie s’est arrêtée, comme si le temps a cessé de couler. Si chacun, dans son for intérieur, maugrée silencieusement contre un 4ème mandat de Faure, et partant, le règne sans fin de la famille Gnassingbé, c’est le jeune activiste Folly Satchivi qui a eu le courage de remettre le sujet sur le tapis en organisant ce qu’il appelle « une grève de la faim itinérante » au siège des principales formations politiques du pays aux fins d’appeler à l’union et à la mobilisation de tous contre ce 4ème mandat.

Même s’il y a quelques semaines, la Coalition de l’opposition (C14) avait appelé Faure Gnassingbé à renoncer de lui-même à être candidat en 2020 dans l’intérêt du pays. « Cette décision créerait les conditions pour une réconciliation des Togolais aux lendemains d’élections aux résultats acceptés par tous ; en posant cet acte, l’actuel chef de l’Etat rentrerait dans l’histoire comme celui qui a donné une chance à la démocratie de s’installer au Togo », avaient insisté les premiers responsables.

Le leader du Parti national panafricain (PNP), Tikpi Atchadam, demeure le farouche opposant au quatrième mandat du fils du père. Ce qui vaut tous les ennuis à ses partisans et à son parti.

Quoi qu’on dise, le pouvoir à vie corrompt à vie. Comme le souligne Mamoudou Gazibo, professeur de science politique à l’Université de Montréal, le pouvoir à vie « transforme le système économique en capitalisme de bandits, car les contrats sont rarement respectés, les entreprises sont accaparées par les dirigeants et leurs familles, et la richesse des uns est amassée sur le vol et l’exploitation des faibles ». On retrouve le Togo de Faure Gnassingbé en filigrane.

Médard Ametepe

Liberté

Source : 27Avril.com