« Comme chef de l’Etat, deux choses lui avaient manqué : qu’il fût un chef ; qu’il eût un Etat ». Dans ses Mémoires de guerre, Charles de Gaulle, le grand admirateur de Napoléon Bonaparte, passe en revue l’œuvre de ses prédécesseurs et colle la mention blâme à Albert Lebrun en qui il découvre une nullité légendaire de prestation républicaine qui n’avait ni l’esprit à l’objectif du contrat ni le sens de responsabilité pour se donner les moyens de maîtriser la concorde civile. Ce gouffre politique d’un siècle environ creuse aujourd’hui à l’héritier qui se revendique comme l’exécutant testamentaire d’Eyadéma une sépulture indécente au regard de sa morbidité d’inaction et ses jouissances dionysiennes d’un règne d’usurpation.
D’un opportunisme rageur, il fit irruption au trône avec des secousses sismiques de transgressions spectaculaires, de violences inouïes d’un itinéraire de coup d’État constitutionnel, militaire, électoral, flambés de crimes de masse. Cette ascension vaseuse répand depuis douze ans sur la République des nullités sonores de la gouvernance, des médiocrités saillantes d’éthique politique, des pacotilles de la morale publique, une fontaine de dispersion des ressources nationales dans le désert des ambitions creuses et dans la voracité d’accompagnement des carapaces et des parvenus de la République qui prennent leur part de leur butin criminel.
En si peu de temps, les nouveaux riches qui spolient en cascades les populations les convoient à l’indigence. Dans ce désert de la justice, l’insurrection des consciences se heurte à une barbarie fauve sans que l’héritier professant la paix sous l’empire du crime et un mandat social en dentelles ne s’aperçoive de quelque malaise qui étouffe la république pour se décider d’intervenir, d’anticiper sur l’implosion imminente d’une cité en vrac, livrée aux incertitudes. Le minimum exigible du sens de responsabilité quand le vivre ensemble prend le tourbillon des crimes, des assassinats, des représailles qui résonnent par-delà les frontières de la cité, ce sont les directives audacieuses d’une réorientation de la république sur des bases d’apaisement qui incombent au chef.
La faiblesse qui consiste à se réfugier dans le silence, à penser à un rempart de soutien par achat de consciences pour demeurer dans le Palais des principes corrompus, des actes tronqués et des faussetés saillantes rajoute à la désespérance populaire une colère noire dont personne ne saurait prévoir les implications.
S’adosser aux armes d’une clique pilleuse avec l’illusion de triompher d’un peuple en irritation incandescente est la pire tactique de régence des affaires publiques. Face à la licence de gouvernance s’impose la légitime défense des masses populaires.
Dans la quête acharnée de la liberté de tout un peuple, quel chef peut-il demeurer impassible pour espérer mener le jeu des résultats à son corps défendant ?
Le combat pour la liberté, la justice et l’alternance politique, éclaté dans l’âme d’un peuple, peut-il se soumettre aux manœuvres lassantes d’un mal élu ?
1- Comprendre la fonctionnalité du régime Faure
Ceux qui se sont formés à la politique et ceux qui sont doués d’une grande inspiration à maintenir les balances de la justice égales pour tous sont les plus habiles à s’imposer sur l’échiquier politique. Le socle de la rapine, des coups tordus ne tient jamais dans la tranquillité un règne. Tous les empires se maintiennent comme ils se conquièrent. Leur passé comportent des étincelles dont les vents de colère en font promptement un brasier. Ceux qui abusent des peuples croient triompher d’eux en perdant de vue leurs boulets d’injustice, de crime qui les ankylosent sur leur parcours. Ils se font rattraper par le temps, parce que le jugement dernier est dans l’air du temps ; il est au galop à la tombée de la nuit.
Faure est venu au pouvoir pour accomplir un rêve d’enfant, imiter son père, tenir le gouvernement avec une aisance à la promptitude au crime, au coup de force sans tirer les leçons d’un déclassement honteux de l’autorité de son père, du chagrin qu’il a accumulé de la démystification de son pouvoir par la Conférence Nationale Souveraine et du rejet populaire dont il ne s’est jamais remis jusqu’à sa mort. Le fils du « Timonier » a longtemps cru que le fondement de l’art politique est la force. Cette faiblesse d’esprit lui a fait un abri d’illusion comme son père.
De plus, il n’a pas d’envergure à vite tourner les pages et les pratiques crapuleuses de son géniteur à une époque carrément autre en ses mœurs. La médiocrité massivement reprouvée ne s’imite pas. Le discernement est une subtilité dans le principe de l’évolution. Une fois mis en berne, il se transforme en un éteignoir de la personnalité. La dignité a ses exigences de combat : la guerre contre soi-même, contre nos propres petitesses sans jamais tomber dans des simulacres. Quand on entreprend de construire son propre chemin, il n’y a aucune raison de paraître sincère. Il faut en permanence s’écrire dans des preuves édifiantes, tracer des sillons infaillibles de son engagement, créer l’espérance avec l’audace des mutations intelligentes, répondre aux grandes attentes et enjeux qui rehaussent le vivre-ensemble. La récidive des pitreries politiques et des avortons de célébrités par un règne extraverti qui ne soigne que l’image diplomatique est un parcours maladif de soutien qui a fait péricliter le régime d’Eyadéma et précipité sa mort, quand le peuple souverain du Togo a pris sa responsabilité de faire de lui un homme isolé.
La puissance politique est dans l’exaltation des petits et des masses populaires, dans l’admiration constante des populations qui ont confiance en leur leader et surtout en phase avec ses choix, ses œuvres, son projet. L’atrophie du sens politique accrochée maladroitement aux frontières extérieures est une déconnexion contre laquelle les citoyens s’insurgent et se rebellent. Nous ne disons pas, en effet, que le repli sur soi suffit a la politique une visibilité et au leader un rang. L’inclination particulière à une diplomatie tapageuse, de badigeon, pour simuler une célébrité est la grave erreur qui tue les Palais. Elle maintient les princes dans une insoutenables légèreté qui leur vaut une sentence tout a fait mérité. L’esprit de service qui sous-tend le leadership est absolument au bénéfice des citoyens.
Brisé de l’intérieur, rejeté et évacué de l’armature psychologique du peuple du Togo qui n’a jamais pris Eyadéma pour une référence, l’agitation diplomatique et les ingérences tapageuses dans les problèmes de la sous-région lui servaient d’un alibi de présence. Ce contentement biaisé du pouvoir, copié à la lettre par son fils n’est d’aucune élévation. La chronologie historique du « Timonier » des pacotilles – coup D’état, coups de force, coups tordus, violation des Droits humains, fausses élections, corruption, inculpations fantaisistes ciblées, achat de conscience, démentis grotesques, fabrication de preuves, répressions fauves, gaspillages effrénés, protection sécuritaire onéreuse, phobie de la mort, la hantise du soupçon, parjures, des soins de visibilité à l’étranger?-le relevé est inépuisable et proprement terne pour servir de prolongation élogieuse à son fils héritier qui n’a d’esprit que la récidive du même schéma politique avec des toutes les dérives.
École gratuite, la réhabilitation des hôpitaux, les états généraux de l’éducation et de la santé, la lutte contre la corruption, la modernisation de la justice, la décentralisation et le mandat social résonnent sur ce règne des malheurs telle une faillite incommensurable. Toute la question est de savoir : quelle ambition le grand jeune homme a-t-il pour le Togo ? Le règne de toutes les violations doit-il continuer à martyriser les Togolais et à saccager leur destin ? Nous avons compris comme François de MALHERBE dans ses Stances que : « Tout le plaisir des jours est en leurs matinées » pour mettre définitivement fin une dynastie prédatrice de notre vouloir-vivre, concept très cher au philosophe allemand SCHOPENHAUER, qui libère les intuitions infaillibles de notre survie, de notre libération.
2- La sclérose politique d’un régime violent, pilleur et dionysiaque
Tout pouvoir qui accumule les crimes se berce d’une puissance à écraser le peuple, à confisquer ses ressources, à en jouir à satiété et perd fatalement toutes les ambitions éminemment politiques, la maîtrise du service public, l’esprit républicain. Il alimente la déception pour susciter une adversité populaire dont il a peine à mesurer la gravité et les effets induits.
Une clé offerte dont on ne sait vraiment ce qu’elle ouvre résonne telle une monstrueuse inutilité qui n’a d’effectivité que d’entraîner des scandales, des absurdités plantureuses, des aberrations fâcheuses, le « spleen » mortellement insoutenable, des pertes colossales des défis, des rendez-vous manqués. Bien malin le citoyen qui peut produire un document sur les voyages annuels du fils du « Timonier » et nous situer sur l’addition en ponction lombaire dans le dos du contribuable Togolais. La dette publique prend une envolée astronomique pendant que le « savoir-faire » du fils de la grandeur livre nos hôpitaux, nos cités, nos régions à la décrépitude et notre éducation fait ses preuves sous des abris en paillasson avec des effectifs des bateaux négriers. Si le calcul des pertes sèches du Togo était mis à la disposition du grand public pour mesurer les dégâts de la fameuse minorité « fauriste » qui accapare les richesses du pays, nos morgues refuseraient des cadavres des accidents cardio-vasculaires. Le style militaire du royaume de l’impunité étend ses tentacules sur nos sociétés d’État, nos ressources du sol et du sous-sol.
Cette spoliation accélérée tient à une trilogie que chacun de nous perçoit clairement dans notre langue en ces termes : « Adoufouli », « Agbévlo », « Habamé ». Les idiomes traditionnels rendent mieux nos vécus d’un pouvoir dionysiaque. Le concept « Adoufouli » correspond à ce qu’on obtient par la rapine pour en jouir avec une gratuité étendue, tandis que « Agbévlo » est une jouissance immodérée avec un entêtement hédoniste de s’y accrocher envers et contre tout.« Habamé » revêt toute la dimension de l’arrogance, du manque criard de considération pour le citoyen togolais, l’ayant-droit sur lequel on essuie des semelles. Nous savons tout ce que nous vivons de ce régime pour prendre massivement conscience de la tragédie qui se joue en république à nos dépens et contre laquelle nous n’avons d’autre choix en légitime-défense que d’élever notre responsabilité en digue infranchissable de protection de la patrie. A la montagne de notre unité d’action dressée, des énergies promptes, automatiques font la cuirasse de notre rempart contre lequel s’écrasent des manœuvres de l’ambition, des leurres et des manœuvres de toutes les catégories d’un clan désormais balancé par la souveraineté tranquille d’un peuple dans la fausse aux diables.
Quel étonnant jour que celui où un prince « illuminé » se met à croire qu’il dispose d’une foudre de guerre pour être à l’abri d’une réplique responsable de la collectivité nationale ? La confiance des peuples résolus à faire leur propre destinée est toujours triomphante des fantassins. Faure est venu au pouvoir par des crimes de masse, il s’y maintient par des élections frauduleuses, le fusil, la gâchette aisée et ce que l’opinion nationale appelle aujourd’hui le terrorisme d’État qui lui enlève tout le résidu de légitimé arrangée dont il jouissait. De ce concert des barbaries sans limite, il perd tous ses soutiens et succombera de son choix despotique. Comme nous l’enseigne Pierre Leroux, dans De l’humanité, de son principe et de son avenir : « Le despote, en se faisant despote, devient esclave ».
Source : L’Alternative No.647 du 10 octobre 2017
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