Togo : Le rêve de l’«Émergence » confronté aux réalités de la Pauvreté

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Togo : Le rêve de l’«Émergence » confronté aux réalités de la Pauvreté

A partir de l’année 2007, le Togo s’est lancé dans plusieurs programmes qui visent à lutter contre la pauvreté. L’objectif ultime étant de permettre à plus de la moitié des 7 millions de Togolais vivant sous le seuil de la pauvreté d’avoir une qualité de vie acceptable. Pour ainsi permettre au pays d’amorcer son ascension vers l’émergence. Mais au fil des années, les résultats acquis ne comblent pas les attentes. Au pays de Faure Gnassingbé, le rêve de l’émergence est confronté aux tristes réalités de la pauvreté.

La pauvreté est l’un des freins au développement d’un pays. Au Togo, depuis quelques années la lutte contre la pauvreté s’est intensifiée à plusieurs niveaux pour ainsi permettre au pays de voir enfin se concrétiser les promesses d’un lendemain meilleur. Le gouvernement togolais a mis en place plusieurs stratégies ayant deux objectifs principaux. D’une part, elles visent de façon explicite l’inclusion sociale en mobilisant des ressources de l’économie sociale et solidaire. D’autre part, il s’est développé une approche orientée vers la création d’entreprises, voire vers l’entrepreneuriat. Progressivement, ce sont mises en œuvre d’autres stratégies qui, tout en étant centrées sur l’entreprise, sont attentives au social et aux liens avec la collectivité. En effet, entre 2007 et 2012, le Togo a élaboré 3 stratégies de réduction de la pauvreté dont la Stratégie de Croissance Accélérée et de Promotion de l’Emploi (SCAPE 2013-2017). Elle comprend 5 axes majeurs, le développement des secteurs à fort potentiel de croissance, le renforcement des infrastructures économiques, le développement du capital humain, la promotion de l’emploi, le renforcement de la gouvernance et la création de conditions favorables pour un développement participatif, équilibré et durable. La stratégie de croissance accélérée est également un canevas de développement qui devrait permettre au Togo de réaliser un essor économique considérable et ce, dans tous les secteurs d’activités. Mais elle n’a pas donné un résultat probant.

L’autre grand projet qui s’est donné pour objectif de réduire la pauvreté au Togo est le Fonds National de la Finance Inclusive (FNFI) inclus dans l’économie sociale et solidaire. Lancé en 2014, le Fnfi veut rendre accessibles les services financiers aux plus pauvres, par l’entremise des banques et des Institutions de microfinance. Au FNFI, d’autres composants se sont incrustés pour toucher d’autres secteurs spécifiques.

En outre, le dernier grand projet en date est le Plan national de développement (Pnd) (2018-2022). L’élaboration du PND est devenu un impératif pour le Togo. Il vise à répondre à la double nécessité de disposer d’un document de planification et de programmation du développement pour les cinq prochaines années en remplacement de la Stratégie de Croissance Accélérée et de Promotion de l’Emploi (SCAPE), ainsi que l’intégration des Objectifs de Développement Durable (ODD) dans le processus de développement. Ici, il est question de l’amélioration du bien-être et de l’épanouissement de la population, de l’amélioration de la productivité et de la compétitivité des secteurs de croissance. Il s’agit également du renforcement des infrastructures de soutien à la croissance, de la gestion durable du territoire, de l’environnement et du cadre de vie, ainsi que le renforcement de la bonne gouvernance et de la consolidation de la paix.

On peut également y ajouter le Document de Stratégie de Réduction de la pauvreté (DSRP).

Malgré quelques efforts du gouvernement togolais, l’incidence à la pauvreté ne diminue que légèrement. En effet, selon les résultats de l’enquête sur la cartographie de la pauvreté en 2017, la proportion des pauvres au Togo est passée de 55,1% en 2015 à 53,5% en 2017, soit une diminution de 1,6%. En 2011, elle était à 58,7%. Au niveau des cinq régions, l’étude relève également des baisses légères de l’incidence actuelle de la pauvreté. Dans la région des Savanes, l’incidence de la pauvreté est passée de 87,3% en 2011 à 65% en 2017 et dans la région Centrale, cette incidence est passée de 76% à 59,9%. En tout, de légères baisses qui témoigne de la perspicacité du problème. Dans certaines régions comme le grand Lomé, la pauvreté s’est même accrue. En 2015, le grand Lomé a enregistré une hausse sensible de la pauvreté avec une incidence qui est passée de 28% à 34%. Ainsi, le rêve de l’émergence entretenu par les autorités de Lomé pour 2030 n’est désormais chuchoté que rarement au bout des lèvres.

Le rêve de l’émergence confronté aux réalités de la pauvreté

En effet, c’est en 2014 que le Togo s’est lancé dans le projet d’émergence. C’est ainsi qu’a été lancé le projet « Vision, Togo 2030 ». « L’amélioration des conditions de vie de nos concitoyens nécessite la mise en œuvre des programmes contenus dans la vision à long terme permettant de répondre aux énormes défis sociaux économiques auxquels fait face le Togo. Le défi majeur que doit relever le Gouvernement est de satisfaire les besoins du peuple, et en même temps, de s’assurer que les ressources naturelles de base demeurent productives pour le futur », explique-t-on dans le cercle du gouvernement. Cette vision doit démontrer un sens rigoureux de l’anticipation, une capacité d’appréciation prudente et efficace des besoins et des moyens à mettre au service du développement socio-économique, a ajouté Arthème Ahoomey-Zunu, alors Premier Ministre. 4 ans après, ce projet a semblé prendre de l’eau. Il n’est plus évoqué comme ce fut le cas dans ses premières heures de lancement. Au fil du temps, il a même perdu sa place dans les discours officiels.

Au Togo, aux sources de la lutte contre la pauvreté se retrouve d’autres fléau qui empêche les différents politiques et stratégies misent en œuvre par le pouvoir public avec l’accompagnement des partenaires d’avoir les résultats escomptés. En 2016, dans un document produit par la Banque Mondiale (Systematic Country Diagnostic), l’institution a identifié clairement cinq facteurs qui entravent la réduction de la pauvreté et la promotion d’une prospérité partagée au Togo. Ces facteurs sont : les défis de la bonne gouvernance, la faiblesse de la gouvernance budgétaire, les barrières (politiques, règlementation) qui entravent l’activité du secteur privé, le niveau d’imposition élevé et distorsion de la politique fiscale, les mauvaises performances dans la prévention des maladies et dans la prestation des soins de santé.

En 2017, dans son rapport sur le Togo, le Fonds des Nations unies pour l’enfance (Unicef) souligne que 60% des enfants vivent dans des familles touchées par la pauvreté. 44% des enfants âgés de 5 à 17 ans n’ont pas l’accès à au moins quatre services de base (eau, éducation, nutrition et logement). La pauvreté a augmenté à Lomé (de 28,5% en 2011 à 34,3% en 2015) ainsi que l’extrême pauvreté qui s’est aggravée passant de 4,6% en 2011 à 13,7% en 2015. On comprend aisément que la génération qui est sensée porter l’émergence est prise en étau par la pauvreté. Aujourd’hui, on est dans l’incapacité d’assurer à cette génération un présent et encore moins un futur. Même si certaines personnes disent le contraire. L’émergence est plus que jamais confrontée aux tristes de la pauvreté. Ce qui pousse encore loin, très loin, le rêve de voir le Togo parmi les pays émergent d’ici 2030.

K.M.

Source : Fraternité No.284 du 12 septembre 2018

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