Togo : Le Secteur privé, un faire-valoir pour le RPT-UNIR

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Togo : Le Secteur privé, un faire-valoir pour le RPT-UNIR

Le Togo n’appartient plus aux Togolais. Cela peut paraître anodin. Cette phrase pourrait amuser certains. Mais c’est la triste réalité à laquelle les Togolais doivent faire face. Le système cinquantenaire qui a pris en otage le pays, n’a plus froid aux yeux. Le pillage et le bradage des sociétés d’Etat, notamment des principaux poumons de l’économie du pays, sont devenus l’apanage des gouvernants togolais qui liquident les sociétés d’Etat (au nom d’une certaine privatisation) au nez et à la barbe des acteurs politiques, de la société civile, des intellectuels sans que ces derniers ne lèvent le petit doigt.

Il est quand même extraordinaire, ce qui se passe ces dernières années au Togo. Une minorité au pouvoir a décidé de vendre ce qui appartient à tous les Togolais. Et malheureusement, ceci se fait dans l’indifférence totale de la majorité qui est également héritière des biens de ce pays. Le Togo est un bien commun à tous les Togolais qui l’ont en héritage et en partage. Il est inadmissible qu’un seul individu se lève et commence par vendre ses richesses. Dans tous les secteurs, les sociétés d’Etat tombent une à une dans les mains des étrangers.

Le Port autonome de Lomé se retrouve aujourd’hui dans les mains d’un Français, Bolloré.

  • Un groupe chinois et d’autres étrangers se partagent le port privé, juste à côté de l’hôtel Sarakawa.
  • Le clinker, dans les poches des Allemands et des Indiens.
  • Le phosphate enrichit les Israéliens et les Indiens.
  • Le fer de Banjeli, le manganèse de Nayega et bien d’autres ressources minières sont contrôlées par des étrangers.
  • Le grand marché de Lomé est envahi par les Nigériens qui font la misère aux Togolais.
  • Le marbre togolais, ce sont des Chinois qui en profitent.
  • Les hôtels, dont 2 Février, sont dans les mains des étrangers, de même que les banques togolaises.
  • La Banque togolaise pour le développement (BTD) a été cédée et est devenue Orabank.
  • Il en est de même pour la BIA. Les deux dernières banques, l’UTB et la BTCI, sont sur le point de l’être aussi.
  • Même le secteur de la santé, avec le système de la contractualisation, est tombé dans les mains des étrangers.
  • Les hôpitaux n’appartiennent plus aux Togolais.

Bref, les principaux pôles économiques sont bradés aux étrangers au point où on se demande ce qui reste aux Togolais.

Quid du patriotisme économique ?

A en croire les autorités togolaises, le secteur privé togolais est appelé à contribuer à 65% au Plan national de développement (PND). On vient de sortir d’une semaine dénommée « semaine du secteur privé togolais » où pendant plusieurs jours, on a réuni des opérateurs économiques togolais dans un hôtel à Lomé pour un séminaire. On a tenté de leur expliquer leur contribution à la réussite de ce plan, surtout leur apport dans le développement économique du pays. Mais paradoxalement, on n’associe jamais ce secteur privé lorsqu’on veut vendre les sociétés d’Etat aux étrangers.

Personne ne peut comprendre la mise à l’écart du secteur privé togolais dans la privatisation de la société Togocom. L’Etat togolais peut, par exemple, garder 40% des actions de cette société. Il peut donner 30% aux opérateurs économiques togolais (secteur privé) et laisser le reste (30%) aux Malgaches. Comme ça, même s’ils sont des investisseurs au sein de la société, ces derniers n’auront pas la majorité. Les 40% de l’Etat et les 30% du secteur privé feraient du Togo le maître à bord du Togocom. En le faisant, on donne la possibilité aux Togolais (opérateurs économiques) de devenir milliardaires, comme on le voit dans d’autres pays. Mais malheureusement, les gouvernants togolais ne voient pas les choses de cet œil. On vend Togocom en mettant à l’écart le secteur privé togolais à qui on demande des efforts pour booster l’économie nationale.

A quoi sert donc le Patronat togolais ?

Devant cette aberration, les regards ne peuvent que se tourner vers le Patronat togolais. Visiblement, le secteur privé togolais ne sert qu’à être exhibé devant les caméras pour célébrer le Doing Business, un classement dont la crédibilité est mise en doute, même au sein des structures de la Banque Mondiale. La semaine du secteur privé togolais n’a pas empêché qu’on écarte les opérateurs économiques togolais lors du bradage de Togocom. Le comble, dans la même semaine, on donne deux licences au Nigerian Dangote. Une licence pour une usine de clinker dont personne ne connaît les contours. Aucun capital n’est donné aux Togolais du secteur privé. Une deuxième licence a été accordée au même individu pour faire de l’engrais phosphaté. Là aussi, on n’ouvre pas le capital aux Togolais. Le secteur privé togolais ne sert que dans les séminaires où les gouvernants le brandissent comme un trophée de guerre pour appâter les bailleurs de fonds.

Les hommes d’affaires togolais sont prêts à acheter Togocom. Le secteur privé togolais peut acheter les licences qu’on a données à Dangote. Il suffit de lui donner la possibilité de le faire. Le Nigeria ferme ses frontières et étouffe nos économies, et les dirigeants togolais donnent des contrats à Dangote. Le contraire ne serait pas possible, c’est-à-dire que le Nigeria ne donnerait pas un tel contrat à un Togolais. D’ailleurs, dans quelles conditions ce contrat a-t-il été octroyé à Dangote ? Cela, personne ne le sait. Il n’y a aucun patriotisme économique chez les gouvernants togolais qui prétendent aimer le Togo. Ils se plaisent à vendre tout le pays aux étrangers.

Le Patronat togolais est seulement là pour accompagner le régime dans des campagnes en grandes pompes. Le régime cinquantenaire les affiche devant les partenaires financiers et autres bailleurs de fonds pour se donner l’image d’un gouvernement qui promeut le secteur privé. Mais en réalité, il n’en est rien. Dans cette situation, on se demande quand le Togo aura son Dangote, son Tony Elumelu, son Sébastien Ajavon, son Bill Gate, etc. si on donne tout aux étrangers, encore que ce soient vraiment ces étrangers qu’on exhibe devant les caméras qui achètent les sociétés d’Etat.

Qui achètent les sociétés d’Etat : des étrangers ou des gens étranges ?

La question se pose, quand on observe un peu la voracité avec laquelle les dirigeants togolais s’empressent à liquider les sociétés. Par exemple, quand on prend Togocom, on dit seulement aux Togolais que cette société a été privatisée. Le gouvernement ne donne pas les conditions dans lesquelles s’est déroulé le processus ni le montant de cette privatisation. Après avoir contribué à faire descendre les sociétés dans le gouffre, à les mettre en faillite, des membres du clan au pouvoir se cachent derrière des étrangers pour les racheter. Parce qu’on ne peut pas comprendre qu’on laisse le plus grand capital de cette société entre les mains des étrangers, sachant que le secteur privé togolais est capable de l’acheter. Pire, Togocom fait déjà plus de chiffres d’affaires que ce que promettent ces Malgaches en 7 ans. Ce n’est pas sorcier de comprendre qu’il y a des gens tapis dans l’ombre qui se cachent derrière ces pseudo-étrangers pour continuer de piller ces sociétés.

On connaît des proches du régime en place, qui détiennent d’importantes parts de capitaux dans les sociétés d’Etat. L’exemple de la Société Nouvelle des Phosphates du Togo (SNPT) illustre bien la situation. En réalité, ce sont ceux qui mettent en faillite les sociétés d’Etat, qui les rachètent sous le couvert des étrangers. Ceci, dans l’indifférence totale des Togolais.

Étonnante indifférence de la classe politique et de l’élite

« Nous sommes tous propriétaires d’une maison que nous avons en héritage et en partage. Il y a un parmi nous qui se lève et commence par vendre tout ce qu’il y a dans la maison aux étrangers et personne ne lui dit rien. Parmi nous, il y a des politiques qui veulent gérer demain cette maison, des acteurs de la société civile, des opérateurs économiques, des universitaires, personne ne dit un mot », caricaturait le Directeur de Publication de L’Alternative Ferdinand Ayité sur sa page facebook. Le silence des leaders politiques de l’opposition surtout, face à cette situation, étonne plus d’un.

Justement, le régime cinquantenaire a choisi un moment crucial, la veille de la présidentielle de 2020, un moment où le processus électoral est décrié par tous, pour vendre Togocom et octroyer des contrats à Dangote. Bien évidemment, l’opposition n’a d’yeux que sur le processus électoral. Cette grave situation que le clan au pouvoir est en train de créer pour le pays passe inaperçue dans les états-majors des partis politiques de l’opposition. Ceux qui prétendent diriger le pays demain regardent brader les biens du pays , sans mot dire.

Même si l’Assemblée nationale est aujourd’hui monocolore, les députés doivent être interpellés par leur conscience. Dans un pays normal, le processus de privatisation de Togocom devrait être débattu au Parlement . Les députés ont le droit de cerner le contour de ce processus et être capables d’expliquer la situation aux populations. C’est à la suite de cela que, s’ils donnent leur accord, on devrait procéder véritablement à la privatisation de cette société. Mais ça n’a pas été le cas. Paradoxalement, le parlement n’a levé le petit doigt pour demander des comptes.

Le mutisme des acteurs de la société civile aussi surprend beaucoup. Elle a toujours joué le rôle d’éveil des consciences. Mais face à cette situation, celle du Togo devient amorphe, observe avec complaisance la descente aux enfers des sociétés qui appartiennent à tous les Togolais. Au Togo malheureusement, c’est dans des « séminaires et ateliers de renforcement de capacité » qu’on voit plus les organisations de la société civile. Tout porte à croire que les grands problèmes auxquels sont confrontées les populations et les dangers auxquels le pays est exposé ne constituent pas ses soucis majeurs. Et c’est bien triste.

Et que dire des intellectuels ? On a l’impression aujourd’hui que cette catégorie de la société n’existe que de nom. Ou elle voit le danger, mais a décidé de se taire, ou elle fait partie intégrante de la minorité qui détruit le patrimoine commun qu’est le Togo. La deuxième hypothèse est la plus plausible. Chacun, au nom de ses intérêts, préfère ne pas se mêler de ce qui pourrait lui enlever le pain de la bouche.

Le Togo est en train de sombrer. Il va falloir que la conscience se réveille. Il est inadmissible que les Togolais se taisent devant cette situation qui présage le chaos.

Source : L’Alternative No.842 du 12 novembre 2019

27Avril.com